Comment expliquer les apparences d’une meilleure prospérité allemande ? L’Allemagne est-elle réellement un modèle ? La statue n’est-elle pas sans défauts ?
Par Michel de Poncins.
Les comparaisons vont bon train avec le prétendu modèle allemand. Un hebdomadaire connu a établi des fiches à propos de personnes équivalentes de part et d’autre du Rhin ; professeurs, ouvriers, cadres, retraités. Sauf erreur toujours possible dans l’enchevêtrement des faits et des lois, il semble bien que les Allemands soient plus gâtés que les Français : tous impôts et charges payées, il leur reste davantage dans leurs poches. Indépendamment de calculs arbitraires, le signe le plus clair est le nombre d’Alsaciens qui vont travailler dans le pays voisin.
L’avance se traduit aussi dans la médecine. Les hôpitaux allemands sont régulièrement mieux équipés que les français. Ainsi en fut-il pour les IRM à leur début et sur d’autres appareils à présent.
Un peu d’analyse
Comment expliquer ces apparences d’une meilleure prospérité ?
Ces jours-ci sortent des comparaisons utiles sur le coût du travail. Elles sont nettement en faveur de l’Allemagne en particulier à cause des charges sociales. Les défenseurs du modèle français s’en tirent en affirmant que la productivité serait plus forte en France. L’excuse est habile mais ce sont des calculs arbitraires et cela ne se voit guère sur les marchés d’exportation. Le chômage en France ne cesse de progresser même si le pouvoir se console par un ralentissement de la hausse. En Allemagne, le chômage régresse et depuis 2007 il a diminué de 50%. Quant au PIB, malgré la fragilité des calculs, il n’est pas aussi plat qu’en France.
La structure fédérale n’est pas pour rien. En Allemagne, les Landers disposent d’une large autonomie avec leurs propres constitution et leurs propres contrôles. Ils échappent donc plus que d’autres à la voracité des politiques : toute centralisation libère la tendance naturelle de ces politiques à multiplier les dépenses abusives souvent dans leur intérêt. Au surplus les politiques allemands sont moins avides que les nôtres : en témoigne le train de vie modeste de la chancelière elle-même.
Un autre facteur est la moindre culture de la grève qu’ailleurs. La grève est fortement encadrée et, notamment, les grèves politiques ne sont pas autorisées. Les fonctionnaires n’ont pas le droit de grève. En France la gréviculture est une habitude et détruit chaque année une part importante de la richesse nationale. En 2008, un million huit cent mille journées de travail ont été perdues, soit trente fois plus qu’en Allemagne. L’effet de ruine se traduit d’abord par la richesse manquante. Il se rajoute la conséquence sur les investissements nationaux, les entrepreneurs étant freinés dans leur élan. Bien sur l’effet est encore plus fort sur les investisseurs internationaux qui cherchent sans complexe des terres plus accueillantes.
Ajoutons l’existence d’un tissu important de firmes familiales qui réagissent vite aux indications du marché.
Les défauts de la statue
L’Allemagne est-elle réellement un modèle ? La statue n’est pas sans défauts.
Elle a un gros problème de population. Il est si grave que la population allemande pourrait disparaître à long terme. Les médias clament qu’il y aurait besoin de 200 000 immigrés de plus par an pour faire face à la prospérité. Pour remplir les postes en souffrance, la seule parade officielle est d’encourager le travail des femmes. C’est évidemment le contraire d’une véritable politique familiale seule solution au problème. Les idéologies à la mode dont le multiculturalisme, la parité « hommes-femmes » et la culture de mort se manifestent ici. Angela Merkel, sans doute aussi contaminée, commet une faute historique en les suivant.
Pour des raisons électoralistes la « Reine de Prusse » a décidé de freiner le nucléaire. C’est grave pour l’équilibre énergétique de tout le continent européen. Elle se lance de ce fait dans l’énergie éolienne et ses multiples mensonges. S’il existe un tribunal de l’histoire, Angela Merkel devra répondre d’un double crime dû aux éoliennes : la destruction de magnifiques paysages de son pays, ainsi que de ses sols, où des milliers de tonnes de béton resteront enfouis pour toujours !
Les erreurs doctrinales
Sur le plan doctrinal, Angela Merkel dérape également. Pour sortir de la crise, elle demande plus d’Europe. Plus d’Europe, cela veut dire des parlottes pendant des lustres et la ruine par un flot torrentiel de directives reflétant un socialisme destructeur, avec, en sus, une incertitude juridique cancéreuse. Quant à la richesse des eurocrates elle s’étale dans tous les journaux. L’enrichissement personnel indu (EPI) de ces eurocrates est au cœur de la ruine générale.
Elle se rallie aux remèdes imposés par la « communauté internationale » qui se fracassent sur de mauvais raisonnements.
Il est certes nécessaire de chercher la croissance pour arranger bien des problèmes. L’ erreur majeure est de penser à des incitations officielles à cette croissance par des politiques publiques. Comme toute politique économique officielle, elles ne pourraient que se retourner contre leurs propres objectifs. À l’échelle européenne, le drame ne peut que se multiplier.
En fait, on promet aux peuples abasourdis de la sueur et des larmes. Les plans d’austérité se succèdent avec à l’évidence aucun succès et le Portugal entre autres en souffre de plus en plus.
La seule façon connue de retrouver la croissance est de libérer le capital et le travail ; les entrepreneurs recommenceront à embaucher et à investir dans un cercle vertueux. Ce sera la richesse pour tous.
Last, but not least : Angela Merkel a imaginé, le 30 mars, de renforcer le M.E.S. ou Mécanisme Européen de Stabilité en le dotant de milliards en plus. En programmant ainsi un flot de monnaie créé ex nihilo, elle oublie allègrement le souvenir cuisant de l’hyperinflation allemande au siècle dernier. Il est vrai que l’OCDE s’y met aussi en évoquant un pare-feu de mille milliards !
Vers un SMIC
La dernière nouvelle est son ralliement à l’idée d’un salaire minimum défendu par ses partenaires sociaux-démocrates. Or l’absence de salaire minimum était l’une des causes du « miracle » allemand. La preuve a été apportée mille fois de la nocivité de ce système et de son effet négatif sur le chômage.
Devons-nous en tant que concurrent de l’Allemagne nous réjouir de ce nouveau dérapage ? Ce n’est pas sûr : la prospérité de nos voisins nous est favorable car elle permet de supporter les effets délétères des politiques que nous subissons et qu’à vue humaine, nous allons continuer à subir !
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Un bon article dans l’ensemble.
Quelques points à corriger :
– on parle de « Länder » pour le pluriel de « Land », désignant un Etat fédéré allemand (« Landers » est un horrible gallicisme).
– une politique familiale ? Il y en a bien une sous la coupe de Madame von der Leyen, elle-même gâtée en marmaille. A-t-elle fonctionné ? On peut en douter au vu des taux de fécondité allemands qui demeurent extrêmement bas, à 1,41 pour la CIA, soit sensiblement le même niveau que celui qui prévalait au début des années 2000. Une politique familiale, pour quoi faire ? Dépenser l’argent des uns pour financer les choix de vie d’autrui ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le problème est exactement le même que celui qui existait avec l’idéologie malthusienne, dénoncé par Rothbard, à savoir que l’on fait ici le postulat que les gens ne sont pas capables de s’adapter à des circonstances changeantes. Autrement dit, si le niveau de vie des gens est menacé par une démographie atone, ils sauront y réagir ou d’autres solutions se mettront en place (immigration, moins de facteur travail dans les activités productives, etc.). Je veux bien qu’il soit arithmétiquement difficile de corriger ce type de déclin démographique, étant donné qu’au fur et à mesure qu’il s’installe, il y a de moins en moins de femmes en âge de procréer, ce qui fait que le déclin tend à s’autonourrir. Ceci étant, je ne vois pas au nom de quoi nous devrions avoir une « politique familiale ». Clairement, il s’agit plus de facteurs culturels et de choix de vie plus que de quelques centaines d’euros en plus par an, subsides bien inférieurs aux surcoûts découlant d’un enfant supplémentaire.
Il y a environ 75 millions d’allemands (+ 8 millions d’étrangers) sur un pays qui fait environ 1/3 de moins que la France métropolitaine, alors la population allemande peut bien se faire diviser par deux sans que ça pose un problème ; il n’aura qu’à poser plus de robots sans les usines et ce sera tout.
La population n’est pas un problème. Contrairement à la France, il y a un fort décalage entre le nombre de personnes vivant sur le territoire et le nombre de personnes possédant la citoyenneté allemande : en Allemagne, c’est le droit du sang et non le droit du sol. De ce fait, même après trois générations, les descendants d’émigrés nés en Allemagne n’ont pas forcément la nationalité allemande alors qu’ils contribuent à l’économie du pays (impôts, retraites …).
Concernant le travail des femmes, il est vrai que les salaires jusque là élevés permettaient aux femmes (mais aussi à des hommes) de choisir soit de travailler, soit d’élever les enfants, un choix impossible en France où bien souvent les deux membres d’un couple sont obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins.
Les choses changent : il y a peu de chômage en Allemagne et l’état allemand trouve une source inespérée de contribution sociale et d’imposition dans le travail des femmes (ou encore une fois, pour être plus précis, dans le travail des deux membres du couple). Depuis dix ans, une nouvelle économie de service explose au niveau de la garde des enfants, un service onéreux, ce qui fait qu’au final le gain pour le foyer fiscal est très limité. Dans le même temps, les salaires baissent en moyenne avec l’arrivée massive de cette nouvelle main d’œuvre sur le marché du travail. Paradoxe : il devient donc plus difficile aujourd’hui qu’il y a dix ans pour une femme ou un homme éduquant seul ses enfants de gagner suffisamment d’argent pour faire tourner le foyer.
Pire même : alors que jusque là le conjoint restant à la maison était très protégé, assurant presque la ruine en terme de pension alimentaire à celui qui travaillait s’il y avait séparation, les amendements récents ont fortement limité la hauteur de la pension alimentaire.
Sans surprise, on se retrouve en Allemagne avec une nouvelle pauvreté, que l’on connaissait depuis longtemps en France : celle de la famille monoparentale …