L’Europe ! L’Europe ?

Il semblerait que pour certains, l’Europe puisse être invoquée quelle que soit la nature du problème

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L’Europe ! L’Europe ?

Publié le 29 décembre 2011
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Il semblerait que pour certains, l’Europe puisse être invoquée quelle que soit la nature du problème.

Par Domi

Imaginons qu’un pays régulièrement frappé par les inondations, se décide à accueillir Superman sur la base de cette promesse : « Superman, vous nous protégez contre les inondations! ».

Une nouvelle inondation frappe le pays en question mais Superman, loin de sauver qui que ce soit est au bord de se noyer lui-même. Finalement, il échoue inconscient au sommet d’un arbre émergeant du déluge. Les éléments sont déchainés autour de Superman et, son sort étant connu, les dirigeants du pays lancent une campagne auprès de l’opinion : « il faut sauver Superman ! ». Seulement, les éléments sont déchainés à un point tel que plusieurs équipes de secours échouent dans cette tâche, le payant de leur vie. Une question se fait alors entendre dans l’opinion : « pourquoi faudrait-il à tout prix sauver Superman ? ».

Ce à quoi les hommes politiques ont une réponse toute trouvée : « il faut sauver Superman parce que Superman va nous sauver ! Sans Superman, ce serait le déluge, l’apocalypse ! » Une partie de l’opinion, ayant peu d’égard pour la clairvoyance naturelle de ses dirigeants se permet alors d’insinuer stupidement qu’on leur avait déjà promis que Superman devait les sauver et que rien de tout cela ne s’est passé, que d’ailleurs c’est Superman qui dort tranquillement au sommet de son arbre qui a nécessité un sauvetage et bref… que tout cela n’augure rien de bon quant aux capacités de Superman à sauver qui que ce soit à l’avenir.

Remplacez le pays imaginaire par nos pays européens, ses dirigeants par nos dirigeants (je vise particulièrement la partie de la classe politique française qui a appelé à voter oui aux différents traités européens), Superman par l’euro, les inondations par les crises (financières, crises de la dette, etc) et vous aurez à peu près la situation que nous vivons.

À cet impératif de sauver l’euro, notre classe politique ajoute le renforcement de l’intégration européenne pour résoudre la crise, en soutenant la mise en place d’un fonds de secours européen ou la possibilité pour les banques centrales d’acheter directement la dette des États (ce que les statuts de la BCE ne permettent pas).

Le problème est que la méthode qu’ils préconisent aujourd’hui, ils la rejetaient vigoureusement hier. Les traités européens avaient gravé dans le marbre le principe interdisant le sauvetage d’un pays qui ferait défaut. Le seul point commun est la conclusion : il faut plus d’Europe.

On vous dit au départ que vous pouvez mettre un seul pied dans la construction européenne, que les pays conserveront leur souveraineté mais aussi la contrepartie de celle-ci leur responsabilité. Chaque pays paiera les conséquences de ses erreurs. Ce système intermédiaire est censé garantir la prospérité de tous.

Le système mis en place ne présentant aucun des avantages proclamés, il vous est instamment demandé de consentir au passage à la phase supérieure, qui hier encore était rejetée (promis juré) la main sur le cœur. Le produit vendu ne présentait pas les caractéristiques promises par la publicité ? Passez au modèle supérieur plus coûteux ! Quelle crédibilité accorder à des gens qui renversent totalement leurs arguments pour parvenir toujours à la même conclusion ? Surtout comment ne pas avoir l’impression, si l’on est un tant soit peu réticent à l’égard de la construction européenne, d’être pris pour un imbécile par ceux qui la promeuvent ?

Il semblerait que pour certains, l’Europe puisse être invoquée quelle que soit la nature du problème. La dette ? L’Europe va l’absorber ! Le chômage ? L’Europe va résoudre le problème ! Le racisme, la pauvreté ? L’Europe ! L’eczéma, les cors aux pieds, les hémorroïdes ? L’Europe vous dit-on !

Pour qui ne veut pas se contenter de slogan, l’Europe (le projet d’intégration européenne) est à juger à l’aune de son efficacité, efficacité qui doit être attestée par des preuves, des faits, des raisonnements, des arguments, bref rien qui ressemble aux incantations qui nous sont actuellement servies.

On peut alors poser la question suivante : « quels problèmes une communauté politique de 600 ou 700 millions de personnes résoudrait mieux qu’une communauté de 10 ou 50 millions ? » A priori, aucun mis à part peut-être le financement de plans nécessitant des investissements considérables (conquête spatiale, etc).

En l’occurrence, nous payons l’habitude prise par nos démocraties à avoir recours à l’endettement.

En quoi une collectivité plus importante serait-elle prémunie de ce vice ? En rien. Les mêmes défauts seraient présents… Seuls les gogos peuvent croire que l’Europe pourra absorber toutes les dettes, parce que l’Europe, c’est gros. Si les ressources augmentent avec la taille, les besoins et les dépenses aussi. Les mêmes attitudes conduiront immanquablement aux mêmes résultats.

Un défenseur habile de l’intégration européenne pourrait dire que ce n’est pas en ces termes que le problème se pose. Il poursuivrait en soulignant que la question n’est pas celle de la taille d’une communauté politique, mais l’opposition entre unité et division, la première seule permettant la coordination politique des intérêts. Poussé au bout, cet argument conduit à affirmer la nécessité d’un État mondial.

En fait, deux principes coexistent dans la conduite des affaires humaines : le principe d’autonomie et le principe de coordination. Parfois, une communauté politique peut vouloir appliquer un principe, parfois l’autre.

Prenons deux exemples où tour à tour l’un des deux principes semble le plus approprié.

Lorsqu’il s’agit de déterminer où les gens doivent partir en vacances, à la mer ou à la montagne, par exemple, le principe d’autonomie semble le plus approprié : chacun doit pouvoir choisir où il veut aller.

Dans le cas de la défense du pays, ce principe serait probablement moins efficace : chacun aurait intérêt à attendre que les autres assurent cette défense alors que, pour tout le monde, l’engagement de chacun dans ce projet est préférable à son abandon par tous.

Ces problématiques, présentes au sein d’une collectivité politique existent également dans les relations entre nations : parfois elles ont intérêt à choisir indépendamment ce qui est conforme à leurs intérêts, parfois à définir un projet commun.

En l’occurrence, le but de la coordination politique de niveau européen et de s’extraire des crises de la dette. Pourtant tout laisse à penser que le principe de coordination sera impuissant à résoudre les problèmes d’endettement, tout simplement parce que c’est lui qui en est à l’origine.

L’État est censé remplir les tâches que des individus laissés à eux-mêmes ne seraient pas capables d’accomplir. Il le fait au moyen de la dépense publique. De même, il promet à chacun d’échapper aux rigueurs de la responsabilité individuelle en développant l’assistanat. Au final, son incompétence de gestionnaire, son incapacité à équilibrer ses comptes sont à l’origine d’une situation pire qu’avant son intervention.

Le passage au niveau supérieur consiste à prolonger cette attitude de refus de prise en compte de la responsabilité individuelle. Dès lors, l’absorption des déficits des États par une plus grosse structure, sans limitation des pouvoirs décisionnels des États, sans autorité de contrôle, sans possibilité de les sanctionner conduirait à leur aggravation.

Assortie de contraintes effectives, elle poserait un problème démocratique : que resterait-il aux peuples à décider, comment pourraient-ils se différencier, affirmer leur identité, surtout si l’on y ajoute l’idée d’harmonie fiscale ? En quoi une technostructure internationale aurait la moindre légitimité pour sanctionner des politiques approuvées par une majorité populaire ?

Dernière solution : reporter les institutions démocratiques des États européens vers un super État européen. Cette solution ne présente ni avantage ni inconvénients par rapport à la tendance à faire des cadeaux à l’électorat au moyen de déficits.

Au final, plus ou moins d’Europe est une question extérieure au problème actuel.

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  • Il serait intéresant de présenter la croissance du nombre de postes dans les institutions européennes. Il y a un mouvement inquiétant.

    Merci Domi pour cet article clair et posé.

  • Créer un contre-pouvoir est un moyen de limiter le pouvoir d’une institution, l’autre étant de limiter ses ressources financières. Voilà plusieurs siècles que les multiples Etats européens, sans aucun contre-pouvoir, passent leur temps à massacrer, assujettir, spolier ou appauvrir leurs populations respectives. Va-t-on continuer encore longtemps cette folie ?

    On peut toujours décrire la menace hypothétique que constituerait l’Europe mais il apparaît plus urgent de s’attaquer aux menaces réelles que constituent les Etats européens pris individuellement. C’est bien la France et non l’Europe qui nous prend plus de la moitié de nos revenus, impose une administration pléthorique et s’endette hors de toute raison.

    Le débat sur les institutions européennes ne soit pas conduire à s’en passer mais à définir les institutions les plus libérales possibles. A ce titre, l’euro est bien plus libéral que les anciennes monnaies nationales aux mains des politiciens et des fonctionnaires de chaque pays.

    • Les institutions les plus libérales possible ça se résume à : des gouvernants qui aient le plus peur possible de nous. C’est tout.

      Et les eurocrates, ils n’ont absolument aucune crainte je vous le garantis. Pour eux, nous sommes du bétail rien de plus.

      L’idée de l’europe qui régule nos pays pour les rendre plus libraux est illusoire. Peine perdue. Oui, ils ont joué ce eu il y a 30 ans, mais juste pour prendre le pouvoir. C’est fini maintenant, il ne faut pas s’accrocher à ce vieux rêve réduit en lambeaux, il faut tourner la page, c’est fini Monsieur.

      Il faut leur foutre la frousse, et ça va être la chose la plus difficile au monde.

  • « L’État est censé remplir les tâches que des individus laissés à eux-mêmes ne seraient pas capables d’accomplir. Il le fait au moyen de la dépense publique. De même, il promet à chacun d’échapper aux rigueurs de la responsabilité individuelle en développant l’assistanat. Au final, son incompétence de gestionnaire, son incapacité à équilibrer ses comptes sont à l’origine d’une situation pire qu’avant son intervention. »

    Sorte de prospérité hypothéquée.

  • Merci de m’avoir lu,

    Il faudrait, pour accepter votre raisonnement ,admettre que l’Europe soit réellement un contrepouvoir qui limitera les autres et non un pouvoir qui s’ajoutera au précédent.

    Pour ma part, une autre partie de mes réticences à l’égard de la construction européenne viens de ce que dans l’hypothèse (pour l’instant futuriste, j’en conviens) où un état européen venait remplacer les états nationaux, je crois qu’il serait plus hostile aux libertés que ceux-ci. Compte tenu des différences entre les peuples européens, de la difficulté à instaurer un débat public entre eux (les discussions se feraient davantage sur des questions correspondant aux anciens clivages nationaux qu’économiques par exemple), surveiller les gouvernants deviendrait encore plus difficile qu’aujourd’hui.

    Ne dit-on pas gouverner pour mieux régner ? Quelle manière plus confortable de régner que sur un peuple européen divisé ?

    En ce qui concerne l’euro, le débat peut-être assez complexe :
    1°) Est-il préférable aux anciennes monnaies nationales,
    2°) sinon, est-il possible de retourner aux monnaies nationales ?

    Ce n’est pas parce que nous serions en meilleure position avec ces monnaies si elles avaient été conservées que nous aurions nécessairement intérêt à retourner vers elle dans la situation où nous sommes.

    Ce qui est certain, en revanche c’est que les politiciens s’y prennent et s’y sont pris comme des manches en communicant sur l’euro.

    Tout d’abord, ils ont largement exagéré ses avantages au moment de sa sortie. La comparaison des taux de croissance ou d’inflation avant et après l’euro (ou les mêmes comparaisons entre les pays européens de la zone euro et les autres ou encore le fait que nous soyons en pleine crise malgré l’euro) ne plaide pas en faveur de l’euro comme remède miracle.

    Ensuite parler de « sauver l’euro » est vraiment d’une bêtise sans nom. D’une part parce que l’euro ne tombera pas tout seul mais parce qu’à un moment ou à un autre, une ou plusieurs nations européennes auront fait le choix d’en sortir. D’autre part parce que l’euro est un instrument au service des peuples et non l’inverse.

    Une meilleure façon de présenter les choses serait de dire : « sortir de l’euro n’est pas la solution » Je pense que cette question de vocabulaire n’est pas qu’un point de détail, elle est révélatrice d’une confusion totale des eurocrates français entre ce qui relève des objectifs et ce qui relève des moyens et du caractère totalement dogmatique de leur vision de la construction européenne.

    Vous comprendrez que sur des bases aussi malsaines, je ne sois pas pressé de voir aboutir cette belle idée…

  • Petite erreur de ma part : je voulais répondre à Bubulle bien entendu.

  • « On peut alors poser la question suivante : « quels problèmes une communauté politique de 600 ou 700 millions de personnes résoudrait mieux qu’une communauté de 10 ou 50 millions ? » »

    Une communauté de 600 ou 700 millions de personnes et 30 communautés de 10 ou 50 millions de personnes, ce n’est pas du tout pareil !
    Tout d’abord, on peut mutualiser de nombreux fonctionnaires (pour les impôts : 130000 rien qu’en France) + ceux des autres pays, et diviser leur nombre par dix. Et un seul gouvernement, un seul parlement, au lieu de 27 ou 30. Une seule armée avec un même matériel au lieu de payer des milliards pour des études d’avions de chasse qui ne se vendent à personne…
    L’Europe est une super idée, mais évidemment tout dépend de laquelle…
    Une Europe libérale avec un Etat minimum.

    • @Abitbol : Et revoilà le rêve des économies d’échelle qui revient par la petite porte. Si l’on veut des économies d’échelle, pourquoi pas un État mondial ? Un seul parlement au lieu de plus d’une centaine, et même plus besoin d’armée ! Plus loin encore, on pourra suprimmer parlement et élections pour davantage d’économies. Vous voyez où ca mène ?

      Les économies d’échelle, c’est déjà fort rare à trouver dans le privé, alors dans le public, j’attends qu’on m’en montre.

      • Bah les dettes à l’échelle d’un continent entier, c’est pas terrible non plus… et puis là, on l’expérimente en direct par la grande porte.
        Mais c’est vrai que les économies d’échelle sont rares même dans le privé (peut être à part dans l’industrie automobile) et c’est bien dommage si l’on recherche l’efficacité économique. Les intérêts particuliers, même s’ils coûtent fort chers, priment toujours sur l’intérêt général.
        Imaginons un groupement de PMI PME dans un secteur industriel comme l’automobile et dans un secteur géographique comme l’Ile de France, qui louerait un seul bâtiment pour abriter ses activités, n’aurait affaire qu’à un seul cabinet comptable au lieu d’une trentaine, qui achèterait ses machines, ses consommables, etc… en une fois au lieu d’une trentaine, qui aurait beaucoup plus de poids au moment de se faire payer ses commandes et beaucoup plus de poids au niveau politique…
        Ensuite regardons les USA, quel est le rapport entre un Californien et un habitant du New Hampshire ? Ils parlent une espèce d’anglais… et encore l’anglais n’est pas la langue officiel du pays. Mais, ils ont la même armée, parlent d’une même voix à l’ONU, etc…
        Croyez-vous que Ron Paul, s’il était élu président des USA (et je le souhaite), éclaterait l’Union pour en faire 50 pays différents en se gardant le Delaware ?

  • Le problème étant qu’on a fait croire :
    1) que l’euro était la cause de ces problèmes de dette, alors qu’il n’en est rien,
    2) que l’euro était menacé (2ème devise mondiale, aucune crise de confiance du côté des commerçants, etc.), alors qu’il n’en est rien (du moins… pour l’instant, on finit par croire nos propres balivernes).

    On devrait répéter sans cesse que SI le traité de Maastricht avait été respecté, on n’en serait pas là, à commencer par les Grecs.

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