CEMAC: les hypothèques à l’intégration régionale

La Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale est-elle une chimère?

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CEMAC: les hypothèques à l’intégration régionale

Publié le 30 octobre 2011
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Malgré quelques avancées sur le plan institutionnel, la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale) reste caractérisée par un faible niveau des échanges commerciaux entre États membres. L’intégration en Afrique centrale est-elle une chimère ?

Par Sali Bouba Oumarou
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

Dans le cadre du jeu et des enjeux de la mondialisation, l’intégration régionale apparait comme un moyen efficace pour la création d’entités économiques à même de profiter des opportunités du « système monde » et d’en relever les défis. La création en Afrique centrale de la CEMAC en 1994 avait laissé penser que le coup d’accélérateur à l’intégration régionale en Afrique centrale allait enfin être donné. Malheureusement, à la différence de l’Afrique de l’Ouest où des avancées notables en matière d’intégration régionale sont enregistrées, la CEMAC reste quelque peu en marge de la dynamique d’intégration économique qui s’observe sur le continent. Plus d’une décennie après sa création il y a lieu de constater que les objectifs de celle-ci sont loin d’être atteints. Au demeurant, de nouvelles hypothèques bloquent cette initiative : Le renversement brutal du leadership dont jouissait le Cameroun sur le plan économique et le Gabon sur le plan diplomatique. L’intégration en Afrique centrale est-elle une chimère ?

Les avantages de l’intégration économique

Depuis 1990, près d’un tiers du commerce international se réalise au sein des aires d’intégration régionale, source de plusieurs avantages pour les États dans le contexte actuel de mondialisation. Celle-ci permet l’extension des marchés, source d’économies d’échelles se muant en réduction des coûts de production et en amélioration de la productivité. La concurrence qui nait dans un tel contexte est source d’innovation et incite les entrepreneurs à plus de spécialisation dans la production des biens et des services. S’ensuit un accroissement des investissements endogènes et exogènes au sein de la Zone d’intégration et une élévation de la croissance soutenable – fondamentale pour un recul de la pauvreté. Aussi, l’autre avantage non moins négligeable de l’intégration régionale, est de favoriser la représentativité sur la scène internationale. Aux négociations économiques entre États peut se substituer des négociations entre Blocs comme le fait si bien l’Union Européenne.

Tous ces avantages potentiels de l’intégration régionale dépendent avant tout de la suppression délibérée des obstacles à l’intégration et des relations qu’entretiennent les États membres. Au niveau de la CEMAC, ces avantages sont encore pour l’instant de simples illusions à cause des hypothèques qui pèsent sur celle-ci.

Une intégration de façade

Malgré quelques avancées sur le plan institutionnel (Parlement communautaire, passeport CEMAC etc) la CEMAC reste caractérisée par un faible niveau des échanges commerciaux entre États membres, une absence caractérisée d’infrastructures de transport et la présence intarissable de conflit de leadership entre les États membres.

Sur le plan économique la circulation des flux de biens, services et de capitaux entre pays de la zone CEMAC est en deçà du potentiel de la région. Entre les années 2000 et 2007, les échanges intracommunautaires dans la zone CEMAC oscillaient entre 0,5% et 1% du commerce total des États membres (Bureau régional CEA-ONU -2006). Alors que dans le même temps les pays membres de la CEDEAO ou encore de la COMESA réalisaient des échanges intracommunautaires de près de 22%.

C’est que les pratiques protectionnistes persistent, et des voies de communications régionales ne sont pas développées. La libre circulation des biens et des personnes, indispensable pour une réelle intégration, n’est pas effective. Au Gabon par exemple, jusqu’en 2011, il était prohibé d’importer du sucre et des œufs. Les protections non tarifaires sont de loin les principaux entravent aux échanges commerciaux dans cette zone (procédures administratives très longues, barrages routiers fréquents, racket des opérateurs économiques par les douaniers). Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil sur le classement des pays membres de cette Zone par le « Doing Business » : Guinée Équatoriale 155ème sur 183, Gabon 156ème, Cameroun 161ème ,Tchad 183ème). Aussi, le Gabon et la Guinée équatoriale continuent, malgré la mise en service du passeport régional, d’exiger aux ressortissants de la CEMAC des visas pour entrer sur leurs territoires. Pire encore, l’on note depuis ces cinq derniers années une récurrence des actes xénophobes de la part de la Guinée Équatoriale autrefois considéré comme le petit Poucet de cette aire régionale, mais dont les gisements pétroliers permettent aujourd’hui de revendiquer une reconfiguration des rapports entres les pays membres de cette zone.

En outre, en ce qui concerne les voies de communications régionales (transports), contrairement à d’autres communautés régionales, notamment l’UEMOA où il existe des routes régionales en bonne état, une bonne partie du réseau routier de la CEMAC est défectueux ou impraticable. La conséquence de cette situation est alors l’augmentation considérable des coûts du transport des biens et des services. « Le transport de marchandises entre Douala et N’Djamena coûte six fois plus cher qu’entre Shanghai, en Chine, et le port de Douala. Il dure également deux fois plus longtemps: soixante jours, contre trente jours. » (Anicet Georges Dologuélé Président BDEAC-Jeune Afrique 14/04/2009). De même, aucune voie ferrée nationale n’est interconnectée à une autre, comme en Afrique de l’Ouest. S’il l’on conçoit qu’il existe une symbiose entre infrastructure et croissance (Eustace et Fay 2007), qu’une bonne infrastructure stimule la croissance économique (et inversement, la croissance entraînant l’augmentation de la demande d’infrastructures), il est donc facile par conséquent de comprendre partiellement les causes de l’atonie de la croissance en zone CEMAC (1,5% du PIB réel 2009 –Bureau Régional UNECA).

La persistance des querelles de leadership

Si à ses débuts, les querelles de leadership au sein de la CEMAC se focalisaient essentiellement entre le Cameroun (leadership économique) et le Gabon (leadership diplomatique), il y a lieu de noter que la Guinée Équatoriale, devenue nouvel eldorado du pétrole de la Zone CEMAC, entend dorénavant peser de tout son poids au sein la CEMAC. Détentrice de près de la moitié des avoirs des réserves de change de la Banque régionale (BEAC) et disposant d’un PIB de 11033 dollars/Hbt en 2010 (BEAC-2011), la Guinée équatoriale s’affirme de plus en plus comme étant la locomotive de la région, au détriment du Cameroun qui a toujours eu la précellence économique au sein de la région. Toutefois, la puissance pétrolière de la guinée équatoriale engendre aussi dans le même temps, la peur de l’intégration, la peur de l’envahissement. D’où la récurrence des expulsions des étrangers et le durcissement des conditions de séjour. La question économique est alors de loin au sein de la CEMAC le nid des querelles de leadership. La perception de l’existence de deux bourses de valeurs (une au Cameroun et une autre au Gabon) comme un obstacle à l’intégration témoigne des persistances de ces querelles qui retardent un peu le processus d’intégration au sein de la CEMAC.

En soi, ces querelles pourraient être considérées comme inhérentes à tout processus d’intégration. (France/Allemagne dans le cadre de L’UE), toutefois, elles ne devraient pas affecter son essence même qui est la libre circulation des biens et des personnes. La liberté d’échanger et de créer des richesses. Il va de soi qu’une véritable intégration régionale économique en Zone CEMAC, passe inéluctablement par une bonne dose de volonté politique claire et sans ambigüité pour… dépolitiser l’intégration régionalisation.

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