Crise des dettes souveraines : l’Italie, catastrophe annoncée
Le sommet européen qui s’est achevé dimanche a débouché, comme on pouvait s’y attendre, sur pas grand-chose. Et mercredi, c’est promis, il y aura un accord. En pratique, si nos dirigeants semblent avoir progressé, quitte à faire passer l’ensemble pour une victoire qui va se terminer en apothéose dans les prochaines heures, la situation reste tendue. Pire : on ne peut pas être réellement rassuré lorsqu’on lit les déclarations officielles suite à ce sommet…
Pour résumer ce qui est en train de se mettre en place, on en arrive donc à la solution suivante :
- se débrouiller pour que la Grèce ne s’endette pas plus,
- faire accepter aux créanciers une perte d’au moins la moitié de ce qui a été prêté à la Grèce,
- augmenter le Fonds de soutien pour le passer de gros à hippopotamesque.
Les États ont donc décidé, unilatéralement, que leurs dettes pouvaient ne pas être dues et que le meilleur moyen de lutter contre la dette consistait à la noyer dans… de la dette. Tout montre donc que nos politiciens n’ont qu’un unique mode de pensée, que c’est ce mode qui nous a mis dans cette situation en premier lieu et qu’ils espèrent nous en sortir en accélérant la cadence.
Notez qu’en plus de tout cela, l’hypocrisie règne en maître puisqu’à aucun moment n’aura été admis que la Grèce, effectivement, est en faillite, qu’elle a fait défaut.
Dans les prochains jours, on va donc encore parler de dizaines de milliards par ici, de dizaines de milliards par là. Et comme pour le moment, un euro ne vaut pas complètement rien (certes, il en faut 1200 pour acheter une once d’or), ces petits milliards finissent par faire une jolie somme. Et de fil en aiguille, les milliards tournent, les % de croissance et autres indicateurs plus ou moins foireux s’empilent, et rapidement, on perd pied au point qu’on oublie qu’il s’agit, essentiellement, de notre argent, ou de l’argent futur qu’une génération à venir va devoir aller chercher on se demande bien où.
Mieux : on en vient à oublier comment on en est arrivé là… C’est pour cela que je me suis fendu de quelques petits graphiques.
Le premier, ci-dessous, présente le traditionnel pourcentage de dette rapporté au PIB. Cet indicateur permet, assez grossièrement, d’indiquer la solvabilité d’un État. Plus ce % est élevé, moins la dette sera facile à rembourser, et moins l’État sera solvable.
Je me suis concentré sur les pays suivants : Grèce, Italie, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne et Portugal. La Grèce, on comprend pourquoi assez vite ; j’ai inclus quatre gros pays que sont l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie. Et j’ai inclus l’Espagne et le Portugal puisqu’ils ont été, récemment, dégradés par les agences de notations et ont été régulièrement cités comme traversant la crise avec beaucoup de difficultés.
Lorsqu’on regarde l’évolution de l’indicateur Dette / PIB sur les 10 dernières années, on obtient ceci pour les pays choisis :
(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)
Déjà, une tendance se dégage et on comprend que l’Italie, bien avant la France, fasse un peu peur aux argentiers de la planète. Un autre élément permet d’apprécier ce qui se passe actuellement en Europe, c’est la variation de cet indicateur dans le temps. Le grec, littéralement, fait des bonds. Et c’est l’anglais qui, là, laisse un petit goût de “trop vite”.
Le second graphique, quant à lui, montre cette fois-ci la dette en valeur. Et là, le tableau se fait de plus en plus précis. On y découvre une Allemagne baignant dans la dette à des niveaux records. Et juste après… l’Italie. Décidément, ce pays semble le prochain gagnant d’une catastrophe financière majeure, dont la caractéristique sera d’être absolument impossible à éponger. Et lorsqu’on sait que les banques françaises sont massivement investie dans la dette italienne (comme en témoigne cet amusant graphique) on comprend que si l’Italie tombe, la France tombe aussi, très vite.
(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)
C’est d’ailleurs le principal enseignement du graphique : si la Grèce pose tant de problèmes, elle est, en regard des volumes considérés, extrêmement modeste par rapport aux autres pays. L’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et bien sûr la France représentent chacun plusieurs fois les volumes d’une dette grecque qui a déjà, ipso facto, paralysé l’Europe.
On imagine donc sans mal que tout petit hoquet, tout incident même mineur, dans un remboursement de l’une de ces dettes majeures provoquerait des sueurs froides chez nos dirigeants qui, s’ils ne comprennent manifestement rien de ce qui se passe, ont au moins capté qu’il n’y aura jamais, quoi qu’ils fassent, assez d’argent pour sauver ces pays.
Maintenant, cette valse de milliers de milliards (on parle de près de 8000 milliards d’euros si l’on ne considère que les pays présentés dans ce graphique, en 2010) ferait presque oublier qu’elle ne doit, pourtant, rien au hasard.
Toutes ces dettes, ces montagnes de dettes, ces Everest caillouteux de dettes colossales ne sont pas apparus, du jour au lendemain, pouf, sans crier gare. Tout ceci est la conséquence logique, implacable, politiquement gênante mais absolument inéluctable de choix politiciens.
Celui, par exemple, de mentir en prétendant que ces dettes étaient soutenables, à court, moyen et long terme.
Celui, par exemple, de penser qu’acheter la paix sociale maintenant valait largement les sacrifices futurs. La tronche de ces sacrifices, maintenant, laisse un goût âcre, ne trouvez-vous pas ?
Celui, par exemple, de prétendre qu’un État est différent d’une entreprise et qu’il n’a pas besoin d’avoir un budget rigoureux, équilibré, et pfouah !, même pas mal.
Et cela donne la jolie illustration suivante. Prenons le budget 2010 français, par exemple ; il est plus simple que le 2011, dont le déficit total est encore imparfaitement connu. Eh bien on obtient ceci : pour chaque billet de 10€ dépensé, l’état va s’endetter de 9€ pour arriver à financer tous les choix politiciens de merveilleux outils d’oppression douce.
(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)
Empilez ce graphique, d’année en année, et vous obtenez les monceaux de dettes fumantes précédemment évoqués. Pour les politiciens, l’explication au marasme est alors évidente : ce sont les autres, à commencer par les banquiers, ceux qui ont prêtés, qui sont donc responsables de la crise, pardi !
Imparable, non ?
—-
Sur le web
Ca fait longtemps que je soupçonne le poisson rouge du voisin d’être un des responsables de la dette publique… Va y avoir du meurtre de poisson rouge, je vous le dis !
J’ai toujours eu un doute sur la validité de cette dette rapportée au PIB, car le PIB tente de refleter ( et de façon trés imprécise) la richesse produite par tous les français, alors que la dette de l’Etat ne concerne que..l’Etat.
Il serait plus intérressant de rapporter cette dette au recette de l’Etat.
Ce n’est pas une critique de cet excellent article, mais juste un commentaire.
Oui, je suis du même avis. Et vous savez quoi ? Si vous me trouvez, pour les pays considérés, les données des recettes de 2000 à 2010, je vous fais le graphique. Pour ma part, je n’ai pas trouvé… 🙁
Ici, pour les recettes ou les dépenses publiques : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/government_finance_statistics/data/database.
Pas tout à fait. On trouve des choses, mais les recettes et les dépenses concernent *toutes* les administrations publiques ; ex : pour 2010, la France affiche bien un déficit d’environ 136 milliards, mais avec 1094 milliards de sortie pour 957 milliards d’entrées, et comme cela inclut les administrations locales autre que l’état central, les 136 milliards de déficit sont d’autant plus petits par rapport à tout le reste. Alors qu’en pratique, ces 136 milliards sont une conséquence directe de l’état central.
-> 136 milliards sur un budget de 308, c’est 44%
-> 136 milliards sur un total d’entrées de 957, c’est seulement 14%.
Magique, non ?
Vous pouvez utiliser le sélecteur de données (deuxième onglet de la fenêtre d’affichage des données) pour isoler les administrations centrales des autres secteurs publics. Les séries fines sont : S1311 Administration centrale, S1312 Administrations d’Etats fédérés, S1313 Administrations locales et S1314 Administrations de sécurité sociale. De retour dans la zone d’affichage du tableau, on peut remplacer les items GEO*TIME, proposés par défaut, par INDIC_NA*SECTOR. Pour la France en 2010, on obtient ce résultat :
Dépenses Recettes
TOTAL 1.094.489,0 957.590,0
Adm centrales 473.612,0 361.228,0
Adm fédérales : (-) : (-)
Adm locales 228.724,0 227.033,0
SS 513.658,0 490.834,0
Sauf que 473.610 millions, ce n’est pas non plus le budget final tel que retenu. C’est mieux, ceci dit, mais pas parfait 🙁 …
Fichtre ! Il faudrait comparer la norme comptable d’eurostat avec celle des données que vous utilisez. Avez-vous un lien à me proposer pour que je puisse comparer avec vos chiffres ? Sinon, merci d’avoir supprimé les smileys tristes (on aurait dit la tronche des fonctionnaires d’eurostat…)
http://www.google.com/publicdata/explore?ds=ltjib1m1uf3pf_&ctype=l&strail=false&bcs=d&nselm=h&met_y=totaltax_t1&scale_y=lin&ind_y=false&rdim=country_group&idim=country_group:non-oecd&idim=country:FRA:DEU:GRC:ITA:POL:PRT:ESP:CHE:GBR:USA&ifdim=country_group&tstart=-605584800000&tend=2550175200000&hl=en&dl=en&uniSize=0.035&iconSize=0.5&icfg
Ce n’est pas tout à fait ça. Là, on a le niveau de taxation, pas la valeur totale de la ponction fiscale (en €) et la dette (en €).
Au contraire, je trouve cet indicateur intéressant. Il permet de mesurer combien l’État français appauvrit la France.
Sans guerre, la Grèce, l’Italie et bientôt la France vont être vaincues.
Qui sera vaincu par qui ?
Par elles mêmes.
S’il s’agit de vaincre les Etats socialistes qui étouffent ces pays, il sera temps de déboucher le champagne pour fêter la “Seconde Libération”.
Et les électeurs qui votent pour qui leur promet le plus d’allocs. Leurs enfants ne leur disent pas merci.
le plus grave c’est que les politiciens ont changé la mentalité des gens.il n’est plus nécéssaire de faire des efforts,avec 5000 euros tu n’arrives plus a boucler tes fins de mois,4 mois de vacances par an c’est devenu la norme pour un salarié,s’endetter est devenu la norme pour un achat etc….les dettes publiques ne sont plus remboursables parce que sous évaluées en plus.a court terme les monaies papier actuelles sont condamnées.le capitalisme n’est plus compatible avec les systèmes politiques actuels ou vice et versa
Détail du budget de l’Etat :
http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLF2012/PLF-2012.pdf
Avec les différents postes comptables, en recettes et dépenses. Exemple financement du RSA, ça fait plus de 200 pages.
Je n’ai pas trouvé comment remonter dans les archives pour les années précédentes.
Ce qu’il faudrait, c’est ça mais pour les 6 ou 7 pays considérés. Et là, ça devient franchement chaud à trouver.
Je pense que j’ai trouvé sur le site du FMI , c’est même bien fait.(cela concerne tous les pays de la zone euro)
http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2011/02/weodata/weorept.aspx?sy=2000&ey=2010&scsm=1&ssd=1&sort=country&ds=.&br=1&c=122%2C136%2C124%2C137%2C423%2C181%2C172%2C138%2C132%2C182%2C134%2C936%2C174%2C961%2C178%2C184&s=GGR%2CGGX&grp=0&a=&pr.x=59&pr.y=14
Mais vous pouvez modifier les stats comme vous le souhaitez en accédant par ici. (selectionner le pays, l’indice etc…)
http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2011/02/weodata/weoselgr.aspx
On retrouve les chiffres d’eurostat, ce qui n’est pas étonnant : les organismes internationaux s’échangent des données normalisées au niveau mondial (tout du moins, ils y travaillent). Le FMI précise en outre qu’il s’agit d’estimations pour 2010. C’est peut-être l’explication des écarts avec les données d’H16.
Il ne faudrait pas oublier quand même le poids du mécanisme de création monétaire et d’endettement public auprès des banques dans la catastrophe financière actuelle.
Se soumettre aux “marchés” comme on le fait depuis 1973 n’a pas été anodin.
Certes l’endettement public vient des politiques et de leur gabégie, mais le coût exorbitant de cet endettement vient aussi des profits juteux que les banques privées se sont faits sur le dos des peuples !
Vous écrirez 100 fois : “Aucune dette publique n’est légitime, la monnaie n’est pas un bien public, celui qui ne rembourse pas sa dette est un voleur, celui qui prête doit toucher un juste intérêt”.
Ni loi de 73 ni la création monétaire n’ont à voir avec l’accumulation de la dette publique depuis toutes ces années. Si vous croyez ces fariboles, vous tombez dans le piège du bouc-émissaire qui vous évite d’avoir à réfléchir par vous-même.
Que serait les socialeux sans un bouc-émissaire. C’est toujours la faute à quelqu’un d’autre, il y a encore quelques temps, c’était les actionnaires et le CAC40, accusés de s’en mettre plein les fouilles, maintenant que les cours en bourse sont à la cave, le fauteur, c’est les banques.
D’ailleurs, l’EdNat leur inculque ce réflexe du “c’est pas moi m’dame” dès le plus jeune âge. Socialiser la responsabilité, voilà ce qu’on leur enseigne.