Évaluer et valoriser les enseignants

La performance des enseignants devrait être évaluée et les meilleurs d’entre eux devraient être mieux rémunérés que leurs collègues moins performants

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Évaluer et valoriser les enseignants

Publié le 10 octobre 2011
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Un sondage nous révélait récemment que 67 % des Québécois croient que la performance des enseignants devrait être évaluée et que les meilleurs d’entre eux devraient être mieux rémunérés que leurs collègues moins performants. Certaines craintes ont été exprimées quant à la manière de mener une évaluation juste du travail des enseignants.

Par Jasmin Guénette (*), depuis Montréal, Québec
Un article de l’Institut Économique de Montréal

La qualité du système d’éducation primaire et secondaire est un sujet qui, avec raison, préoccupe beaucoup de parents, particulièrement en période de rentrée scolaire. Ces dernières semaines, le Québec s’est adonné à un exercice de remue-méninges par rapport à l’évaluation des enseignants et à la possibilité de mieux rémunérer les meilleurs d’entre eux pour valoriser l’excellence. Il est rafraîchissant de constater que même sans l’organisation officielle d’un sommet, plusieurs acteurs de la société, ainsi qu’une excellente série d’articles dans La Presse, ont partagé des pistes de solutions.

Certaines voix se sont élevées afin de souligner la complexité, voire l’impossibilité d’une telle entreprise. La Fédération des syndicats de l’enseignement affiliée à la CSN va même jusqu’à prétendre qu’il s’agissait « d’une insulte au travail des enseignants et enseignantes œuvrant dans les écoles du Québec ». En quoi le fait de reconnaître et de récompenser le travail extraordinaire accompli par les enseignants constitue-t-il une insulte à la profession? Ce genre de réaction sans nuances contribue malheureusement à alimenter le désabusement de la population face à ses institutions publiques.

Des enseignants ont émis des réserves sur la façon dont l’évaluation pourrait s’effectuer. Voilà un apport pertinent, constructif et beaucoup plus réfléchi qui s’inscrit dans la recherche de solution. Ils ont raison : l’évaluation ne doit pas se limiter à un seul critère comme les résultats scolaires, mais doit plutôt être composée de plusieurs critères qui reflètent les multiples facettes de leur travail. C’est d’ailleurs précisément ce qu’expliquent mes collèges de l’IEDM dans une Note économique publiée il y a un mois qui relève les « conditions gagnantes » en matière de rémunération au rendement dans un contexte scolaire.

La plupart d’entre nous sommes d’ailleurs soumis à des évaluations plus ou moins fréquentes dans le cadre de notre travail. À la base, l’idée d’évaluer le travail et d’y lier une partie de la rémunération vise à introduire une incitation à se dépasser, à faire davantage que le strict minimum prévu au contrat. Pour la majorité des Québécois (67 % selon un sondage Léger Marketing publié il y a quelques semaines), il semble normal qu’un enseignant obtenant de meilleurs résultats soit récompensé par un salaire global supérieur à celui de ses collègues moins performants.

Les incitations ont un effet motivant. Les gens, comme les institutions, y réagissent et adaptent leur comportement. À cet égard, l’exemple des commissions scolaires est assez révélateur. Sans une pression politique grandissante (le risque de voir son entité abolie est, semble-t-il, une puissante incitation), il aurait été impensable que la présidente de la Fédération des commissions scolaires opère un virage à 180 degrés pour promettre de remettre dorénavant l’enfant au centre des priorités et de gérer avec plus de modération l’argent public.

En somme, sous sa forme actuelle, la rémunération des enseignants, basée sur l’ancienneté et le nombre d’années de scolarité, est simple et facile à administrer. En revanche, elle ne crée pas d’incitation à l’excellence et peut être démotivante pour les bons enseignants, qui sont nombreux dans nos écoles. La complexité d’un projet ne devrait jamais être un critère pour le rejeter d’emblée. Même si l’élaboration et la mise en œuvre de ce genre de programme exigent des efforts, on devrait envisager une formule pour le Québec. Notre système d’éducation a bien besoin de solutions innovantes et il est à souhaiter que les politiciens québécois travaillent à la mise en œuvre de propositions concrètes qui vont dans le sens d’une plus grande reconnaissance envers le travail des enseignants.

—-
Sur le web

(*) Jasmin Guénette est vice-président de l’Institut économique de Montréal.

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  • j’ai étudié aux usa dans un « college « privé.a la fin de chaque trimestre on évaluait chaque prof.il y avait bon nombre de mauvais profs,ils n’ont jamais été virés.la methode peut permettre a des profs sérieux de mieux comprendre leurs faiblesses.sinon c’est au niveau recrutement que tout se joue

  • Je suis prof. Et je dis que le diable est dans les détails. Étudions les ! Déjà je ne crois pas plus d’un millième de seconde à l’évaluation des profs par les élèves où les parents. Sauf dans les cas d’un système totalement privatisé bien sur.

    • @ Général Stugy: oui, vous avez raison, pas d’évaluation par les élèves ou leurs parents mais par des organismes de notation privés avec des grilles d’évaluations bien définies.
      Ensuite les notes des profs sont gaussées de 0 à 20 et les rémunérations sont établies en fonction de ces notes.
      Bon, au début, il faudra quand même faire la translation sur cette courbe d’un fixe de démarrage, style celui qui a 0/20 touche quand même 500 euros/mois sinon on aura un grand taux de suicide dans l’EdNat et avec les ratages, ça va coûter très cher à la sécu.
      Mais le but ensuite est de diminuer ce fixe pour que les mauvais s’en aillent de l’EdNat (salaires bassement dissuasifs pour les parasites) pour que ne reste que les bons, et en fonction on pourra redéfinir les critères de notations (indépendants car privés) pour que l’offre de bons profs colle avec la demande de bons profs.
      En attendant, les autres, c’est à dire les losers, mauvais, haineux, inefficaces, « tout-le-temps-en-grève-pour-gagner-plus-en-travaillant-encore-moins » et « tout-le-temps-en-arrêt-maladie-au-frais-du-contribuable »: direction La Verrière, dans le Sept-Huit.
      –>
      http://videos.tf1.fr/jt-20h/malades-d-enseigner-4404115.html

  • Je suis pas enseignant, mais ayant étudié, ça me parait difficile.
    C’est parfois des années après qu’on se rend compte qu’un prof était bon.
    La sensibilité prof/eleve joue aussi un role important je pense. Et c’est plus affaire de hasard que de motivation.
    Mais peut etre qu’une evaluation par les eleves couplée à une evaluation des resultats obtenus (si tant est que les eleves aient eu des tests par des tiers) , pourrait etre utilisée pour decerner une petite prime symbolique. Histoire de reconnaitre le travail de l’enseignant et de responsabiliser les eleves (en leur expliquant l’enjeu).

  • De toutes façons, en France, la tendance est à l’évaluation en CCF (Contrôle en Cours de Formation), réalisée par les profs eux mêmes, car ça coûte moins cher. Exit l’évaluation aux résultats du travail des enseignants.

  • Quelques réflexions personnelles sur le sujet :
    Le problème des évaluations (et d’ailleurs de tout système qu’il soit juridique, fiscal ou autre) est que les acteurs de ce système, en l’occurence les enseignants, s’y adaptent et finissent par savoir parfaitement comment le contourner.
    exemple : le système de notation en vigueur dans la fonction publique française (et qui certes est en train d’évoluer mais tout doucement), système d’ailleurs appliqué aux enseignants, fait qu’à l’heure actuelle la très grande majorité des fonctionnaires bénéficient chaque année de la note maximale, tout simplement parce que hiérarchiques et fonctionnaires ont tout intérêt à ce que ce soit ainsi (le hiérarchique a la paix avec les syndicats et ses collaborateurs, le fonctionnaire ne perd pas de points pour son avancement sur la grille salariale).
    Il est par ailleurs bien connu (de nombreuses études RH sur le sujet sont parues même si j’ai la flemme de chercher sur internet) que les systèmes de prime au rendement sont efficaces sur la motivation des salariés sur du court terme mais pas sur du long terme puisqu’ils sont progressivement détournés de leur objet initial (l’exemple du commercial qui vend à perte pour faire du chiffre d’affaires parce que le CA fait partie des objectifs sur lesquels sont calculées ses primes est assez parlant).
    Une seule solution : Oui à l’évaluation et à une rémunération partiellement liée au rendement pour motiver les troupes mais en respectant les conditions suivantes :
    – des critères d’évaluation clairs, précis, quantifiables et les plus simples possibles (afin que le système soit lisible par le commun des mortels)
    – une adaptation permanente de ces critères d’évaluation (afin d’éviter les détournements de système)
    – de temps en temps un changement complet de système d’évaluation (afin d’éviter le corporatisme et les phénomènes « d’acquis sociaux » : un système en place depuis trop longtemps, et probablement détourné, devient un droit dans l’esprit des bénéficiaires)

    • « un système en place depuis trop longtemps, et probablement détourné, devient un droit dans l’esprit des bénéficiaire »c’est ce que je pense depuis longtemps.exemple:la prime de présence dans les collectivités locales,le summum de la connerie universelle et le secret le mieux gardé de france

  • Le principe me semble absurde et allant à l’encontre de l’intérêt de l’élève.
    Pourquoi?

    1. Tout le monde se demande comment instaurer un système qui soit « juste », qui ne soit pas « détourné » ou encore « démotivant ». A la lumière des réflexions reprises dans l’article et les commentaires, il me semble évident qu’éviter de tels écueil serait pure utopie. Et donc un échec du système d’évaluation avec les effets secondaires néfastes imaginables.
    2.Qu’est-ce qu’un « Bon prof » ? Un professeur dont les élèves ont de bons résultats ? des résultats à quoi? ses interrogations ? … Nivellement par le bas sans hésiter! Et comme ce sera cumulé sur chaque année dans l’enseignement obligatoire, j’ose à peine imaginer la chute de niveau avec le temps.
    Un « bon prof » serait celui qui voit toute la matière, un gymnaste du programme, un athlète du contenu, … Ce serait alors l’échec de l’esprit de l’enseignement dont l’objectif est une maturation, une émancipation de l’élève à travers l’acquisition de compétences que l’on enseigne par un prétexte de contenu.
    3.Qui évalue ? La remarque de Marie Georges est pertinente, et je ne suis guère étonné. L’évaluation formative telle qu’elle est exprimée par les élèves une fois l’année finie est un bon outil pour donner à l’enseignant des pistes d’amélioration. Pour une évaluation sanctionnante ( prime financière, licenciement, …) ce serait donner au candidat (élève) une arme à poser sur la tempes de ses jurés (prof).

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