Une escorte privée pour l’État

Le gouvernement a décidé de faire appel à des entreprises privées et non plus à la gendarmerie pour les escortes de convois exceptionnels

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Une escorte privée pour l’État

Publié le 30 août 2011
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Le gouvernement a décidé de faire appel à des entreprises privées et non plus à la gendarmerie pour les escortes de convois exceptionnels. Une annonce mois anodine qu’elle n’en a l’air.

Par Jacques Garello, administrateur de l’IREF et président de l’ALEPS
Publié en collaboration avec l’ALEPS(*)

Le 24 août 2011 restera dans l’histoire politique et économique de la France comme le jour de la première rupture sérieuse avec l’État-Providence.

Je ne veux pas parler de l’héroïque plan de rigueur annoncé par Monsieur François Fillon, premier ministre d’un gouvernement de droite. En dehors des très classiques hausses touchant le tabac, l’alcool et (innovation) les sodas et les « parcs à thème », ce plan peut facilement passer pour un manifeste socialiste. Le PS s’est d’ailleurs empressé, par la bouche de son porte parole Benoit Hamon,  d’indiquer qu’il contenait des éléments positifs mais qu’il n’allait pas assez loin dans la traque aux riches et la destruction des patrimoines. La majorité actuelle, qui a salué le dispositif, vient de se tirer une merveilleuse balle dans le pied. Sans mesurer sans doute la portée de sa bévue, François Fillon a crânement annoncé que 83 % des mesures envisagées (précision sans doute donnée par Bercy) concernaient les Français les plus riches et le patrimoine – de quoi séduire les électeurs de droite, qui vont donc se précipiter pour voter UMP en 2012.

La plus belle performance fiscale est représentée par les 2,2 milliards de suppression d’abattement sur les plus-values immobilières : un quart de la cible de 11 milliards choisie par le gouvernement. Malheur aux Français qui avaient une résidence secondaire dont ils ont joui durant plusieurs années et avaient l’intention de la revendre et d’empocher une plus-value leur permettant de mener une vie confortable de retraités, se prémunissant ainsi de la faillite du système des retraites et de santé de la Sécurité Sociale. Malheur aussi à ceux qui pensaient investir dans la pierre pour échapper à l’inflation inéluctable : ils devront payer plus cher les précautions à prendre contre la faillite de l’euro.

Dans la même veine, 10 % du plan « d’économie » consiste à taxer davantage les cotisations aux régimes complémentaires de santé : là encore pénalité infligée aux fourmis : que ne sont-elles cigales !

Voici maintenant les mesures à forte consonance idéologique. Tout d’abord l’augmentation du taux de la nouvelle taxe sur les dividendes car, dit Monsieur Bertrand, en France « le capital est moins taxé que le travail », slogan de Monsieur Piketty et du PS , qui confondent impôts et charges sociales (qui sont bien des impôts sur les salaires, mais dont le montant astronomique n’est dû qu’aux aberrations des retraites par répartition et du système de santé socialisé). Ensuite le capital des salariés, sous forme des plans d’épargne des entreprises, participation, PERCO, etc. est également frappé, et pour 1,3 milliard, assurant ainsi  plus de 10 % de la collecte totale du plan. Enfin et non le moindre, la taxe sur les « plus riches » qui atteint le sommet du grotesque. Faire payer les riches est l’obsession des envieux et des ratés, et il est fait grand bruit de cette minuscule mesure (200 millions attendus, soit moins de 2% du total), parce que quelques « chefs d’entreprises » – qui appartiennent au tout Paris et au people – ont dit leur intention de faire un gros sacrifice sur leurs maigres revenus : Madame Bettencourt veut bien faire don de quelques-uns de ses deniers et a signé « l’appel des 16 » lancé par de bons Français qui voient la patrie en danger. Monsieur Bertrand, encore lui, a indiqué qu’il n’y avait là que mesure de « justice fiscale » : j’ai ainsi appris à ma grande honte ce qu’était la justice.

En tous cas, ces diverses mesures ont réduit au silence les syndicalistes, et on n’a cessé de répéter que ce plan ne porterait aucun préjudice aux salariés, et serait même créateur d’emplois.

Ce qui est une évidence : les capitalistes et entrepreneurs de tous pays vont se précipiter en France pour investir, et les patrons français vont multiplier les emplois. Ils y seront d’autant plus incités que les 35 heures, jadis inventées par Madame Aubry et Monsieur Strauss-Kahn,  font un retour triomphant : elles n’avaient jamais été supprimées depuis 2007 en dépit des promesses du candidat Sarkozy, mais on avait allégé le coût du travail au-delà des 35 heures en exonérant le supplément de salaire de toute charge sociale. Exit l’exonération ; elle coûtait trop cher !

On voit d’ailleurs quel succès la politique de relance pratiquée depuis quatre ans porte ses fruits : le chômage va friser les 10 % de la population active (et 28 % des jeunes), et on atteint peu à peu la croissance zéro – de quoi séduire les écologistes. La croissance file d’ailleurs mystérieusement entre les mains des gouvernants : elle justifiait jusqu’à présent les déficits budgétaires, et elle s’évanouit soudainement mais justifie un plan de réduction des déficits. J’ai encore à apprendre.

Non, chers amis lecteurs, ce n’est pas le plan de rigueur qui me fait saluer ce mercredi 24 août.

C’est une annonce a priori anodine – et ici je redeviens sérieux. Le gouvernement a décidé que désormais les escortes de convois exceptionnels ne seraient plus assurées par la gendarmerie, mais par des entreprises privées. La raison donnée me semble pertinente : l’escorte publique est plus coûteuse, on pourra mettre les entreprises en concurrence, et on libère ainsi des gendarmes pour les réaffecter à leur vraie raison d’être, jouer avec les voleurs. Cela répond aussi à l’impératif de dégraisser les effectifs de la fonction publique.

Tout est dit : remettre l’État à sa vraie place, subsidiaire, confier au secteur privé et aux mécanismes de marché la prestation de certains services, diminuer les dépenses publiques et réduire le nombre de fonctionnaires. C’est donc bien la première fois que l’on rompt avec la logique de l’État-Providence dans l’une des ses attributions soi-disant régaliennes.

Reste à faire la même chose dans la plupart des activités aujourd’hui indûment accaparées par les administrations publiques. Se passer de l’État est la seule façon de diminuer les dépenses publiques et de faire disparaître les déficits, C’est aussi la certitude d’une croissance durable qui ne soit plus perturbée par les interventions intempestives des gouvernants, qui perdent de plus en plus en lucidité et gagnent de plus en plus en démagogie à l’approche des élections.

—-
(*) L’ALEPS, présidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le progrès social, fondée il y a quarante ans, sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.

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