Quand fabriquer du vin fait de vous un délinquant

Le 24 mai 2016, la police québécoise a saisi 11 000 litres de vin en production dans des seaux : le crime de l’entreprise : ne pas être passé par le monopole d’État sur les alcools !

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Quand fabriquer du vin fait de vous un délinquant

Publié le 28 mai 2016
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Par le Minarchiste.

Vin
Vin By: Brendan DeBrincatCC BY 2.0

Comme mes lecteurs hors-Québec l’ignorent peut-être, au Québec, la vente d’alcool au détail est fortement réglementée et fait l’objet d’un quasi-monopole public. Les entreprises privées ne peuvent vendre que de la bière et des vins de table, sur lesquels le cépage ne doit pas être indiqué. Tout le reste ne peut être vendu que par la Société des Alcools du Québec (SAQ), qui verse un dividende d’environ $1 milliard par année au gouvernement provincial.

Ceci dit, le Québec n’est (en théorie) pas (encore) un monde orwellien, où un Big Brother omniscient contrôle nos moindres faits et gestes. Nous avons tout de même un semblant de liberté, nous permettant entre autres de fabriquer notre propre vin. Pour cela, les gens doivent acheter des moûts de raisin et de l’équipement auprès de fournisseurs tels que Purvin, une entreprise qui opère depuis 40 ans.

L’État déteste perdre des revenus

Mais l’État déteste cela, puisque ça lui fait perdre des revenus ! Il décide donc de s’acharner sur ce genre d’entreprise autant qu’il le peut. C’est pourquoi, le 24 mai 2016, la police a saisi 11 000 litres de vin (l’équivalent de 14 600 bouteilles) en production dans des seaux.

Imaginez la scène : des dizaines de policiers, trois camions-remorques pour charger la marchandise, des chimistes pour analyser le contenu des seaux, quel gaspillage de ressources pour un non-crime !

La Régie reproche à l’entreprise de produire illégalement du vin. Pourtant, ces seaux ne lui appartiennent pas. Depuis environ 12 ans, Purvin permet à ses clients de louer de l’espace pour entreposer leur production. Le client fait lui-même toutes les étapes de la production, il signe un bail avec Purvin et y entrepose ses chaudières durant la fermentation. Quel crime odieux !

Pourtant, il y a 8 ans, la Régie des Alcools avait tenté le même stratagème, mais a laissé tomber la poursuite en cours par manque de preuves. La Régie pense-t-elle être en mesure de prouver cette fois-ci que Purvin fabrique illégalement du vin ? Peu importe, l’objectif est plutôt de faire obstruction à une entreprise légitime qui fait concurrence indirecte à l’État. C’est de l’acharnement inacceptable dans une société de droit.

Ouf ! Quel soulagement, que ferions-nous sans notre bon gouvernement ! Ce serait le chaos, des chaudières de moûts de raisin partout !

Et pendant ce temps, la SAQ nous arrive avec une incroyable innovation : une carte fidélité ! Et non, vous ne rêvez pas, un monopole d’État qui lance une carte fidélité ! La prochaine fois que vous voudrez vous procurer un bon Chianti, grâce à cette carte, vous irez certainement à la SAQ car sinon vous n’aurez pas vos points SAQ-Inspire, ce qui fait presque oublier que la SAQ est à toutes fins pratiques le seul endroit où vous procurer un Chianti !

Puis, coup de théâtre en avril 2016, 90 postes de cadres sont supprimés au siège social de la SAQ ! Mais que faisaient donc ces gens, qui bénéficiaient probablement d’un salaire dans les 6 chiffres bonifiés d’avantages sociaux juteux ? Candy Crush ? Angry Bird ? On disait pourtant que la SAQ était une société bien gérée, aussi bien qu’une entreprise privée ? D’ailleurs, la Vérificatrice Générale du Québec a écorché la SAQ pour ses mauvaises pratiques de gestion dans son dernier rapport (ici).

Sans oublier que la SAQ est indirectement l’un de plus grands pollueurs du Québec. Comme vous le savez peut-être, le gouvernement impose des consignes sur les canettes d’aluminium et les bouteilles de bière, forçant les épiciers à dédier de l’espace et de la main d’œuvre à leurs frais pour trier et entreposer les contenants avant qu’ils ne soient récupérés. Mais de telles exigences ne s’appliquent pas à la SAQ et ses bouteilles de vin ! Et pourtant, les centres de recyclage affirment que de déposer vos bouteilles dans le bac de recyclage ne permet pas de les revaloriser puisqu’elles deviennent contaminées par les autres types de déchets et de verre. Ainsi, la grande majorité des bouteilles de vin consommées au Québec finissent au dépotoir, même si vous les avez mises dans votre bac bleu et qu’elles ont été transportées au centre de tri par un polluant camion au diesel. Apparemment, le gouvernement ne souhaite pas s’imposer les même standards que l’entreprise privée…

La privatisation de la SAQ

Il faut tout de même réaliser que la privatisation de la SAQ n’est pas une mince tâche pour le gouvernement en place. Le risque est évidemment de perdre une partie du dividende, ce qui aurait un impact négatif sur l’équilibre budgétaire. Il y aurait essentiellement trois façons de procéder.

Le premier scénario serait la vente d’une participation dans l’entreprise, un peu comme le fera Aramco dans quelques temps ou encore comme Statoil en Norvège ou Petrobras au Brésil. Le problème avec cette approche est que si le gouvernement utilise les produits de la vente pour rembourser sa dette, l’économie d’intérêt sera forcément inférieure à la perte de profit. Il y aurait probablement des gains pour les consommateurs, puisque les nouveaux actionnaires demanderaient une gestion plus serrée des dépenses, ce qui permettrait de réduire les prix et d’augmenter les profits.

Le deuxième scénario consisterait à libéraliser le marché sans toutefois privatiser la SAQ, qui devrait dorénavant faire face à la concurrence. Comme la SAQ est l’un des plus gros acheteurs de vin au monde et possède déjà un immense réseau de succursales, elle bénéficie d’économies d’échelle qui constitueraient une immense barrière à l’entrée. Cependant, ses coûts d’opération et d’administration sont très élevés (quand on sait que les caissiers gagnent au minimum plus de $21 de l’heure en plus de généreux avantages sociaux). Cela permettrait à certains détaillants de concurrencer sur le prix en offrant des lieux plus austères et un service de moindre qualité (pensons à Costco par exemple). On verrait peut-être aussi émerger des détaillants plus hauts-de-gamme, qui offriraient une sélection plus dispendieuse combinée à un service supérieur, compensé par des prix sensiblement plus élevés qu’à la SAQ. La question demeure de savoir si les impôts versés par ses entreprises compenseraient la baisse de profits que subirait la SAQ en perdant des parts de marché. Difficile de l’estimer.

Il y aurait cependant un gain immense pour les consommateurs, qui pourraient acheter autre chose que de la piquette en faisant leur épicerie ou en se rendant chez le dépanneur du coin, ce qui est beaucoup plus pratique que d’aller à une succursale de la SAQ, qui ferme à 17h00 le samedi. La privatisation n’est pas qu’une question de quantités de produits offerts ou encore de prix, c’est aussi une question de convivialité, de où, quand et comment le produit est vendu en fonction des besoins des consommateurs. Protégée par son monopole, la SAQ s’en balance…

Le troisième scénario consisterait en une privatisation complète. Chaque magasin et actif de la SAQ serait mis aux enchères et des entreprises privées pourraient les acquérir. Dans ce scénario, le gouvernement pourrait ou non maintenir un système de permis qui permettrait de gérer l’offre. Mais encore une fois, en appliquant les sommes récoltées par ces ventes à la dette, l’économie d’intérêt et les impôts corporatifs ne permettraient possiblement pas de compenser l’État pour la perte de son dividende d’un milliard de dollars.

En Alberta, la privatisation n’a pas fait diminuer les revenus de l’État et les prix des produits y sont similaires à ceux observés au Québec ; par contre l’État monopolise toujours les importations, la distribution et les achats en gros. Le nombre de produits offerts est nettement supérieur au Québec qu’en Alberta, mais ce qui compte vraiment est que chaque succursale offre les produits qui sont en demande par sa clientèle de façon conviviale.

Au bout du compte, il faut peut-être réaliser qu’il n’y a pas d’argument financier convainquant à présenter pour la privatisation de la SAQ. Il faut le faire par principe, et non pour l’argent. C’est d’ailleurs ce que nous disent les promoteurs de la souveraineté du Québec…

D’ici là, le gouvernement pourrait au moins arrêter de s’acharner sur les petits entrepreneurs

Source :

http://www.lapresse.ca/actualites/201605/24/01-4984700-11-000-litres-de-vin-saisis-dans-un-commerce-de-montreal.php

http://quebec.huffingtonpost.ca/jasmin-guenette/un-anachronisme-nomme-saq_b_8648486.html

http://quebec.huffingtonpost.ca/mathieu-bedard/saq-societe-alcools-monopole-vin-innovation_b_8436810.html

http://www.985fm.ca/actualites/nouvelles/importantes-mises-a-pied-a-la-saq-770779.html

http://iris-recherche.s3.amazonaws.com/uploads/publication/file/SAQ-Interactive-VersionFinale22.pdf

http://www.iedm.org/files/oct05_fr.pdf

Sur le web

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  • La solution libérale pour le buveur sain est enfantine : Cesser de consommer des alcools, pratique conformiste vicieuse qui obère les comptes sociaux puisque la crapulerie, telle toutes les autres toxicomanies, ne paie jamais les coûts qu’elle occasionne en terme de santé publique et d’effets induits !

  • Vive le Québec. Vive le Québec libre!

  • Les commentaires sont fermés.

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