Pétrole : après la baisse, l’année de rupture ?

Après la baisse du pétrole, un risque de rebond violent ?

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Pumpjack Pétrole en Alberta, au Canada (Crédits Jeff Wallace, licence Creative Commons)

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Pétrole : après la baisse, l’année de rupture ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 janvier 2016
- A +

Par Régis Yancovici.

Pumpjack Pétrole en Alberta, au Canada (Crédits Jeff Wallace, licence Creative Commons)
Pumpjack Pétrole en Alberta, au Canada (Crédits Jeff Wallace, licence Creative Commons)

Après une baisse de près de 30% dans les premiers mois de 2016, le pétrole rebondit jusqu’à 60$ pour finir l’année en légère baisse.

Plus que d’autres classes d’actifs, le pétrole bénéficie d’un consensus marqué à la baisse. Il faut reconnaitre que la situation actuelle ne plaide pas en sa faveur. La stratégie de l’Arabie saoudite de production à tout prix reste inflexible et les autres producteurs n’ont pas baissé leur production. La Russie qui subit encore les sanctions européennes a besoin de faire entrer des capitaux, à tel point qu’elle vend son pétrole en yuan à la Chine. De leur côté les producteurs américains, bien qu’ayant fermé la moitié de leur forage, continuent de produire des capacités importantes. La possibilité qui leur est désormais offerte d’exporter est une incitation à maintenir des niveaux de production élevés. L’accélération de l’offre alors que la demande stagnait a eu pour conséquence une forte hausse du niveau des stocks de brut. Les capacités de stockage maximales sont proches. Si elles devaient être atteintes, alors les cours s’effondreraient plus encore. À la tête des pronostiqueurs baissiers, Goldman Sachs (comme Morgan Stanley depuis hier) prévoit un niveau de 20$ à la fin de l’année. Pour mémoire, en mai 2008, après que les cours du brut soient passés de 50$ à 130$, cette vénérable maison estimait qu’ils devaient atteindre 200$ (vous vous souviendrez avec malice la théorie du « peak oil »). 6 mois plus tard, ils valaient 40$.

Pourtant, plusieurs raisons militent pour un rebond violent :

  • Géopolitique : jusqu’à présent, les tensions géopolitiques ont eu un effet dépressif sur le pétrole. Cela changera.
    Les prix du pétrole sont entre les mains de l’Arabie Saoudite (Sunnites). Sa stratégie est simple. La baisse des cours m’affaiblit mais fait mourir les autres pays producteurs, qui doivent payer pour leur félonie, au premier rang desquels l’Iran qui revient sur les marchés mondiaux ce mois-ci et la Russie. Ils doivent payer pour leur soutien au président Syrien. Sans oublier les États-Unis qui, en se retirant d’Irak ont donné du pouvoir aux Chiites. Les Sunnites avaient été persécutés. Les négociations directes entre les États-Unis et l’Iran ont convaincu le Royaume wahhabite du souhait des États-Unis de jouer un rôle plus limité à l’avenir dans la région.
    La réponse de l’Iran passera par des actions terroristes visant les capacités de production ou de transport saoudiens, dans le détroit d’Hormuz par lequel passe 30% du commerce de pétrole mondial. Par ailleurs, la reculade de Daesh dans le centre de l’Irak, en particulier autour de Ramadi incitera l’Arabie Saoudite à s’engager sur le territoire irakien pour définir et reconstituer une zone de protection face à l’ennemi iranien. Bahreïn, petite île voisine de la superficie de la moitié de l’île Maurice focalisera les tensions entre les deux pays. Comme l’Arabie Saoudite, les dirigeants de Bahreïn sont sunnites mais la population est très majoritairement Chiite. La révolution arabe de 2011 avait été éteinte par l’intervention de l’Arabie Saoudite.
  • L’offre de pétrole a déjà commencé à se réduire hors OPEP. Cette tendance va s’accentuer. Peu d’acteurs sont viables sous 35$.
  • Le dollar pourrait inverser sa tendance (cf. ci-dessus). Cette situation allégera la pression haussière du dollar et la pression baissière sur le pétrole.
  • On ne peut exclure que la politique monétaire chinoise donne quelques résultats favorables dans le courant de l’année. Une reprise de la croissance favorisera la demande de pétrole.

2016 sera une année difficile. Le succès des performances boursières consistera à savoir prendre opportunément quelques risques quand des points d’entrée uniques se présenteront.

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité ; un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » – Winston S. Churchill.

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  • Qu’il y ait un rebond par rapport aux prix actuels qui sont très bas, sans doute mais je doute qu’il y ait un grand rebond. Les prix resteront bas en 2016.
    N’oublions pas que l’Iran va réintégrer le marché mondial et que c’est un gros producteur de pétrole.
    En plus, vu la situation en Chine et dans les autres pays émergents, la demande de pétrole ne risque pas d’augmenter, elle va stagner ou même de baisser

    • Jacques,
      Ce que vous dites est juste. Tous les investisseurs le savent.
      C’est ce qui explique les cours actuels.
      Probablement pas les cours de demain.

    • Le rebond ne sera pas structurel, mais conjoncturel. La situation devient intenable pour beaucoup de pays — et pas seulement ceux dont on parle, regardez le Nigeria par exemple — , et l’Arabie Saoudite apparaît comme le verrou qu’il suffirait de « faire sauter ». A une époque où la violence est reine, j’espère pour eux que leurs services de renseignements sont meilleurs que les nôtres, mais même meilleurs, le sont-ils assez ?

      • « et l’Arabie Saoudite apparaît comme le verrou qu’il suffirait de « faire sauter ». A une époque où la violence est reine, j’espère pour eux que leurs services de renseignements sont meilleurs que les nôtres, mais même meilleurs, le sont-ils assez ? »

        Bof. L’Iran n’a pas attendu la baisse du pétrole pour tenter de démarrer une guerre civile en AS, cette stratégie a systématiquement échoué. Les chiites saoudiens ne sont pas Khoménistes et on voit mal dans quel but la jeunesse saoudienne en général se soulèverait pour renverser le pouvoir (pour avoir quelques réformes, pourquoi pas). Ajoutons à cela que l’aventure Yéménite de l’Iran est entrain d’échouer et que les pays sunnites sont plus solidaires que jamais à cause de l’expansionnisme iranien. Pendant ce temps la Israël se sent de plus en plus menacé par un Iran en roue libre et un Hezbollah de plus en plus puissant à ses portes. Israël et l’AS maintenant orphelins des USA à cause de la stratégie d’Obama, ils vont être obligé de se rapprocher pour stopper l’Iran.

        • L’Iran n’aura plus les mêmes intérêts tactiques une fois qu’il sera revenu sur le marché. A quoi aurait été bon pour lui de faire monter le prix avant ?
          Et il y a d’autres méthodes que de tenter de soulever la jeunesse saoudienne…

          • D’autres méthodes ? L’Iran ne peut pas déclarer la guerre à l’AS tout seul, il serait sur et certain de perdre. En plus on voit mal quels pays on vraiment envie de voir l’AS et l’Iran se faire la guerre, surtout que l’on ne sait pas vraiment ou ces pays en sont avec leurs programmes nucléaires.

            La seule chose que l’Iran pourrait faire c’est de lancer une campagne de propagande qui aurait pour but d’isoler l’AS. Mais est-ce que ça va marcher ? Qui va se faire avoir à part quelques occidentaux naïfs qui ne comprennent rien au ME ?

  • « La réponse de l’Iran passera par des actions terroristes visant les capacités de production ou de transport saoudiens, dans le détroit d’Hormuz par lequel passe 30% du commerce de pétrole mondial. »

    Si on met de coté l’Europe qui a totalement renoncé à se défendre, j’ai peur que la Chine n’apprécie pas que l’Iran fasse sauter des barils de pétroles pas chers.

    • Tant que ce ne sont pas les leurs… La Chine ne va pas jouer le gendarme du Golfe. A-t-elle d’ailleurs tant intérêt que ça à un baril faible ?

      • Vu que son économie ralentit et qu’il me semble qu’elle est devenue la plus grande consommatrice de pétrole, la dernière chose dont elle a besoin c’est que l’Iran se mette à tout faire sauter dans le détroit d’Ormuz.

        Quand à faire la police du Golfe, c’est comme tout, il suffirait de faire sauter deux trois bateaux iraniens pour que ça s’arrête. La seule chose qui pourrait empêcher les pays du Golfe de s’en charger eux même c’est de ne pas être sure d’être soutenus à l’ONU.

        • Son économie est dépendante de ses débouchés bien plus que du coût de l’énergie. Il vaut mieux pour elle que les pays clients, qui exportent leur pétrole et importent de produits chinois, retrouvent du pouvoir d’achat.

          • « Son économie est dépendante de ses débouchés bien plus que du coût de l’énergie. »

            Une grande partie de la population chinoise est encore assez pauvre, plus une population est pauvre plus son niveau de vie dépend directement du cout de l’énergie. Pour que la « prospérité ressentie » ne baisse pas en temps de ralentissement économique, la Chine a tout intérêt que le prix de l’énergie reste bas.

            « Il vaut mieux pour elle que les pays clients, qui exportent leur pétrole et importent de produits chinois, retrouvent du pouvoir d’achat. »

            D’après ce que j’ai vu en faisant une petite recherche, USA + Europe + Asie représente une majorité écrasante des débouchés chinois, ils ont donc plutôt intérêt à ce que ces gens ne dépensent pas trop d’argent dans l’énergie.

            C’est la Chine la plus grande gagnante de la baisse du pétrole actuelle.

        • Quand à faire la police du Golfe, c’est comme tout, il suffirait de faire sauter deux trois bateaux iraniens pour que ça s’arrête.

          Pas si évident. Un tir sur un méthanier ou un pétrolier au bon endroit, un seul, et cela mettra un énorme bazar.
          Si le transport par navire n’est pas tout, ce se sentira quand même fortement. Alors faire sauter des bateaux iraniens préventivement pourrait mener loin. Mais ont-ils des navires de grande taille ❓ En auront-ils les moyens, l’utilité… ❓

          • Ce n’est pas cela que je veux dire, c’est que l’Iran a avoué que si les USA venaient à lui déclarer la guerre, ses défenses aériennes ne tiendraient que 48 heures. Cela veut dire qu’avec l’AS + les UAE ça mettrait quoi ? 72 heures à tout casser.

            C’est pour cela que conscient de leur faiblesse, faire exploser quelques bateaux iraniens va simplement les convaincre de rester chez eux. Cela s’appelle de la dissuasion.

            Si l’Iran était encore convaincu que les USA sont déterminé à assurer le libre passage des bateaux dans le détroit d’Ormuz, il ne tenteraient même pas l’aventure. C’est juste le bon vieux « Si tu veux la paix, prépare la guerre », quelque-chose totalement oublié par l’occident.

  • Les capacités de stockage maximales sont proches.

    Eh bien, le pétrole baissera encore, le temps que l’équilibre revienne. Il est déjà passé quelques instants sous les 30$. Pourquoi pas sous les 25$ et soyons fous, sous les 20$ ❓

  • Je ne pense pas que la politique monétaire chinoise suffira à susciter le rebonds de coissance qui permettrait de faire remonter les cours du brut.

    L’Inde ne parviendra pas à elle seule à redynamiser les perspectived de croissance mondiale.

    Hormis les E-U, les prévsions de croissance sont ternes.

    Je ne pense pas que le pétrole remontera à 60 USD en 2016.

    R-V en décembre 2016 -:)

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