Social-démocratie : mors certa, hora incerta

La social-démocratie est à bout de souffle, rongée par une responsabilité absente qu’il faudra restaurer pour parvenir à une société de liberté.

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Social-démocratie : mors certa, hora incerta

Publié le 20 juillet 2013
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L’économie française est morose. Taxes et réglementations en tous sens rendent la production et l’échange difficiles voire impossibles. Concrètement, il est aujourd’hui impossible de créer une entreprise simplement à partir d’une idée : les réglementations à étudier sont nombreuses, aussi bien dans la création d’entreprise en elle-même que pour son domaine d’activité.

Un chef d’entreprise doit réfléchir longuement avant de lancer quelque projet que ce soit, notamment avant d’embaucher : le code du travail requiert une réelle expertise, de même que calculer le montant de taxes et impôts impliqués. La quantité de structures dédiées à l’aide aux entrepreneurs, qui visent en réalité à simplifier ce qui devrait être simple, et le nombre de professionnels dont la valeur ajoutée est de gérer une inutile complexité, en sont de bons indicateurs.

A une échelle plus large, l’État est massivement endetté à tous les échelons, et le montant exact de la dette est pratiquement impossible à déterminer : en plus de la dette nationale, les dettes locales et les engagements futurs sont colossaux et opaques. Il est aussi difficile pour un individu de savoir combien il « doit » à l’État que de déterminer combien l’État lui « doit », quelle que soit sa situation : les aides nationales, régionales, locales, ainsi que les avantages auxquels il a « droit » sont tout sauf limpides.

Malgré les incantations de François Hollande, la reprise, ce n’est pas maintenant, ni même demain. Tant que le contexte économique ne sera pas plus propice à la confiance, les individus ne se mettront pas à créer et échanger massivement. La volonté européenne de stabiliser les pays en difficulté pour maintenir le système social-démocrate en place ont peut-être amélioré la confiance des marchés financiers dans la capacité des États à honorer leurs dettes, mais ont certainement détruit la confiance des citoyens dans leurs gouvernants. Comment accepter que l’État prélève une partie du patrimoine des citoyens pour rembourser des dettes qu’il a contractées ?

Si la situation est aussi mauvaise, ce n’est pas à cause de spéculateurs qui spéculent et de traders qui tradent. On ne peut « parasiter » un système que si celui-ci le permet, et la finance internationale a un vrai rôle à jouer dans l’allocation des ressources. L’ennui, ce n’est pas que les ressources soient allouées, c’est que ceux qui prennent des risques ne soient pas ceux qui les subissent. En renflouant les banques, les États ont réussi à renforcer le système actuel, mais ils auraient dû chercher à le transformer. Évidemment, ça ne les arrangeait pas ; si ils ne peuvent plus créer de l’argent à partir de rien, ils ne peuvent plus financer leurs lubies et satisfaire leurs lobbies.

De la même façon, s’attaquer aux bénéficiaires de l’État-providence, c’est s’attaquer à des individus qui font valoir les droits qui leur ont été accordés, c’est s’attaquer aux symptômes plutôt qu’à la maladie.

La plus grande mauvaise foi des hommes politiques, capables de voter le recours à des moyens illicites pour traquer ceux qui tentent d’échapper à la prédation fiscale et de refuser qu’on évoque leur patrimoine, de décider la dégradation des conditions d’accès à la retraite pour tout le monde sauf pour eux tout en s’affirmant dignes représentants du peuple, n’en fait pas les uniques responsables. Avec moins d’intégrité, ils font eux aussi preuve de rationalité dans le contexte qui est le nôtre.

Le mal qui ronge notre société, ce n’est pas l’immigration, ni les mœurs libérées, ni le néo-conservatisme, le retour du religieux ou la finance internationale. Le mal qui ronge notre société, c’est la déresponsabilisation.

Rien n’oblige les élus, à tous les niveaux, à être un peu plus rigoureux dans leurs dépenses. Combien le font ? Et surtout, se demandent-ils systématiquement si les dépenses engagées sont réellement utiles et nécessaires ?

En dehors de ceux qui ont le pouvoir de décider l’augmentation annuelle de leur budget par un subtil coefficient de correction, les individus ne sont pas irresponsables mais déresponsabilisés. Ils n’ont pas à se préoccuper de leurs assurances, de leur retraite, de l’éventualité que la vie leur réserve des surprises : ils peuvent compter sur des millions de forçats de la solidarité. Dans la mesure où ils n’ont pour seul référentiel que la morale altruiste, comment leur en vouloir ?

On peut en revanche défendre et faire valoir une autre conception de la l’individu, selon laquelle il n’est pas subordonné et inférieur au collectif. On peut défendre l’individu et ses libertés fondamentales contre des concepts abstraits comme la société et l’État. On peut défendre les droits individuels de liberté, sûreté, propriété privée et résistance à l’oppression contre des droits collectifs qui nécessitent la négation des droits de l’individu et de l’individu lui-même.

Il n’y a pas d’opposition entre progressisme et conservatisme tant qu’on ne les définit pas ; les progressistes en viennent d’ailleurs lutter contre le changement et les conservateurs à l’appeler de leurs vœux. On ne peut lutter contre des principes qu’en les définissant et en en formulant d’autres.

Toute intervention de l’État dans l’économie consiste à accorder un avantage illégitime par la force à certains individus au détriment des autres. (Ayn Rand)

Dans une société libre, l’État n’intervient pas dans l’économie ; les choix individuels font la réussite ou l’échec, les interactions librement consenties font la création et l’échange. Dans une économie mixte, l’intervention étatique vise à provoquer une distorsion dans les choix librement consentis des individus et favorise les uns au détriment des autres.

Ce n’est pas contre certaines interventions spécifiques qu’il faut lutter, ni même contre certaines natures d’intervention, mais contre le principe même d’une économie mixte où certaines décisions sont prises par les individus selon leur libre choix et d’autres leur sont imposées par la force.

Non seulement plus juste, une société libre donne naissance à une économie plus prospère. Les individus, par leurs choix libres, prennent des décisions plus rationnelles et plus favorables à la réelle production de richesse.

Un entrepreneur inclut aujourd’hui de nombreuses aides et subventions dans son calcul de rentabilité, ce qui l’amène à prendre deux natures de décisions irrationnelles : surestimer la rentabilité de son entreprise et, plus grave, adopter une stratégie économiquement sous-optimale pour obtenir des subventions supplémentaires. Et tous en paient le prix ; un prix visible, par l’impôt qui sert à financer cette myriade d’aides, et un prix invisible, par la richesse non créée.

Il y a peu de chances de convaincre un entrepreneur de renoncer à ces aides, dont d’autres bénéficient déjà et pour lesquelles il paie, paiera ou aura payé. La social-démocratie est un système bien verrouillé : personne ne veut renoncer au robinet public qu’il alimente, à moins que tous arrêtent en même temps – que le robinet disparaisse.

La bonne nouvelle, c’est que le robinet peut disparaître. La social-démocratie repose sur des principes en apparence noble qui placent la dignité humaine et la solidarité au-dessus de tout, sans se soucier de ce qu’une dignité humaine offerte à certains en sacrifiant les droits fondamentaux des autres a de digne ni de ce qu’une solidarité forcée a de solidaire.

Le robinet est déjà en train de se tarir. L’endettement n’est pas sans limites, et les gouvernants qui avaient pour habitude de créer de l’argent sans créer de richesse pour contenter le peuple sont aujourd’hui face à une machine enrayée que les quantitative easings ne parviennent plus à relancer, sans parvenir à placer l’appareil complexe de distribution d’argent public en veille.

Les gouvernements de par le monde s’affairent à maintenir coûte que coûte un système dont tout indique qu’il n’est pas pérenne et que sa fin approche. Mors certa, hora incerta. Comment et quand comptent peu ; ce qui compte, c’est que vous soyez prêts pour le pire dans un premier temps, et que nous parvenions à éviter le pire dans un second – pour que ce qui remplacera la social-démocratie soit une société de responsabilité, une société de liberté. Il faut pour cela expliciter, diffuser et défendre dès aujourd’hui les idées de liberté.

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  • Deux solutions:

    – La défiscalisation
    – Le départ

  • Antoine de Montchrestien (1575-1621) a été le premier à avoir formalisé par écrit les liens entre la politique et l’économie en affirmant que «La science d’acquérir des biens …est commune aux Républiques aussi bien qu’aux familles» sans pouvoir préjuger des interprétations sur les courants politiques et économiques qui n’ont cessé de justifier des positions parfois injustifiables.
    Ainsi Adam Smith (1723-1790) est devenu l’un des pionner de «l’affreux» libéralisme alors que dans son livre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, il écrit: «Il n’est pas très déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses de l’Etat non seulement à proportion de leur revenu, mais encore quelque chose au delà de cette proportion». Le libéralisme devient même pour certains synonyme de «portes ouvertes» alors que Vincent de Gournay (1712-1759) a préconisé un libéralisme réglementé («libéralisme et protection») conciliant le libéralisme à un protectionnisme ponctuel et justifié. La pire des méprises est celle qui concerne Keynes (1883-1946), devenu l’excuse d’un Etat interventionniste, lui un libéral qui ne concevait le recours à l’Etat par le biais de la relance que dans certaines circonstances et avec pour hypothèse un retour à la croissance où l’Etat se recentrerait sur son rôle régalien.
    À présent, c’est au tour de la social-démocratie de devenir le fourre tout socialiste. Bernstein (1850-1933) membre du SPD est le précurseur de la social-démocratie. Il a créé la social-démocratie comme étant une alternative au socialisme où les réformes peuvent aboutir à l’élimination du capitalisme sans avoir recours à la violence. Il rejette l’interprétation faite du marxisme, pas son fondement, ni même la révolution tant que celle-ci est pacifique. D’ailleurs, en 1898, il écrit dans Die Neue Zeit : «J’avoue que ce que l’on comprend d’ordinaire par « but final du socialisme » a pour moi extraordinairement peu de sens et d’intérêt. Ce but, quel qu’il soit, n’est rien du tout pour moi, le mouvement est tout. Et par mouvement j’entends aussi bien le mouvement général de la société, c’est-à-dire le progrès social, que l’agitation politique et économique et l’organisation pour l’obtention de ce progrès». À la social-démocratie, avec des réformes reposant sur le marxisme, Alexandre Millérand (1859-1943), Albert Thomas (1896-1914), Jean Jaurès (1859-1914) et Léon Blum (1872-1950) ont préféré des réformes reposant sur la République. La social-démocratie et les réformistes sont deux termes qui se distinguent par les moyens utilisés pour faire les réformes mais tout deux s’intègrent dans le socialisme réformiste.
    À défaut de savoir prendre les mesures nécessaires et urgentes pour le pays, il est un fait incontestable: l’hôte élyséen est un maître en matière d’outil de langage. La subtilité sémantique de ces deux termes ne lui a pas échappé au point de vouloir louer en Allemagne les travaux de l’un des derniers représentants de la social-démocratie au pouvoir, Gerhard Schröder, et de vouloir s’inscrire en France comme étant un Réformiste, un héritier de Jaurès et de Blum. Du narcissisme à la mégalomanie, il n’y a qu’un pas à franchir. S’identifier par la parole et non par les actes, ce n’est que de l’opportunisme. Il n’y a ni social-démocratie, ni Réformisme. C’est du colbertisme socialiste: des impôts, une mise sous tutelle de l’économie, et la régence des libertés individuelles.
    Mais qu’il s’agisse de social-démocratie ou de Réformisme, en ce qui me concerne c’est un historien et militant socialiste, Georges Lefranc, qui , dans son livre «Le socialisme réformiste» paru en 1971, a le mieux évoqué leur limites: «Dans le monde d’aujourd’hui, le socialisme réformiste est le «mal aimé». Débordé par les communistes, dénoncé par les gauchistes, méprisé par de nombreux chrétiens, dédaigné par les partis de droite, il requière lucidité et compétence de la part des masses. C’est beaucoup demander! Si, tant de fois, il a piétiné, s’il s’est enlisé, n’est-ce pas qu’il reposait sur une certaine idée de l’homme qui ne correspondait pas à la réalité? En ce sens, il paraît, dans notre XXe siècle finissant, secoué de mouvements irrationnels, le prolongement d’une époque qui croyait au progrès par l’avènement de la raison. Dans une certaine mesure, ce socialisme réformiste n’a-t-il pas été un socialisme utopique? Ce n’est pas seulement les réalités extérieurs qu’il lui faut étudier. C’est l’homme tel qu’il est.»

    • Tmatique, je réponds à votre précédent commentaire sur celui-ci, le « répondre » n’étant plus accessible sur l’autre.
      D’abord, merci pour le compliment mais je crois tout de même être très en de ça de celui que vous citez, ayant pour ma part encore en mémoire son excellente intervention à l’A.N pour le Traité de stabilité, un très bon moment !
      Je compatis pour le « si j’étais président » de G. Lenormand, c’est dur… mais il manque un tube à votre Hit Parade, « le gentil dauphin », écoutez bien les paroles, vous verrez, ça colle impeccable !
      Pour ce qui est du déni du libéralisme à l’UMP, ça me désespère aussi. Cependant, j’ espère vraiment qu’ils vont plancher sur un programme « libéral », c’est la seule façon de sortir par le haut de tout ce foutoir.
      En plus cela permettra d’en finir avec « la droitisation » et l’éternel refrain socialiste  » front républicain, alliance ou pas avec le FN, etc… »
      Le FN est le problème du PS et du FG pas de l’UMP.
      En cela les dernières législatives partielles ont été riches d’enseignements, les reports de voix sur les candidats FN sont venus du PS, rien d’étonnant, Il n’y a qu’à lire le programme du FN ou même écouter MLP parler, nationalisation, sortie de l’euro et autres… l’état partout,omniprésent…. du socialisme puissance 25, un vrai cauchemar, on a déjà Hollande, plus, ce serait du masochisme !

      Il est donc impératif que la droite porte un programme libéral, de toute façon vu l’état pitoyable dans lequel se trouvera notre économie, il n’y aura plus d’espoir que dans la capacité des citoyens de ce pays de s’arracher pour s’en sortir, l’état ne pouvant plus rien pour eux, puisque, à sec.
      Il faudra créer les conditions favorables pour que les citoyens puissent reprendre en main leur destin, travailler, produire.
      Seul le travail crée la richesse, on est loin de la vision socialiste du partage du temps de travail, du ministère du temps libre, et autres bouffonneries de celui que beaucoup au PS qualifient très sérieusement de « grand économiste », à savoir DSK.
      Celui-là même qui fut appelé pour donner des leçons d’éco aux sénateurs PS il y a seulement quelques jours. Encore un épisode carrément surréaliste, celui qui fut l’artisan du décrochage français bombardé maitre de conférence…on aura tout vu.

      Et après ça, Hollande espère de l’optimisme… no comment, comme disent les anglo-saxons !

  • « le code du travail requiert une réelle expertise »

    1,45 kg en 2010, poids multiplié par deux en 12 ans :
    –> http://www.youtube.com/watch?v=PotqGuKpv5U

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