Le jésuite tchèque Vladislav Simak : « La peur est le plus grand défi contre la liberté »

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Le jésuite tchèque Vladislav Simak : « La peur est le plus grand défi contre la liberté »

Publié le 30 janvier 2025
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Le père Simak a connu l’ancien dissident tchèque et prêtre Petr Kolar (1941-2023), qui a combattu l’obscurantisme du communisme, comme Vaclav Havel, à l’heure où la Tchécoslovaquie était sous son joug. Il nous parle de cette période, de la mentalité du pays aujourd’hui et de la liberté.

 Après les années communistes, anti-cléricales, quel est le rapport de la société tchèque à l’Église aujourd’hui?

La population est endoctrinée par tout le XIXème siècle et notamment par le communisme, cela explique le fait que les citoyens ne participent pas beaucoup à la vie de l’Église. La société tchèque est désormais ouverte à beaucoup de choses nouvelles mais, après ce qu’il s’est passé, cela l’a rendue plus anarchique qu’en Allemagne. Vivre dans un régime oppressif donne une humeur cynique. Elle compte près de 80% d’athées aujourd’hui, un peu comme en Autriche dont la Tchéquie est proche, et est majoritairement assez libertarienne, car beaucoup pensent qu’ils peuvent vivre sans autorité morale.  Il existe malgré tout plusieurs catholicismes, notamment des catholiques libéraux, assez intellectuels, à Prague et dans la ville de Brno.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’histoire culturelle et intellectuelle du pays?

 Avant la Seconde Guerre mondiale, le pays était tchèque, allemand, juif. C’était très riche au niveau culturel. Malheureusement, à cause de la guerre, toute la population juive a disparu. De même, de nombreux Allemands avaient la nationalité tchèque depuis le XIIIème siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, on leur a demandé de partir. Cela s’explique également à cause de la montée de certains courants intellectuels. Au XIXème siècle, le nationalisme romantique avait le vent en poupe et certains ont commencé à revendiquer la différenciation des nationalismes, notamment par la fierté de la langue. À la même période, quand les intellectuels panslaves allaient en Russie, ils revenaient en déclarant : « Quand je suis parti j’étais slave, depuis que je suis revenu, je suis Tchèque [ou Autrichien] ». L’empire autoritariste tsariste était étouffant. Le régime soviétique est en fait sa continuité, avec les idées soviétiques en plus. Aussi, Vladimir Poutine revient aujourd’hui au tsarisme impérialiste.

Vous avez connu le père Petr Kolar, artisan de toutes les libertés, qui a résisté contre le régime communiste. Quels étaient ses liens avec Vaclav Havel, alors futur président de la Tchéquie?

Le père Kolar était très actif dans la communauté des tchécoslovaques exilés. Il faisait partie des dissidents tchécoslovaques qui ne représentaient pas un grand groupe. Il appréciait beaucoup Vaclav Havel. Ils se connaissaient du fait de leur dissidence commune, mais Vaclav Havel était plus humaniste que catholique, qu’il est devenu plus tard. Ils avaient la même passion commune pour la liberté, la peur étant le plus grand défi contre la liberté, même si le père Kolar parlait davantage de la liberté intérieure, du discernement, du choix libre. Car c’est la liberté intérieure qui ne fait jamais le mal, en permettant le discernement qui permet de choisir le bien, et donc d’être capable de reconnaître où se situe le mal. L’humanisme est très bien mais ne suffit pas, il ne sauve pas du désespoir. Si l’on n’a pas l’idée que Dieu existe au-dessus, il manque quelque chose ; ce dont s’est rendu compte Vaclav Havel avec davantage de certitude. Le père Petr Kolar a d’ailleurs publié un livre d’entretiens intitulé La liberté d’abord, qui retrace son parcours incroyable et sa force d’âme pour défendre la liberté. Il était connu pour son engagement dans ses prises de parole à la Radio tchèque pour laquelle il travaillait, notamment pour annoncer la Bonne Parole, et en est ensuite devenu membre du Conseil d’administration. Lors de son exil en France, il publiait et distribuait des livres tchèques à Paris dans le cadre de la dissidence, en lien avec le groupe de la Charte 77, dont il a vraiment été une cheville ouvrière. C’était un homme de courage qui s’est battu pour la Vérité.

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