Un été littérature – 3) Théâtre classique

La littérature, c’est aussi le théâtre. Quelques illustrations de ce dont les grands auteurs classiques ont pu nous gratifier.

Par Johan Rivalland

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Un été littérature – 3) Théâtre classique

Publié le 13 juillet 2024
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Bérénice, de Jean Racine

Belle pièce que ce Bérénice de Jean Racine, mettant en scène l’amour contrarié de Bérénice et de Titus, au moment de l’accès au pouvoir de ce dernier, après cinq années d’amour passionné.

Quelle décision prendre, entre l’amour profond et la fameuse raison d’État ? Titus voudrait bien tirer parti de son pouvoir, en conservant amour et pouvoir. N’est-il pas le maître à Rome, l’Empereur tout-puissant ? Mais voilà… Rome a ses coutumes et ses lois. L’une d’entre elles est que les rois et reines ne sont pas admis, ni appréciés, dans la Cité. Bérénice, reine de Palestine, en est une – étrangère, qui plus est. Or, seuls les empereurs et impératrices peuvent régner.

Titus prendra-t-il le risque, à peine élevé au rang d’Empereur, de se mettre le peuple à dos ? Tiendra-t-il sa promesse, maintes fois établie à Bérénice, de défendre leur amour et de prendre infiniment soin d’elle ?

Prend place alors la tragédie. À trois (ou à six, avec chacun leur confident), car Antiochus, roi de Commagène et très proche à la fois de Titus comme de Bérénice, est secrètement amoureux de cette dernière. Et lui aussi est lié par ces destins tragiques. De quoi compliquer encore la situation, jusqu’au dénouement final et la grandeur tragique à laquelle celle-ci aboutira.

Une autre pièce a été écrite sur le même thème, au même moment, par un certain Corneille (qu’il faudra que je lise aussi, à l’occasion, pour me faire une idée).

Ce qui m’a le plus plu, outre la dimension authentiquement historique, est ce parallèle établi entre la situation de Titus et celle… de Louis XIV, devant lequel Racine fit jouer sa pièce. Ce qui replace celle-ci dans un contexte tout à fait intéressant et émouvant. On se prend à imaginer ce que le Roi a bien pu éprouver…

— Jean Racine, Bérénice, Larousse, 176 pages.

 

Les fausses confidences, de Marivaux

Lire une pièce de théâtre est pour moi toujours un plaisir. La voir jouer, une distraction trop rare.

L’intrigue de celle-ci est assez classique. Elle se lit agréablement. C’est simple, incisif, facile et rapide à lire, tout à fait plaisant. L’art maîtrisé de Marivaux. On y trouve tout ce qui fait le succès de la pièce de théâtre classique : les stratagèmes pour conquérir le cÅ“ur d’une jeune femme, les demi-vérités, l’art de la comédie, la dimension comique, les effets surprise et autres rebondissements imprévus, mais aussi l’émotion, la sincérité des cÅ“urs, les personnages alliés et ceux plus antipathiques, ou encore l’égo qui se cache derrière les attitudes parfois désinvoltes, parfois sensibles à la flatterie.

Pas toujours évident de trouver le format qui vous convient. En Livre de poche, cela me sied parfaitement bien, tant ici par le choix de la couverture que par la présentation des pages et la typographie.

— Marivaux, Les fausses confidences, Le livre de poche, 168 pages.

 

L’illusion comique, de Corneille

L’illusion comique est une pièce de théâtre aux multiples facettes, d’une grande richesse, combinant une multiplicité de genres.

De nombreuses péripéties émaillent cette tragicomédie où les rebondissements et coups de théâtre s’enchaînent pour notre plus grand plaisir, la rendant captivante.

Les anti-héros jalonnent la composition, tels ce fanfaron de Matamore, dont le ridicule n’a d’égal que l’inconstance d’un Clindor qui nous réserve son lot de surprises, tandis que la tendre Isabelle incarne à la perfection l’idéal de la grandeur de l’esprit féminin.

Cette Å“uvre permet également la réhabilitation du théâtre, de son honneur et de sa créativité, ainsi que du pouvoir de l’illusion, cette dernière revêtant différentes formes et touchant chacun des personnages à sa manière, à l’exception de l’authentique Isabelle, à la remarquable grandeur d’âme, qui manifeste le plus de caractère et ne se ment pas, à elle-même pas plus qu’aux autres.

Un témoignage intéressant, également, sur les mÅ“urs et la place de l’adultère au XVIIe siècle, ainsi que la manière dont celui-ci était considéré, voire puni.

Et quel plaisir de lire des actes tout en vers !

Après plusieurs pages de lecture, on se prend à penser et à avoir envie de parler soi-même en vers et en rimes.

Il ne manque plus qu’une chose, qui me siérait à merveille : voir l’Å“uvre jouée. Un jour peut-être, qui sait ?

Il m’est d’avis que la mise en scène pourrait servir encore mieux l’Å“uvre que sa partition (si l’on peut dire). Et pour des lycéens qui étudient cette pièce, se décourageant peut-être parfois face à la difficulté de compréhension et ce langage à la fois daté et quelque peu ardu, ce serait là une fantastique aubaine.

En dehors du cadre scolaire, en tous les cas, quel plaisir de lire cette pièce en toute liberté. Alors, avis aux amateurs…

— Corneille, L’illusion comique, Folio, 240 pages.

 

Cyrano de Bergerac, d’Edmond de Rostand

Petite évocation instantanée écrite en juillet 2010 au sujet de cette création savoureuse :

Ah, Cyrano de Bergerac…

À peine achevée la lecture,
je le relierais bien encore.
Tel un pot de confiture,
y replonger n’aurais pas tort.
Je n’aime pas la poésie,
mais devant une telle musicalité
les mots deviennent jolis
jusqu’à vous entêter.

Et que dire de cette longue tirade
qui telle la marmelade
parle du nez de Cyrano
non comme celui d’un pourceau
mais avec une telle onctuosité
qu’on n’en peut que se délecter ?

L’histoire d’Amour avec un grand A
c’est certain vous ravira
Et la scène célèbre au balcon
fera cogner des éperons
même aux plus cavaliers lecteurs
qui, pris d’une soudaine ardeur
ne lâcheront plus l’ouvrage
et ce quel que soit leur âge.

Qu’adviendra-t-il de Cyrano
au terme d’une telle épopée ?
Y prendra-t-il ombrage
ou sera-t-il sauvé ?

Telles les meilleures recettes de Ragueneau,
pâtés, choux, tartelettes ou quiches,
venez goûter ces mets délicats au boisseau
sans crainte du conte de Guiche.

Et pour l’amour de la belle Roxane
vibrez au diapason
sans crainte qu’il ne se fane.
Vous aurez bien raison.

[…]

— Edmond de Rostand, Cyrano de Bergerac, Hachette Education, 360 pages.

 

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