Le laboratoire politique corse. Entretien avec Nicolas Battini

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Le laboratoire politique corse. Entretien avec Nicolas Battini

Publié le 21 mai 2024
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La Corse a toujours été un laboratoire de philosophie politique. Théodore de Neuhoff, Pascal Paoli, Napoléon Bonaparte aux XVIIIe-XIXe siècle. Laboratoire complexe et multiple où s’est notamment développée la notion de libéralisme latin.

Une nouvelle reconfiguration politique est en train de s’opérer en Corse avec la crise du nationalisme actuel. Enjeux culturels et économiques, civilisationnels et politiques, le débat politique corse est souvent mal compris et mal appréhendé sur le continent.

Entretien avec Nicolas Battini pour appréhender les spécificités de la Corse.

Fondateur et président du mouvement U Palatinu, Nicolas Battini a été un militant et un cadre du mouvement nationaliste corse au pouvoir avant de rompre avec lui à cause de son adhésion au logiciel tiers-mondiste. Il propose une réflexion renouvelée sur la pensée politique de la Corse. Il vient de publier Le Sursaut corse (L’Artilleur, 2024).

 

Propos recueillis par la rédaction.

Vous avez longtemps été un militant nationaliste avant de rompre avec ce mouvement à cause de son tiers-mondisme. Qu’est-ce qui vous a conduit à cette rupture et à votre volonté de défendre la spécificité corse par d’autres voies ?

Pour tout dire, je suis plus que jamais nationaliste, c’est-à-dire attaché à la défense des caractéristiques identitaires du peuple corse et établissant ses intérêts comme principale boussole de mon engagement politique. Mais, avec l’aide de mes amis, j’en redéfinis la grille de lecture ainsi que le narratif global. Le tiers-mondisme structurant du reste du nationalisme corse le pousse à concevoir les Corses comme des colonisés devant se rallier au Sud global. C’est cette ligne idéologique qui l’empêche de s’opposer à l’émergence de l’islamisme, à la poussée migratoire ou encore au wokisme. Quand il ne se fait pas le complice de ces trois phénomènes.

L’assassinat d’Yvan Colonna en 2022 fut une expression paroxystique de cet état d’esprit. Le président Simeoni nous avait intimé l’ordre de ne surtout pas évoquer publiquement la question de l’islamisme, souhaitant réserver de façon exclusive ses foudres à l’État présenté comme le commanditaire. L’aveuglement tiers-mondiste va jusque-là : tout discours est bon dès lors qu’il permet de ne pas évoquer l’islamisme ou l’immigration. L’heure est au conflit des civilisations, cela ne fait aucun doute. Le fourvoiement du nationalisme corse dans la mythologie anti-occidentale n’est pas seulement obsolète, il met également en danger les Corses. D’où notre volonté de rompre et d’établir un nouveau logiciel militant.

 

Comment vous positionnez-vous par rapport à la France ? Est-ce que vous vous définissez par le fait d’être Corse en France ou bien par le fait d’être Corse et Français ?

Nous considérons appartenir à une réalité autochtone et historique : le peuple corse. Là réside l’essentiel de notre identité. Pour le reste, dès lors que la France garantit aux Corses le droit à la continuité historique et à la préservation identitaire sur la terre de leurs ancêtres, en être le citoyen ne revêt aucun caractère antinomique avec la fierté d’être Corse. C’est bien là tout l’enjeu.

 

Vous avez fondé un mouvement, Palatinu, et défendez dans votre ouvrage une doctrine qui est le palatinisme. Que signifie ce mot de Palatinu, et quelles sont les grandes idées de votre doctrine ?

Les Palatini désignent en langue corse ces grandes pierres dressées il y a de cela des milliers d’années par les tribus corses décrites dans l’œuvre de Claude Ptolémée. Le même mot signifie par ailleurs « chevalier » en langue corse. C’est un terme qui évoque notre double enracinement, l’héritage prélatin ainsi que l’appartenance à cette grande civilisation structurée par le christianisme. Tout ceci renvoie évidemment aux grandes lignes doctrinales qui sont les nôtres : la volonté de défendre l’identité corse qui nous anime s’inscrit pleinement dans une vision civilisationnelle.

 

Vous êtes l’un des rares hommes politiques en France à vous revendiquer libéral et à défendre le libéralisme. Quelle définition donnez-vous à ce mot et pourquoi vous attachez-vous à défendre le libéralisme ?

C’est un terme que j’utilise concernant deux secteurs de la pensée : l’économie et les libertés civiles. J’estime que l’État est un mal parfois nécessaire, mais un mal malgré tout. Tout ce qui entrave la liberté d’entreprendre et de générer du profit honnêtement m’apparaît comme déplorable. Tout système qui limite la possibilité de s’exprimer, de mener la vie intime que l’on souhaite ou de s’organiser politiquement m’est insupportable. C’est la définition que je donne, en matière d’économie et de libertés, au libéralisme. Un libéralisme qui s’appuie en effet sur une vision sociétale qui, elle, se veut conservatrice et attachée au maintien de valeurs qui comptent toujours à mes yeux : la patrie, la famille, l’effort, l’engagement, le respect du legs qui nous vient de nos ancêtres.

 

Dans votre ouvrage, vous donnez une définition complète de la Corse et de la population corse : cela ne se limite pas à la langue, mais repose aussi sur la culture grecque et romaine, sur la religion chrétienne. Pourquoi insister sur ces éléments ?

J’insiste en effet sur ce point pour la simple et bonne raison que l’autonomisme de gauche tend depuis des années à réduire l’identité corse à la seule question linguistique. Ceci lui permet bien entendu de développer pléthore de discours identitaires compatibles avec l’accueil des migrants, le droit du sol, l’acceptation de l’islam, ainsi que toutes les revendications sociétales portées par l’extrême gauche. L’identité que nous voulons défendre s’inscrit dans un prisme plus large : la civilisation européenne. Défendre l’identité corse implique nécessairement de promouvoir les structures anciennes qui lui ont permis de s’épanouir : la famille, l’enracinement, l’héritage filial et la catholicité.

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