Guerre Israël-Hamas : Carrefour est-il responsable des actes de son franchisé israélien ?

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Guerre Israël-Hamas : Carrefour est-il responsable des actes de son franchisé israélien ?

Publié le 3 mai 2024
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Pour un certain nombre de consommateurs, l’enseigne française est désormais associée à la politique d’Israël dans les territoires palestiniens. Prise malgré elle dans une guerre informationnelle, qu’en est-il réellement de l’implication de Carrefour au Proche-Orient, et pourquoi le groupe se retrouve-t-il sous les feux de l’actualité et des réseaux sociaux ?

 

L’enseigne Carrefour est-elle, de près ou de loin, impliquée dans le conflit qui oppose Israël au Hamas ? Le géant français de la distribution prend-il directement ou indirectement part à l’appropriation illégale de territoires palestiniens par des colons israéliens ? Enfin, et plus généralement, peut-on estimer que Carrefour serait un soutien, avéré ou au contraire discret, de l’actuel gouvernement israélien et de sa politique vis-à-vis du peuple palestinien, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, en particulier après les massacres du 7 octobre 2023 ?

Ces questions se posent avec une certaine insistance depuis l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas. Au grand dam du groupe français, elles ont depuis plusieurs semaines envahi l’espace médiatique, trouvant sur les réseaux sociaux une caisse de résonance dont la multinationale de la distribution se serait bien passée. Il s’agit d’un bad buzz alimenté par un flux continu de tweets, posts et autres appels au boycott, auxquels répondent autant d’articles, de communiqués de presse et de tentatives plus ou moins adroites de « débunkage » ou de « fact checking. » Pourtant le doute ne semble toujours pas s’être dissipé.

 

Un post qui ne passe pas

Que s’est-il donc passé ? Trois jours à peine après l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien, une publication Instagram met le feu aux poudres. On y voit des salariés israéliens de Carrefour distribuer des denrées aux soldats de Tsahal. Pour accompagner les images, un message (modifié puis supprimé par la suite) semble confirmer que l’enseigne revendique un soutien logistique explicite aux forces armées israéliennes qui s’apprêtent à fondre sur la bande de Gaza, avec les conséquences que l’on sait sur la vie de centaines de milliers de Palestiniens pris au piège dans l’enclave.

Sur les réseaux sociaux, la réaction des internautes ne se fait pas attendre. Accusée de prendre parti dans le conflit qui s’annonce, l’entreprise française fait presque immédiatement l’objet d’appels au boycott. Relayés par les internautes propalestiniens, ces appels émergent dans un contexte éminemment émotionnel, où l’indignation se mêle allègrement à la désinformation. Le tout est propulsé sur le devant de la scène médiatique par la viralité des réseaux sociaux. Si le groupe Carrefour dément rapidement être à l’origine de la publication incriminée, le mal est fait. Pour les défenseurs de la cause palestinienne, Carrefour est un soutien d’Israël et mérite à ce titre d’être boycotté par les consommateurs partout où il est implanté.

 

Carrefour, un bouc émissaire trop parfait ?

Pour le mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), l’occasion est presque trop belle. Depuis plusieurs années, la nébuleuse a fait de la marque française l’une de ses cibles privilégiées, l’accusant régulièrement de « complicité » et de « liaisons dangereuses avec la colonisation israélienne » en Cisjordanie. La publication épinglée début octobre sur Instagram vient donc en quelque sorte confirmer le narratif des activistes propalestiniens, qui s’empressent de donner sur les réseaux sociaux une nouvelle visibilité à leurs théories.

En faisant partie « des marques […] sélectionnées en raison de leur complicité […] dans l’apartheid israélien » d’après le Comité national palestinien, Carrefour offre pour les militants de la mouvance BDS « un réel potentiel de victoire ».

En d’autres termes, et ce tout à fait indépendamment de la véracité de son implication dans le conflit israélo-palestinien, Carrefour fait figure de cible idéale pour les activistes du BDS et les militants propalestiniens. D’autant plus qu’en désignant l’enseigne, c’est aussi la France, ses autorités et leur soutien supposé à Israël qui sont visés. « Le mouvement BDS a ainsi su mettre à profit l’émoi lié à la situation au Proche-Orient pour donner un second souffle à sa campagne en érigeant Carrefour en bouc émissaire », relèvent les chercheurs de l’Observatoire stratégique de l’information, « alors même que ses liens effectifs avec la colonisation sont, si ce n’est inexistants, ténus et très indirects ».

Dès lors, les dénégations du groupe n’importent plus. Pas plus que le fait que Carrefour qui est implanté de longue date dans de nombreux pays à majorité musulmane se tirerait une balle dans le pied en soutenant si explicitement Israël. Ou encore que le groupe français est l’objet des critiques de certains dirigeants de l’extrême droite israélienne lui reprochant précisément de ne pas se déployer en Cisjordanie. Carrefour est d’ailleurs absent de la liste officielle des entreprises implantées dans les territoires palestiniens occupés dressée par les Nations unies.

 

Les faits sont-ils impuissants face à la rumeur ?

En réalité, Carrefour n’est présent en Israël qu’à travers des points de vente franchisés appartenant à la société Electra Consumer Products et à sa filiale Yenot Bitan. La distribution de nourriture d’octobre dernier qui a été filmée, diffusée et largement relayée sur internet reste l’acte isolé d’un unique employé de ces entreprises israéliennes. Il n’a jamais été approuvé par la direction du groupe français, et il est assimilé à tort à un soutien implicite de la multinationale au gouvernement israélien et à son armée. Par ailleurs, s’il est vrai que les deux sociétés israéliennes en question sont actives dans certaines colonies, Carrefour n’a aucun lien capitalistique avec celles-ci, et n’exerce aucune influence sur les décisions de leurs dirigeants.

Autrement dit, Carrefour ne soutient ni Israël ni Tsahal, ni les colons de Cisjordanie que ce soit directement ou indirectement. Comme d’autres grandes marques au rayonnement mondial, le groupe français voit son nom détourné malgré lui à des fins politiques, l’objectif des partisans du BDS étant d’affaiblir le soutien économique dont bénéficie Israël. Une campagne de dénigrement à laquelle les franchisés israéliens de Carrefour ont apporté leur contribution (eux aussi sans doute bien malgré eux). Le bruit médiatique généré par une information fausse, détournée ou manipulée étant plusieurs fois supérieur à celui créé par son démenti, la campagne à l’encontre de Carrefour sera donc, de ce point de vue, parvenue à ses fins : imposer un narratif et faire reculer un peu plus le soutien dont se prévaut encore Israël.

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  • Beaucoup de bruit médiatique pour pas grand chose…..Aussitôt émis….le brouhaha des réseaux le recouvre immédiatement par d autres fake_news……

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