L’inefficience française en matière d’éducation et de formation coûte 16 milliards d’euros par an

La France est au 14e rang sur 30 en efficacité de la dépense d’éducation primaire et secondaire. Décryptage.

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Source : Institut Molinari

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L’inefficience française en matière d’éducation et de formation coûte 16 milliards d’euros par an

Publié le 5 janvier 2024
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L’Institut économique Molinari a publié une étude inédite visant à comparer le rapport coût/efficacité des différents pays européens en termes d’éducation et de formation. Elle analyse 30 pays européens et effectue trois comparatifs : le premier sur l’éducation primaire et secondaire, le second sur le supérieur, et le troisième sur l’ensemble du système de formation.

 

Un manque d’efficacité global autour de 16 milliards d’euros

La France se situe à la 22e place sur les 30 pays d’Europe étudiés. Au titre du primaire, du secondaire et du supérieur, l’inefficience française représente un surcoût de 18 milliards d’euros en considérant les lacunes dans la transmission des compétences de base et l’intégration dans l’emploi. Elle est de 14 milliards si l’on se focalise sur la seule inadéquation de l’éducation et de la formation avec le marché de l’emploi.

En retenant le milieu de cette fourchette, on peut affirmer que si le système français se rapprochait des systèmes les plus efficaces, les mêmes résultats auraient dû être atteints en économisant 16 milliards d’euros ou 9,4 % de la dépense intérieure d’éducation de 2018.

L’Irlande, l’Estonie et les Pays-Bas forment le trio de tête de l’efficacité de la dépense d’éducation et de formation, suivis par l’Allemagne, la Norvège et la Finlande.

 

Un surcoût de 14 milliards d’euros par an dans le primaire et le secondaire

La France est au 14e rang sur 30 en efficacité de la dépense d’éducation primaire et secondaire.
Elle dépense 7890 euros par an et par élève du primaire et secondaire (ou 22,5 % du PIB par habitant par élève, vs 21,7 % en Europe) ; 70 % des élèves de 15 ans n’ont pas de difficulté en compréhension de l’écrit, mathématique et science (vs 69 % dans les 30 pays étudiés).

Les deux pays les plus performants sont l’Estonie et l’Irlande. La dépense par élève est élevée en Estonie (23,8 % du PIB par tête vs 21,7 % en Europe), mais les résultats sont excellents, avec 83 % des élèves n’ayant aucune difficulté (vs 68,7 % en Europe). L’Irlande dépense moins que la moyenne avec des résultats très bons, 77 % des élèves n’ayant aucune difficulté (vs 68,7 % en Europe).

Si les ressources françaises étaient dépensées aussi bien qu’en Estonie ou en Irlande, le même résultat aurait été obtenu en 2018 en diminuant de 15,3 % la dépense par élève en pourcentage du PIB/tête, soit une économie de 1200 euros par élève du primaire et du secondaire.

Actualisé aux prix de 2022, cela représenterait une économie de 13,7 milliards d’euros sur 90 milliards d’euros de dépense d’éducation primaire et secondaire.

 

Un surcoût de 4 milliards par an dans l’enseignement supérieur

La France est au 27e rang sur 30 en efficacité de la dépense d’enseignement supérieur.
Elle dépense plus par élève (31,7 % du PIB par habitant et par an vs 31,3 % en Europe) mais obtient un taux d’emploi moindre (84,6 % un à trois ans après le diplôme, vs 85,6 % en Europe).

La Finlande a notamment un taux d’emploi plus élevé que la France (88,3 % vs 84,6 %) en dépit d’une dépense par élève inférieure de 3 points (28,8 % du PIB par habitant, vs 31,7 % en France).

L’inefficacité française est encore plus criante vis-à-vis de l’Islande dont le taux d’emploi est 11 points plus élevé qu’en France (95,8 % vs 84,6 %) avec une dépense par élève inférieure de 8 points (24,3 % du PIB par habitant vs 31,7 % en France).

Si la France était au niveau des pays les plus performants (Grèce, Islande, Lettonie, Malte), elle aurait atteint en 2018 le même niveau d’intégration des jeunes diplômés en économisant 12,1 % des dépenses liées à l’enseignement supérieur.

Actualisé aux prix de 2022, cela représenterait une économie de 3,8 milliards d’euros sur 32 milliards d’euros de dépense d’enseignement supérieur.

 

Un surcoût de 14 milliards lié à l’inadéquation avec l’emploi

La France est au 25e rang sur 30 en efficacité de la dépense d’éducation et formation, si l’on se focalise sur l’adéquation avec le marché de l’emploi.

Elle dépense plus dans l’éducation (6 % du PIB vs 5,3 % en Europe) mais a de moins bons résultats en termes d’adéquation avec l’emploi.

En France, le taux d’emploi 1 à 3 ans après l’obtention du dernier diplôme était de 70,3 % en 2018 (vs 76,7 % en Europe), le taux de surqualification de 21,9 % (vs 20,8 % en Europe), et le taux de jeunes ni en formation ni en apprentissage, ni en emploi de 13,6 % (vs 12,4 % en Europe).

L’inefficacité française était particulièrement criante vis-à-vis de l’Islande. Cette dernière dépense moins en éducation que la France (5,7 % du PIB vs 6 %) pour des résultats bien meilleurs en emploi (91,8 % vs 70,3 %), surqualification (15,6 % vs 21,9 %), ou jeunes ni en formation ni en apprentissage, ni en emploi (5,4 % vs 13,6 %).

Si la France était au niveau des pays les plus performants (Islande, Lituanie, Luxembourg, Malte, Roumanie, Suisse) elle aurait atteint en 2018 le même niveau d’intégration des jeunes diplômés, économisant 8,5 % des dépenses d’éducation et de formation.

Actualisé aux prix de 2022, cela représenterait une économie de 14 milliards d’euros sur 171 milliards d’euros investis dans l’éducation et la formation.

 

Trois axes pour améliorer l’efficacité du système de d’éducation et de formation en France

1) Laisser une plus grande autonomie aux établissements, aussi bien en termes d’organisation, que de recrutement et de choix des méthodes.

2) Poursuivre les efforts visant à améliorer l’adéquation de la formation à l’emploi, pour casser la spirale inflationniste qui conduit à augmenter la durée des études pour se signaler vis-à-vis des employeurs.

3) Réduire les coûts cachés associés à l’imprévoyance de l’État en matière de gestion de personnels, en provisionnant les retraites des nouveaux enseignants et personnels administratifs de droit public.

 

À propos de la méthode

Nous avons employé la méthode d’analyse d’enveloppement des données, dite DEA. Elle permet d’identifier les pays ayant le meilleur rapport qualité/prix éducatif, et de quantifier la moindre efficacité des autres pays, en comparant les ressources éducatives aux résultats fournis par les systèmes d’éducation.

Elle définit une frontière d’efficacité qui représente le meilleur résultat possible pour un niveau de ressource donné. Plus un pays est éloigné de cette frontière composée des pays les plus performants, moins son système éducatif est efficace, plus il peine à mobiliser efficacement ses moyens pour atteindre un objectif donné. La méthode permet de quantifier les économies qui pourraient être réalisées pour atteindre les mêmes résultats, si chaque pays à la peine arrivait à se hisser au niveau des pays les plus performants.

Les 30 pays étudiés correspondent à l’Union européenne (sauf l’Espagne pour laquelle une donnée PISA clef n’était pas disponible) plus l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni. L’analyse porte sur l’année 2018, date de la publication des derniers résultats PISA disponibles au moment de la réalisation de l’étude. Les résultats ont été convertis en euros de 2022, conformément aux usages du ministère de l’Éducation nationale.

L’efficacité du primaire et du secondaire est évaluée en comparant la part des élèves de 15 ans n’ayant aucune difficulté dans les trois domaines étudiés dans PISA (compréhension de l’écrit, mathématique, science), et les dépenses d’éducation par élève rapportées au PIB par habitant.

L’efficacité de l’enseignement supérieur est évaluée en comparant le taux d’emploi des diplômés du supérieur 1 à 3 ans après leur dernier diplôme, et les dépenses par élève en pourcentage du PIB par habitant.

L’adéquation avec l’emploi est évaluée en comparant la dépense totale d’éducation et de formation (y compris apprentissage et formation continue) et :

  1. Le taux d’occupation d’un emploi 1 à 3 ans après l’obtention du dernier diplôme
  2. Le taux de surqualification (part des actifs exerçant une activité requérant un niveau de diplôme inférieur à celui qu’ils ont obtenu)
  3. Le taux de jeunes ni en formation ni en apprentissage, ni en emploi (NEET)

 

Afin d’obtenir un classement général des systèmes d’éducation, nous avons pris en compte les trois classements. Les notes obtenues au titre du primaire/secondaire et du supérieur comptent pour 50 % de la note finale. Elles ont été agrégées, en tenant compte du poids respectif des dépenses dédiées au primaire/secondaire et au supérieur dans chacun des pays. Les notes obtenues sur l’adéquation de l’éducation et de la formation avec le marché de l’emploi comptent elles aussi pour 50 % de la note finale.

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  • A l’université, il y a des formations qui ne servent tellement à rien pour trouver un travail, qu’on leur dit dès le départ qu’il faut qu’ils fassent un double cursus avec autre chose. Sans oublier les redoublements (qui augmentent la durée de la scolarité), et le pourcentage d’échec effarant.
    Un échec est doublement pénalisant: non seulement il diminue l’efficacité de l’enseignement (sujet de cet article), mais il retire du marché du travail pour plusieurs années un potentiel travailleur.
    Ainsi, au cout de l’enseignement, il faut il rajouter le salaire (complet!) qu’aurait touché ce même étudiant s’il avait travaillé. Je n’ai pas l’impression que l’étude l’ait pris en compte.

  • Une réelle gestion des moyens devrait faire financer les formations quasiment uniquement sur les besoins. Et l’existence même d’une formation devrait être soumise à des débouchés réels, filières en « tension ».
    Parmi les bac +5 : 50% à prendre un emploi en dehors de leur spécialité de formation. Ceci montre bien sûr qu’elle est inadaptée ! Ces formations sont des gabegies financières et génératrices d’intenses et durables frustrations.
    Les filières formatrices de futurs chômeurs devraient être réduites à une élite (ne pas faire mourir la filière, recherche) dans le domaine concernée avec concours d’entrée strict.
    Les moyens alloués à toutes ces filières devraient être impérativement alloués aux filières génératrices d’emplois dans le domaine concerné à la sortie, donc filières d’avenir, et ce en excluant totalement toute « subvention sur des critères idéologiques », sauf à la marge éventuellement…

  • Avatar
    The Real Franky Bee
    6 janvier 2024 at 8 h 50 min

    Les dépenses de la France dans l’éducation sont en réalité l’engloutissement « d’un pognon de dingue » dans ce monstre administratif autant qu’idéologique qu’est l’Education National. Autrement dit, il ne pourra y avoir de salut sans réforme de choc de ce système en faillite complète sur tous les plans (niveau scolaire, sécurité, finances, etc.).

    Une nuance toutefois. Quasiment les pays que vous citez en exemple ont vu leur classement PISA diminuer (y compris les Nordiques). Au-delà de la situation dramatique de l’école française, il y a une perte d’efficacité plus générale des Occidentaux en matière d’enseignement des mathématiques, et notamment par rapport à l’Asie. Un phénomène qui mériterait d’être étudié et compris.

  • En dépit des jolis mots pour préciser la méthode…

    les mesures globales ne font jamais sens pour un libéral.

    Le système n’est pas libre, point barre..

    Dans l’esprit libéral si la liberté de choix UNE personne innocente doit être sacrifiée pour le bien commun c’est inacceptable.

    l’ensignement libre na pas de but;.. sinon sa viabilité économique,; on ne mesure pas son efficience..

    l’enseigment propose et les gens achètent et sont satisfaits ou non.
    Sitôt que vous pensez que l’ensignement est quelque chose qui a à voir avec un interet commun, vous tombez dans le constructivisme et ses travers habituels.

    Il ya des gens qui savent quels sont vos besoins… et le prix que ça vaut..

  • Les 3 axes cités dans cet article ne sont pas les bons pour obtenir des résultats.
    – Le 1ier axe est la disparition du statut de fonctionnaire pour les enseignants. Et les 1550 heurs de travail par an à l’école (et non à la maison pour préparer des cours que l’enseignant professe depuis 10 ans ou pour corriger des copies qu’il fait pendant l’interro suivante). Cela permet des cours supplémentaires pour les enfants en difficulté et des études le soir.
    – Le 2nd axe est la remise au travail des élèves avec devoirs et leçons le soir à la maison (ou en étude dirigée à l’école) et classe de niveau. Arrêt de l’idéologie socialiste du nivellement par les cancres au nom de l’égalitarisme.
    – Le 3ieme axe est le retour aux fondamentaux de l’enseignement par suppression des matières inutiles pour une vie professionnelle futur des élèves et la suppression des postes inutiles associes.
    -Le 4ieme axe est l’exclusion automatique des élèves qui perturbent les cours (chahut, refus de laïcité,etc) avec inscription dans leur casier judiciaire en cas de 3 récidives. Cette inscription leurs interdirait alors, une fois adultes, de bénéficier des aides sociales comme le RSA, l’APL, etc ; la solidarité sociale devant se faire uniquement pour les individus s’investissant dans leur avenir et subissant les aléas de la vie. Cette méthode motiverait les parents à l’éducation des enfants.
    – Dernier axe : remise à plat des programmes avec l’objectif d’arrêter toute polémique politicienne et de former les élèves.
    La plupart de ces axes sont ceux qui existaient avant Jospin et qui assuraient à l’enseignement de promouvoir l’ascension sociale par le travail à l’école.
    Mais rappelons qu’aucun politicien ne veut que l’éducation nationale soit performante. Sinon, il y a longtemps qu’elle le serait redevenue…..

  • Etude très intéressante qui met en lumière l’inefficience de nos dépenses.
    Cependant, dans le constat comme dans les pistes, il existe un « point aveugle » : l’immigration.
    Aucun jugement moral mais un constat : l’accueil de nombreux enfants venant de pays étrangers est un vrai défi pour notre système éducatif.
    Déjà parce qu’à l’hétérogénéité sociale, on rajoute le défi de faire coexister des cultures différentes. Avec notamment la contestation croissante de certains enseignements (Histoire, Biologie et Sport en tête) mais aussi le manque de respect de beaucoup pour un corps enseignant très majoritairement féminin.
    De plus, beaucoup d’enfants ne parlent pas Français (allophones dans le jargon EN), n’ont pas de parents parlant Français, nombre d’entre eux n’ont jamais été scolarisés dans leurs pays d’origine (en particulier les filles), etc.
    Ces enfants sont généralement affectés dans les classes en fonction de leur âge et non pas de leur niveau scolaire. Ce qui veut dire que l’enseignant (qui a déjà de nombreux élèves) va devoir consacrer une partie de son temps à mettre en place des activités spécifiques pour ces enfants, au détriment de la classe dans son ensemble et des élèves en difficulté en particulier. Ce qui veut implique que les bons élèves (en particulier lorsqu’ils sont soutenus par leurs parents) vont s’en sortir mais que les autres risquent fort d’être durablement en échec.
    Ajoutons que certains profs vont d’écoles en écoles pour soutenir les enseignants mais ils ne sont pas assez nombreux vus le nombre d’enfants… et ils ont un coût.
    Ce n’est pas un hasard si les pays ayant le meilleur classement Pisa sont des pays dont la population est relativement homogène.

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