Guillaume Meurice convoqué par la police : et la liberté d’expression dans tout ça ?

Les cas de l’humoriste Guillaume Meurice et du rappeur Freeze Corleone, inquiétés pour leurs expressions controversées, soulèvent de réelles inquiétudes sur l’état de santé de la démocratie française.

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Source : wikimedia

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Guillaume Meurice convoqué par la police : et la liberté d’expression dans tout ça ?

Publié le 24 novembre 2023
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La société française est malade. Elle souffre d’un mal insidieux dont les symptômes se laissent à peine voir. Ils sont pourtant bien-là et ces derniers jours, deux « polémiques » s’en sont fait l’écho.

C’est Guillaume Meurice, d’abord, convoqué par la police pour « provocation à la haine » après une blague de mauvais goût dans lequel l’humoriste avait comparé, au micro de France Inter, Benyamin Nétanyahou (Premier ministre israélien) à un « nazi sans prépuce ». C’est ensuite le rappeur Freeze Corleone, qui a vu son concert annulé par la préfecture de police, au prétexte que ses références antisémites et complotistes feraient planer des risques « sérieux » de trouble à l’ordre public.

Cette judiciarisation à outrance de la vie sociale, culturelle et politique témoigne d’une France fracturée et pétrifiée par une sensibilité maladive. Certes, les idées ici incriminées sont absolument condamnables. Mais cette condamnation doit se faire dans l’arène du débat d’idée plutôt que dans un tribunal.

Cette paralysie du débat démocratique devrait alerter infiniment plus qu’une blague de mauvais goût. Avons-nous atteint un tel niveau de fragilité ? Sommes-nous à ce point incapables d’accepter la contradiction, de supporter l’expression d’une idée que l’on juge en tout point détestable, voire choquante ? Il n’y a plus vil poison, pour une démocratie, que l’idée fallacieuse selon laquelle les mots pourraient heurter, et que de la parole à l’acte, il n’y aurait qu’un pas.

C’est justement en déplaçant la violence dans le monde des idées et de la parole que les institutions démocratiques sont parvenues à pacifier nos sociétés ! Croire une seule seconde qu’interdire l’expression d’idées bêtes, haineuses ou dangereuses, suffira à les faire disparaître est d’une naïveté confondante. De plus, ces institutions démocratiques ont besoin d’un socle sans lequel elles ne peuvent se maintenir : un corps social imprégné d’un esprit démocratique et libéral, acceptant que la diversité et la différence impliquent l’acceptation de l’expression d’idées choquantes et/ou stupides.

Que l’on puisse être convoqué par la police pour une blague de mauvais goût serait ironique, si ce n’était pas le symbole d’une crise profonde de la liberté en France. Du professeur qui s’auto-censure au citoyen juif qui cache sa kippa, en passant par l’humoriste ayant besoin de consulter un avocat avant de faire une blague, ce sont autant de phénomènes qui renseignent du niveau d’intolérance qui règne dans notre pays. L’ultra susceptibilité mène inévitablement à la limitation de la liberté d’expression.

Du reste, faut-il rappeler, encore et toujours, que la liberté d’expression en France ne s’arrête pas à la simple sauvegarde de sa propre liberté ? Se battre pour la liberté d’expression, c’est avant tout se battre pour la liberté de ses adversaires politiques, et ainsi défendre leur droit de dire des choses qui nous déplaisent et nous choquent.

C’est parce que je déteste les idées de Guillaume Meurice et de Freeze Corleone que je veux qu’ils puissent les exprimer sans être inquiétés, que ce soit par la main du pouvoir politique ou, plus insidieusement, par la pression sociale. Parce que les libertés sont solidaires les unes des autres, leur liberté est la seule véritable garantie de ma liberté.

Laissons-les s’exprimer, nous aurons tout le loisir de les réfuter.

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  • D’accord pour que chacun puisse s’exprimer.
    Moins d’accord pour reprendre texto des trucs comme l’auto-proclamation en tant qu’humoriste de certains, ou pour traiter de « blague de mauvais goût » ce qui est tout aussi bien une provocation haineuse. La possibilité de réfuter ne se cultive pas en assommant les lecteurs d’assertions à réfuter.
    Pas d’accord non plus pour prétendre qu’on est convoqué par la police quand il s’agit du tribunal de police, une institution judiciaire. La police n’est, me semble-t-il, que le petit télégraphiste et par les temps qui courent, il importe de ne pas mélanger les responsabilités.

    • Fallait il faire autant de vent autour de cette blague ? Rappelez vous que Desproges a fait bien pire dans le genre.

      • Desproges était un honnête homme qui pratiquait l’ironie avec la plus grande subtilité, et n’avait rien d’un antisémite. Autant de qualificatifs que j’ai du mal à appliquer à Meurice.
        Maintenant ? Faisons confiance à la justice de notre pays.
        Et si d’aventure un crypto-militant de la gauche radicale transpire un peu dans les locaux de la police judiciaire, faut-il bouder notre plaisir ?

        • @Abon Neabcent
          « …faut-il bouder notre plaisir ? »
          Et pour un « crypto-militant de la gauche radicale » un tant soit peu ennuyé, il y aura combien d’individus simplement en désaccord avec la bien-pensance gouvernementale ou autre, qui vont se retrouver étrillés?
          Emmerder quelques peu, et sans conséquences véritables, des gauchistes avérés pour propos inappropriés permet de se payer à faible coût une virginité morale et une aura d’impartialité peut s’avérer très utile pour ensuite contraindre au silence des opposants plus sérieux.

        • faire confiance à la Justice de son pays, celle du mur des cons ?

      • Sans doute pas, ça fait quelques années que je n’écoute plus certaines radios au moment où leurs « humoristes » déversent leurs insanités sur fond de rires complaisants ou enregistrés. Mais là, il ne s’agit pas de libre expression, mais de libre disposition de nos impôts, et une réponse s’imposait, même si celle qui a été choisie n’est sans doute pas adéquate.
        Desproges avait de la culture, de l’esprit, et faisait rire la plupart des gens que je connais. Il n’y a pas de comparaison possible.

  • On ne réfute pas l’antisémitisme. On le condamne. Conformément à la loi. Sauf à vouloir que les lois ne soient pas appliquées.
    L’idée selon laquelle la violence verbale engendrerait la physique serait fallacieuse ? Elle est invalidée par les faits. Ceux du 7 octobre, comme ceux de l’Allemagne nazie. Ou ceux de nos « quartiers » désertés par les Français ju.fs. Quand on vous a appris à haïr, rien n’est plus naturel ensuite que de joindre le geste à la parole.
    « L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation » (Averroes)

    • Et si vous n’en êtes pas convaincu, demandez à David Zaruk, votre voisin de publication, pourquoi il a écrit sur les conséquences dramatiques du mensonge dans le monde industriel :
      « Si l’on jette suffisamment d’argent sur des militants en colère et désorientés, on peut créer des cultes capables de convaincre suffisamment de personnes vulnérables de dire et de faire n’importe quoi ».
      Pourquoi ce qui serait vrai pour le glyphosate, le nucléaire ou les bassines serait faux pour l’antisémitisme ?

    • o ncondamne l’antisémtisme ? oui, condamnons ceux qui pensent mal !

      comment déterminer ceux que pensent mal ? C’est la loi et le Justice de mon pays qui le décrète !

      Ouf, je suis rassuré, donc être antisémite en Allemagne en 1936 c’es penser bien et juste car c’est conforme à ce que dit la loi et la justice du pays ?

      enfin, si on doit être condamner pour des paroles promettant des actes, 90 % des personnes en instance de divorce doivent être mises en prison, c’est évident…

      vous connaissez le roman et le film minority report ?

      • Dans les années 30 l antisémitisme était a la mode……très fleurissant…….a gauche comme à droite………pour finir par la shoah
        Vous n êtes pas sorti de l adolescence ou toute réprimande est taxée d atteinte à la liberté……..

      • C’est beaucoup moins simple que ça. La liberté d’expression doit aussi signifier la responsabilité pleine et entière de ce qu’on affirme. La blanche colombe ne doit pas non plus être obligée de par la liberté d’expression du crapaud de se complaire dans sa bave. Meurice a pu attaquer en justice ceux qui auraient voulu le licencier, ça pose problème.

        • C’est très simple si on fait respecter la Liberté, cad les droits de propriété : Meurice peut dire ce qu’il veut, la radio qui l’emploie a signé un contrat avec lui bornant ce qu’il doit dire ou pas, les auditeurs sont libres d’écouter ou pas, et les contribuables ne devraient pas être obligés de financer cette radio ou n’importe quel média.

          S’il dit n’importe quoi, il se fait licencier, ou la radio perd des auditeurs et donc de l’argent, et donc fait attention.
          Le marché vraiment libre est le meilleur moyen de limiter les débordements et de les punir.
          La solution est donc dans plus de vraie Liberté, cad de respect des droits de propriété, pas dans moins de Liberté …

          • Vous avez raison en théorie. Le passage de la théorie à la pratique est loin d’être simple, et c’est bien ce que je voulais faire remarquer. « Le contribuable ne devrait pas être obligé de financer cette radio », le budget du ministère de la culture devrait être ramené à zéro, la France ne devrait pas fournir d’armes à un pays en guerre, etc. Ca ne devrait pas être, mais c’est. La vraie liberté, sur laquelle nous sommes d’accord, ne correspond pas à la liberté qui est le principal argument pour financer avec l’argent du contribuable les vitupérateurs, les spectacles sans public payant, ou même les pays qui souhaitent rejoindre les institutions occidentales. Or vous le dites, chacun a le droit d’avoir sa propre interprétation de la liberté. Le serpent se mord la queue. Ca n’est pas simple.

      • Stephane.
        Ne cherchez pas midi à quatorze heures.
        1. Il y a une loi qui condamne l’antisémitisme (depuis 50 ans).
        2. Une organisation juive a porté plainte contre Meurice.
        3. Il est donc auditionné.
        Implacable logique. Nous verrons bien si la justice mérite aussi ce qualificatif. Wait and see.

      • Stephane toujours.
        Si cela vous gêne, vous pouvez :
        1. Ecrire au PR, à la PM, à votre député pour supprimer la dite loi
        2. Vous en prendre à la dite organisation qui bafoue la liberté d’expression
        3. En dernier ressort lancer une pétition de soutien à Meurice.
        Avantage : vous deviendrez vite populaire dans les « quartiers sensibles ».

      • @Stéphane il ne s’agit pas de penser mais de dire qui plus est publiquement. Vous ne voyez aucune différence ? L’insulte et l’injure est punie depuis longtemps par la loi y compris en Suisse , pays plutôt libéral . L’affirmation péremptoire de l’auteur comme quoi les mots ne heurteraient pas est lunaire ( et est contredit par tous les textes de lois de nos pays )

  • Pour former l’homme nouveau, le socialisme doit imposer des lois qui empêcheront les individus de dire ce qu’ils pensent. Une fois que l’on s’est tu, alors on arrête de penser.
    Inimaginable de créer un film comme Rabbi Jacob de nos jours. Pourtant ce film ne stigmatise personne.

    • Ah….. le sempiternel c était mieux avant
      La société évolue mais pas vous……

      -11
      • @ Do Da :
        du point de vue de la liberté d’expression, il n’y a pas photo, vous êtes sûrement trop jeune pour vous en rendre compte.

        L’évolution de la société est donc toujours positive tant qu’elle s’inscrit dans le futur

        Certaines traditions occidentales (la liberté et le respect des droits fondamentaux des individus) qui sont apparues il y a 200 ans et qui ont fait sortir l’humanité de la sauvagerie sont à oublier car elle ont 200 ans ?

  •  » Cette paralysie du débat démocratique devrait alerter infiniment plus qu’une blague de mauvais goût. Avons-nous atteint un tel niveau de fragilité ? Sommes-nous à ce point incapables d’accepter la contradiction, de supporter l’expression d’une idée que l’on juge en tout point détestable, voire choquante ?  »
    C’est malheureusement la stricte vérité aussi triste soit-elle ! Notre monde est actuellement la proie de violences autant physiques que verbales ! Et toute personne émettant une opinion contraire à un autre avis risque sa vie ! Et les hommes politiques de tous bords marchent sur des oeufs lorsqu’ils s’expriment ! Plus rien ne peut être dit librement ! Les « wokes », les intégristes religieux, les extrémistes politiques jouent à la police des idées, des moeurs, de la morale ! Décident de ce qui est bien ou mal ! C’est la raison des précautions, même si elles peuvent paraître abusives, qui ont conduit, ces polémistes, à s’expliquer devant la justice. Ce n’est pas une atteinte à la démocratie, mais une mesure de protection de cette même démocratie car comme dit la fameuse formule  » trop de démocratie tue la démocratie « !

  • Quand on fait un accroc si bien intentionné soit il, dans la liberté d’expression , que cet accroc n’est pas discuté, accompagné de mises en garde formelles , le reste de la liberté PEUT suivre…

  • Au contraire de M. Gauthey, je ne vais pas pleurer sur la limitation de la « liberté d’expression » de Guillaume Meurice. Après tout cela s’est passé sur France Inter, le temple de l’intolérance pour ceux qui ne pensent pas comme eux. Je ne dis pas qu’il fait embastiller les intolérants mais au moins ne pas prendre leur défense. Que pour une fois ceux qui nous font la leçon à longueur de journée, je pense aussi à sa collègue, Charline Vanhoenacker et au pénible Alex Vizorek, se ramassent le retour du boomerang n’est pas fait pour me déplaire.

    Et le parallèle avec Pierre Desproges est bien maladroit : ce dernier n’a jamais rêvé de nous faire vivre dans un monde où seul son humour était autorisé.

    Alors certes, sur le principe, M. Gauthey a raison mais nous vivons un temps où il faut être plus pragmatique sous peine de voir le peu de liberté qu’il nous reste disparaître complètement. Tous ces gens ne rêvent que de nous formater et nous convertir à des idéologies qui ont fait la preuve du peu de cas qu’elles font de la liberté.

  • Je veux bien, mais ça fait 4-5 ans que des gens de droite se font régulièrement attaquer voir condamnés en justice pour de simple propos et c’est quand Meurice un des chantre de la propagande gouvernementale subventionnée a des soucis que ça suscite une réaction?
    Je n’ose croire que vous trouviez normal les condamnations des premiers parce que ce sont des propos anti-immigration et scandaleux les seconds parce que ce sont des propos antisémites.

  •  » l’idée fallacieuse selon laquelle les mots pourraient heurter » : ce qui est fallacieux , c’est de penser que les mots ne heurtent pas . Petit regard de l’injure et de l’outrage dans le droit français : wiki/Injure_et_outrage_en_droit_français . Et on s’étonne d’avoir si peu de libéraux en France … un libéral tel que l’auteur est un puissant repoussoir.

  • Quand Meurice tapait sur les non vax, les traitant de tous les noms, dans le flux de la doxa, là pas d’atteinte à quelque liberté que ce soit !
    « … on entend les quelques survivants qui ne se seraient pas fait vacciner, mais pas les morts victimes des maladies pour lesquelles il existe un vaccin … »
    ouais et bien il a l’air malin, avec les stats de surmortalité qui sortent maintenant, cet endoctriné du bulbe !

  • Cette liberté d’expression si fondamentale engendre pourtant à notre époque une grande injustice. Des individus peuvent dire tout haut ce qu’ils veulent sans être beaucoup gênés, tandis que d’autres ne peuvent qu’à peine maugréer ce qu’ils pensent. Une grande disparité. Certains peuvent se jucher sur une estrade médiatique pour vilipender, calomnier, avilir sans être contredits ou caricaturés, parce le seul fait qu’ils plaisent aux puissants ou que ces derniers ne s’en soucient guère. Cette liberté ne peut plus exister aujourd’hui car si on est trop « divergent » on ne peut plus échapper à ceux qui veulent faire taire.

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