Les sept raisons pour lesquelles vous êtes (déjà) en train de rater le virage de l’IA

Les raisons pour lesquelles les entreprises ratent les grandes ruptures sont toujours les mêmes, et elles sont à l’œuvre avec l’IA. En voici sept. Ne vous faites pas avoir.

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Source : Alex Knight sur Unsplash.

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Les sept raisons pour lesquelles vous êtes (déjà) en train de rater le virage de l’IA

Publié le 17 novembre 2023
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À moins que vous n’ayez vécu sur Mars ces derniers mois, vous n’avez pu ignorer l’énorme écho médiatique autour du développement de l’intelligence artificielle (IA).

Ce développement est fulgurant, chaque exploit succédant au précédent, avec des réalisations qui auraient semblé impossibles il n’y a pas si longtemps. Il est vrai que le monde de la technologie a tendance à exagérer l’importance de ses inventions, et certaines ne durent que le temps d’un matin, mais on peut dire avec une assez grande assurance que ce n’est pas le cas avec l’IA.

Après des années de bouillonnement, son développement est véritablement entré dans une phase exponentielle. Pourtant, et malgré des résultats souvent impressionnants, beaucoup d’acteurs restent attentistes.

Dans mon expérience, il y a sept raisons qui expliquent cet attentisme, et qui correspondent chacune à un modèle mental bien ancré. Examinons ces raisons pour montrer en quoi elles sont fallacieuses.

Sept raisons qui expliquent cet attentisme

1 – L’IA va massivement supprimer des emplois »

Derrière cette raison il y a la vieille crainte que l’automatisation supprime des emplois.

Or, ce n’est pas ce qu’on constate historiquement. L’automatisation augmente la productivité, ce qui abaisse les coûts et permet de développer le marché, ce qui, en retour alimente la croissance et le besoin en emplois.

2 – « L’IA va remplacer les humains »

L’IA est un outil puissant qui ne fonctionne que s’il est bien utilisé. Depuis toujours, l’être humain a utilisé la technologie pour faire mieux certaines choses (productivité) et aussi pouvoir en faire des nouvelles (innovation).

L’IA ne remplacera pas les humains, elle trouvera son plein potentiel dans la façon dont les humains l’utiliseront. Ceux qui gagneront seront ceux qui apprendront à bien l’utiliser, comme ceux qui ont gagné dans le passé étaient ceux qui ont maîtrisé le feu et la fabrication de flèches.

3 – « Avec l’IA, les moins qualifiés seront largués »

Bien au contraire, l’IA est la chance des moins qualifiés.

Elle permet par exemple à ceux qui n’ont pas pu apprendre de langue étrangère de se débrouiller malgré cela grâce à un traducteur automatique. Elle est le grand facteur de remise à niveau de ceux qui n’ont pas pu faire d’études. L’IA, c’est 150 ans d’études dans votre poche.

4 – « L’IA n’est qu’une techno »

Sous-entendu, cela ne concerne pas la direction générale qui ne s’abaisse pas à parler cuisine. Grosse erreur.

Bien sûr, l’IA est une technologie, mais ce serait une erreur de la mettre simplement au service de ce qui existe déjà pour l’améliorer. La bonne approche est de repenser entièrement son métier, ou son activité, à partir de l’IA. Comme la presse il y a vingt ans qui s’est demandée : « C’est quoi être un journal à l’heure d’Internet quand on peut trouver l’info gratuitement sur Google ? »

L’IA, c’est une techno, certes, mais d’importance stratégique.

5 – « L’IA n’est pas au point, il vaut mieux attendre… »

Aucune techno n’est jamais au point. On n’a jamais attendu qu’aucune le soit pour l’utiliser.

L’automobile a mis des années avant d’être à peu près utilisable par le commun des mortels. Pourtant cela n’a pas empêché qu’elle soit utilisée avec un très gros impact. Si vous attendez que l’IA soit au point, à supposer que ce soit définissable, il sera trop tard quand vous vous y mettrez.

6 – « On ne sait pas comment l’IA fonctionne vraiment, donc c’est dangereux »

C’est quelque chose qu’on entend beaucoup, notamment des professeurs de morale, qui supposent qu’on ne peut utiliser quelque chose que si on le comprend parfaitement. Mais c’est faux.

La plupart des innovations humaines ont été intuitives, et on n’a souvent compris comment elles marchaient que bien plus tard. Sait-on parfaitement comment fonctionne un juge d’instruction ou un comptable ? Non. Et pourtant ils sont très utiles. Lady Montaigu a diffusé la pratique de la variolisation au début du XVIIIe siècle, ancêtre de nos vaccins. Elle ne savait pas expliquer comment ça marchait, mais ça marchait, et c’est ce qui comptait.

7 – « L’IA je n’y comprends rien, je vais attendre que les choses s’éclaircissent… »

Ici, l’erreur est de penser qu’on ne peut comprendre quelque chose que lorsque tout devient clair.

Or, pour quelque chose d’aussi complexe que l’IA (qui est un champ d’innovations multiples à lui tout seul), ce ne sera jamais le cas. La seule façon de se faire une idée de ce qu’est l’IA, c’est de pratiquer. Et pratiquer ne veut pas dire poser une question à ChatGPT et raconter le résultat à ses voisins. Pratiquer, c’est investir du temps pour s’exercer sur des cas réels, et ainsi pouvoir mesurer les forces et les faiblesses de la technologie. Cela permet aussi de mieux imaginer les possibilités (cf. raison 4).

 

Petites victoires

Comme je le disais récemment à une audience d’experts inquiets du développement de l’IA, il ne s’agit pas d’interrompre vos activités et de vous mettre à plein temps sur l’IA.

Il s’agit d’y consacrer un peu de temps, mais de manière systématique.

Par exemple demander à l’un des collaborateurs de devenir le « monsieur ou madame IA » avec quelques heures par semaine. Ce temps doit être garanti par la direction générale et mesuré comme un investissement, pas considéré comme un loisir.

Il constitue une perte acceptable : si cela ne donne rien, ce n’est pas grave, car ce temps est limité d’entrée de jeu (mais comment cela pourrait-il ne rien donner ?).

Si cela donne quelque chose, on peut décider d’investir plus. On procède ainsi par petites victoires : on avance, on construit quelque chose, mais en contrôlant le risque en procédant par petits pas. Ne ratez pas le virage de l’IA en tombant dans des pièges vieux comme le monde.

Sur le web.

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  • Limpide, comme toujours avec Philippe Silberzahn.
    « l’automatisation supprime des emplois. » Plus précisément, l’IA supprime certains emplois. La mécanisation a supprimé des emplois de terrassiers, de bûcherons ou de porteurs. L’IA va permettre de se débarrasser de tâches pénibles et répétitives. Ceux qui perdront leur job à cause de ça vont râler et on les comprend. Ils devront se reconvertir, ce qui n’est jamais facile. Mais, de même que plus personne ne creuse les fondations d’un immeuble avec une pelle et une pioche, plus personne ne voudra faire certains tâches abrutissantes que l’IA effectuera toute seule. Et ce sera un progrès.

  • Par observation les entreprises prospères ratent toujours les virages de l’innovation , pourquoi : parce que leur modèle périmé marche encore, que prendre un virage est un risque et que les dirigeants de ces grosses boîtes prospères ne quittent jamais la proie pour l’ombre . Cf l’exemple de Kodak . Tout ceci est d’ailleurs très bien , cela laissera les coudées franches aux nouveaux géants , aujourd’hui dans les langes .

    • «Par observation les entreprises prospères ratent toujours les virages de l’innovation»

      L’adverbe « toujours » me paraît trop déterministe. Je pense qu’il y a des entreprises propères qui prennent le virage (Microsoft, Disney..), d’autres le gros de la troupe plutôt suiveur qui le prendront un peu forcé, et le reste plus conservateur qui résistent volontairement ou involontairement. Encore que cela reste très approximatif comme analyse et dépend de beaucoup de l’innovation et de sa granularité c’est à dire la capacité à changer la vie des gens. Or qui peut savoir. En quelque sorte, le virage des entreprises dépend de la granularité qui elle-même dépend du virage des entreprises, des mouvements imbriqués que personne ne contrôle.

  • L’IA, c’est exactement comme la calculette ou plus généralement l’informatique. Un truc qui permet de faire en une seconde plus de bêtises qu’on n’aurait pensé en faire dans toute sa vie, et dont pourtant on n’imagine pas un seul instant de se passer. Sauf qu’en fin de compte, ça n’est pas l’utilisateur qui trouve ça génial qui paie, mais le client. J’attends toujours un client satisfait, pour me dire que c’est merveilleux d’avoir au service de dépannage de son fournisseur un interlocuteur aidé d’une IA qui lui permet de répondre avec grammaire et courtoisie encore plus à côté de la plaque qu’avant.

    • L’IA ce n’est pas que Chatgpt, loin de là ; de plus il y a bien des fois où j’aurais préféré avoir affaire à un gentil robot qu’à un humain incompétent et mal embouché.

  • L4AI n’est qu’un enchaînement de renseignements rapide. Rien à voir avec l’intelligence. C’et une technique qui peut être pratique et faire gagner du temps, rien de plus. Elle peut aussi induire en erreur, ce qui est plus grave.

  • Bonjour à tous,
    Cet article est un peu simpliste… On ne peut sur un tel sujet avoir des Å“illères qui cachent une partie de la forêt. Il ne faut pas se mélanchoniser ou se lepeniser, mais essayer de voir en large.
    L’IA comme beaucoup de voies de progrès dépend de ce qu’on en fait. On ne peut pas me semble-t-il se cacher derrière « si je ne l’avais pas fait, d’autres l’auraient fait ».
    La volonté de chacun et la précaution qu’on y mettra détermineront les voies de développement de l’IA.
    Si on se méfie des individus, qu’on préfère avoir affaire à un robot qu’à un être humain, ou/et qu’on cherche à réduire uniquement ses couts salariaux, on va tout mettre en oeuvre pour remplacer l’être humain sans pour autant répondre ou créer de nouveaux besoins, sans chercher à améliorer l’individu, ni nos échanges.
    Il y a des endroits où l’IA est intéressante et d’autres où elle peut être dangereuse. Tout dépend ce qu’on en fait. Cela ne mérite-il pas une conscience personnelle et une responsabilité collective, ce qu’il n’y a pas toujours, car on ne revient pas en arrière facilement quand les créations pdépassent les créateurs. Et il y a aussi ce risque.
    Effectivement il ne faut pas attendre mais il me parait avoir bien des dangers à éviter. Effectivement même si je ne partage pas tous les points de cet article, je préfère le savoir écrit par un être humain avec qui le débat est possible et qui a un trajet humain de pensée.

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