Transhumanisme : la recherche de l’immortalité a-t-elle un sens ?

L’intelligence artificielle pourrait nous permettre de créer des avatars virtuels après la mort. Mais quelles sont les implications philosophiques et éthiques de cette immortalité numérique ?

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Transhumanisme : la recherche de l’immortalité a-t-elle un sens ?

Publié le 8 novembre 2023
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Par Caroline Cuny & Yannick Chatelain

L’immortalité numérique est désormais à portée. Avec les prodigieuses avancées de l’Intelligence artificielle (IA), nous sommes maintenant en mesure de nous fabriquer un avatar virtuel pour après notre mort. C’est indéniablement « un petit pas pour un homme » vers une immortalité plus « aboutie ». Est-ce pour autant « un bond de géant » pour notre humanité ?

Savoir si la recherche de l’immortalité a un sens est un débat on ne peut plus d’actualité et particulièrement complexe, qui engage tant la philosophie que l’éthique. Or, c’est une question qui va sera de plus en plus souvent posée au regard des progrès médicaux et technologiques inédits des dernières décennies visant à prolonger et améliorer la vie de l’Homme. Avec des arguments en sa faveur qui ne peuvent être ignorés, des arguments « contre » qui ne peuvent non plus être passés sous silence, au cœur de ce questionnement se trouve la condition humaine.

Ceci étant dit, comme le note le biologiste franco-croate Miroslav Radman, si l’on parle d’immortalité, les choses sont très relatives : « le seul candidat est la vie même qui dure déjà entre 3,5 et 4 milliards d’années. Mais la vie n’est pas une entité, c’est un processus robuste qui génère ses produits fragiles – les organismes vivants. »

L’homme est ainsi un produit « fragile » mais qui apparaîtra immortel par rapport à un ver qui ne vit que deux semaines.

 

L’ambition de ne plus mourir

Pour autant, la quête de l’immortalité, au sens strict de ne jamais mourir, est au cœur des préoccupations de certains hommes. En juin 2023, Neuralink, start-up de neurotechnologie dirigée par Elon Musk annonçait avoir reçu l’autorisation des autorités sanitaires américaines pour commencer les essais cliniques de ses puces cérébrales (des implants visant à améliorer les capacités cérébrales humaines et soigner certaines maladies comme celle de Parkinson) sur des humains.

Ces avancées ne peuvent que réjouir la communauté transhumaniste qui revêt – selon les groupes – divers ambitions et objectifs, dont l’amélioration des capacités humaines, mais pas seulement.

Selon les transhumanistes, la quête de l’immortalité passe par le développement de technologies qui prolongent la durée de vie humaine de manière significative, ce grâce à des avancées médicales – les travaux de NeuroLink vont dans ce sens – la régénération des tissus, et éventuellement le transfert de conscience vers des substrats artificiels.

 

Des être humains sans corps ?

La doctrine philosophique transhumaniste vise à « libérer l’humanité de ses limites biologiques en surmontant l’évolution naturelle. Changer l’humain serait positif, car cela pourrait signifier la libération des contraintes de la nature, comme la maladie ou la mort. »

Comme le souligne le sociologue français David Le Breton certains transhumanistes ont même pour ambition de se passer définitivement de toute enveloppe corporelle et organique. Ils voient désormais l’incarnation comme un obstacle majeur à l’épanouissement de soi et, au-delà, au déploiement de la technoscience. Le corps est à leurs yeux une limite tragique qui alimente la vulnérabilité inhérente à la condition humaine. Sans le corps, pensent-ils, ils seraient immortels, imperméables à toute maladie, sans limites, étrangers au vieillissement, uniquement sous l’égide de leurs propres pensées.

Cette position peut être discutée. De quoi dépend l’épanouissement personnel ? Est-il vraiment indépendant du corps et des sens ? Si l’on se réfère aux théories de l’énaction, qui s’intéressent à la manière dont les organismes et les esprits humains s’organisent eux-mêmes en interaction avec l’environnement, les processus cognitifs sont fondamentalement enracinés dans les états corporels et dans les systèmes sensori-moteurs activés dans le cerveau.

Est-ce qu’entrer en relation avec les autres et l’extérieur, sans corps, ne changerait pas totalement notre conscience de nous-mêmes ? Les arguments en faveur de cette quête d’immortalité sont multiples et argumentés, mais ils mettent de côté une partie non négligeable de notre humanité, le corps sensible.

 

Quel sens pour la vie pour les immortels ?

Des opposants à cette quête comme Miroslav Radman, qui se définit comme un biocrate, est un défenseur de la biologie humaine. Il avance que le « rêve transhumaniste » ne relève pas du domaine du naturel, et que, si l’on suit cet « idéal », « le corps humain risque de devenir un simple « châssis » biologique pour les prothèses artificielles ».

D’autres problématiques verraient par ailleurs le jour : d’un point de vue plus pragmatique se pose le problème des ressources naturelles et de la surpopulation. Une surpopulation qui pourrait être gérée par la variable financière, discriminant les mortels des immortels. La question serait alors de savoir qui peut s’offrir l’immortalité.

Dans certaines traditions par exemple slaves et chinoises : un corps enjambé par un animal, particulièrement un chat ou un chien, peut devenir un mort-vivant. De même, un corps blessé et non traité au moyen d’eau bouillante peut devenir un vampire. Dans la littérature également, l’immortalité est souvent associée à une déshumanisation à travers l’image du vampire, transmutation d’un individu ordinaire en un cadavre vivant, marginal dénué de tout sens moral, capable de transformer les autres en monstres comme lui.

L’immortalité impliquerait-elle la perte de son humanité, à l’instar des morts-vivants, c’est-à-dire une déshumanisation au sens propre, biologique comme figuré, une abolition de l’éthique et de la liberté ? Si tel était le cas, vu les mœurs peu amènes des vampires tels qu’ils sont décrits dans de nombreuses œuvres, cela signerait une abolition de l’espoir, tant la vie est faite de sensorialité, de joie, de peine, de remords, de regrets… Si un jour la formule de l’immortalité est trouvée, il faudra veiller à la manier avec sagesse, car les « hommes » qui souhaiteraient en faire usage pourraient prendre le risque de devenir des monstres sans âme.

Sur le web.

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  • Le veillissement et la mort font partie intégrale de notre humanité. L’ accepter est un procès continu. Et inévitable. Si un jour cette « immortalité » (avec ou sans corps) devient possible, et je crains que ce soit possible à plus court ou long terme, ces créatures ne seront plus véritablement humaines. Leur éthique, morale, enfin tout ce qui nous caractérise comme humains, aura disparu. Et toutefois elle sera toujours à la portée d’ un numéro très limité d’ « humains ». Et je ne peux pas dire que se soient véritablement des privilégiés. Qui veut être immortel ?

    • Moi je le veux. Pensez à l’alternative. Ne pensez vous pas qu’après votre mort, « Votre éthique, morale, enfin tout ce qui vous caractérise comme humains, aura disparu »?
      Il est sûr que l’immortalité, quel qu’en soit sa forme, aura des répercussions profondes sur la psyché de l’individu.
      Il me semble qu’au contraire, la vie aura plus d’importance, et notamment celles des personnes agées, qui sont actuellement, car proches de la mort, souvent considérées comme de second rang.
      Quant à « la portée d’ un numéro très limité d’ humains », c’est un argument malthusien qui n’a rien à faire ici. La durée de la vie humaine n’est pas limitée par quelconque ressource rare, et si les humains devenaient immortels, la diminution des naissances compenserait.
      Comme tout bien, l’immortalité serait chère au début, puis à portée de tout le monde.
      Rien n’interdirait de rester mortel, mais je pense qu’avec le temps, cette position deviendrait marginale.

      • Je ne souhaite l’immortalité à personne. Ceux qui la voudraient se trompent sur deux points (au moins): ils ne tiennent pas compte de l’évolution technologique qu’ils subiront sans la comprendre en très peu de temps (ce qui les incitera à demander la mort), et 2) être incarné dans une machine (sachant qu’il y a bien peu de chances que nous puissions un jour rendre immortel notre carapace organique) suppose de comprendre ce que sont la conscience et l’intelligence… est-ce seulement possible ?

  • Petites reflexions impromptues.
    1. Vous portez des lunettes, un pacemaker, un fémur en titane… vous êtes déjà un transhumain. Alors mollo sur la critique.
    2. Vivre sans corps, c’est comme applaudir d’une seule main. C’est vain.
    3. Il y a des vampires heureux. Voir « Entretien avec un vampire ».
    4. Si l’Humanité devient immortelle, la reproduction sexuée devient caduque. Nos sociétés feront pire que la Chine de l’enfant unique. Ou bien, l’évolution nous condamnera à la parthénogénèse, comme le varan de Komodo. Pour compenser les expositions prolongées au soleil, les balles d’argent perdues et autres pieux dans le coeur.

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