Banques, devises : les risques d’une perte de confiance

Les Français épargnent comme jamais, permettant au gouvernement de financer ses déficits. Mais cette source de financement pourrait se tarir en cas de perte de confiance, entraînant un effet domino sur l’économie.

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Banques, devises : les risques d’une perte de confiance

Publié le 31 août 2023
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La cotation d’ARM pour la fin de l’année, comme l’essor du solaire depuis trois ans en France, attestent des effets d’une manne de liquidités, grâce aux mesures de soutien au marché et aides à l’industrie des renouvelables.

Le lien entre spéculations et interventions des dirigeants dans les marchés tient en place depuis des siècles. La bulle des Chemins de fer des années 1840, la bulle du Mississippi, qui a éclaté en 1720, ou la bulle des Tulipes des années 1630, ont lieu peu après la mise en place d’incitations ou de soutiens à l’endettement, en général par la banque centrale.

Ce mois-ci, la Banque du Japon surprend le marché avec encore plus de rachats d’obligations. En dépit de prix en hausse de plus de 3 % sur un an, la banque centrale continue les interventions, afin de fournir un soutien à l’endettement.

La part des obligations du Trésor japonais sur le bilan de la Banque du Japon a atteint 50 % en décembre dernier.

Elle continue de croître et dépasse à présent les 53 % des obligations du gouvernement en existence.

Le groupe japonais Softbank a foi dans le soutien des banques centrales pour encourager les paris sur la technologie. Il annonce ce mois-ci le projet de cotation de son entreprise de semi-conducteurs ARM. En vue de la cotation, le groupe rachète le restant des parts d’ARM à ses propres clients des fonds d’investissement, pour une valorisation de l’entreprise à 64 milliards de dollars.

La valorisation de Softbank du groupe dépasse de loin la norme dans les marchés, même dans la technologie. Le groupe dégage un peu plus de 500 millions dollars de bénéfices par an en 2022.

Softbank, sous le contrôle du milliardaire Masayoshi Son, espère obtenir une valorisation de marché d’environ 130 fois les bénéfices actuels ! Le ratio moyen pour les actions du Nasdaq, qui contient la plupart des actions de technologie aux États-Unis, atteint moins de 25 à ce jour.

En somme, l’investisseur japonais parie sur le genre d’optimisme que génère l’action Nvidia. Le groupe américain a atteint ce mois-ci près de 250 fois les bénéfices sur les 12 derniers mois. Suivant l’annonce des résultats du trimestre, avec une hausse des ventes en lien à ses cartes à puces spécialisées pour l’IA, le ratio baisse à 110 fois les bénéfices.

Softbank espère tirer parti de l’optimisme pour l’IA, et les valorisations pour les actions du secteur.

L’IA profite des largesses des banques centrales.

En effet, les marchés attendent des rachats d’obligations en cas de remontée des taux, comme le fait la Banque du Japon, et des sauvetages lors de faillites, comme nous l’avons vu avec les faillites de Crédit Suisse ou des banques américaines.

 

Solaire sous perfusion

Le solaire, de même, affiche une croissance en flèche depuis 3 ans. Les installations de panneaux en France, comme sur le reste du continent, battent des records.

L’essor des capacités du solaire tient à la distribution d’incitations à la population.

Le site de Engie offre un « Exemple concret de calcul de rentabilité » de l’installation d’éoliennes chez un particulier.

Le fournisseur d’électricité explique :

« Afin de comprendre parfaitement comment calculer le temps qu’il faut pour rentabiliser votre installation photovoltaïque, prenons un cas concret. Il s’agit d’un couple vivant près de Grenoble (région Rhône-Alpes), qui vit dans une maison de 65 m2. Le toit est incliné à 37°, orienté sud, et n’a pas d’ombrage. Ils ont choisi l’autoconsommation avec revente de surplus. »

En somme, Engie présente un couple avec une maison typique qui utilise un maximum de l’électricité des panneaux pour leurs besoins. Ensuite, par obligation de la loi, le distributeur d’électricité (Engie), achète l’excès de production (même lorsque le réseau n’a pas de besoin en courant).

Il continue :

« L’installation coûte 15 000 euros. Ils bénéficient d’une aide de l’État de 280 euros/kWc, soit un total de 1680 euros. Celle-ci est versée en 5 ans. Le coût total de l’installation est donc de 15 000 – 1680 = 13 320 euros. »

Engie estime que le couple réduit à zéro sa facture d’électricité annuelle, puis gagne de l’argent via la vente des surplus :

« Chaque année, ils font donc une économie et un gain cumulés de 841 euros. Pour rentabiliser leur installation, il faut un peu moins de 16 ans. Le couple peut espérer faire tourner son installation pendant encore minimum 15 ans puisque la durée de vie des panneaux solaires est de 30 à 40 ans. »

Selon le calcul d’Engie, la rentabilité des panneaux (grâce au rachat obligatoire du courant à un prix fixe) revient à environ 6 % par an.

Un investisseur ou particulier qui emprunte à 3 % (le rendement sur une assurance-vie ou une obligation du gouvernement) peut en tirer une marge dès l’installation.

De plus, le modèle d’Engie estime les aides à seulement 1680 euros. Or, selon UpEnergie, en moyenne, il est possible d’obtenir jusqu’à 5000 euros pour son installation solaire.

Un autre cas que présente Engie offre un remboursement en seulement 9 ans, soit un rendement annuel de 8 % !

En bref, l’essor des capacités du solaire tient à l’accès aux financements et aux subventions.

En l’absence de ces aides, le secteur du solaire a sans doute peu de chances de conserver le rythme d’installations. Un éclatement de la bulle et un ralentissement de l’activité attend dès la fin des mesures de soutien.

 

Inertie des épargnants

En dépit de la tendance des dirigeants sur la création d’argent et d’aides à l’octroi de crédits, les particuliers ne changent pas d’habitudes.

Les chiffres sur le placement des épargnes confirment l’inertie des particuliers face aux risques d’une dévaluation. Le montant d’épargne dans les banques et assurances-vie atteint un record.

L’encours des placements à base d’actions (compte-titres, PEA, ou assurance-vie en unités de compte) grimpe de 140 milliards d’euros sur le premier trimestre de 2023. La hausse tient à la fois des entrées d’argent, en plus du rebond des marchés.

Dans les produits de rendement, ou comptes bancaires, l’encours grimpe de 30 milliards d’euros au premier trimestre, selon la Banque de France.

Le Monde donne des détails :

« En 2022, ce patrimoine [d’épargnes] s’était alourdi de 146 milliards, contre 100 milliards seulement en 2019. Non seulement les ménages n’ont pas touché à leur cagnotte « covid », qui atteint la somme rondelette de 240 milliards d’euros, accumulés pendant la pandémie faute de pouvoir consommer, mais ils ont même accru leurs efforts pour mettre de l’argent de côté. »

Les comptes en banque et contrats d’assurance-vie fournissent une source de demande pour les obligations du Trésor.

Le gouvernement finance les déficits grâce à l’épargne des Français, et à la dévaluation de la devise par la planche à billets (les politiques de soutien de la banque centrale).

L’inertie des épargnants réduit la pression sur la devise. Elle permet aux gouvernements de poursuivre les déficits, avec moins de recours à la planche à billets.

Par contre, une perte de la confiance des épargnants, – en raison d’un retour des pénuries d’énergies, ou d’une cascade de faillites de banques, par exemple -, peut entraîner la fuite devant la monnaie.

Face à une fuite des particuliers des dépôts de banques, le gouvernement risque de manquer d’acheteurs pour la dette. Dans ce genre de situation, les autorités font alors appel à la planche à billets, ce qui mène à un effondrement en cascade de la valeur de la devise.

La fuite des épargnants retire aussi de l’argent pour les soutiens à des industries ou l’achat de panneaux solaires. En plus de peser sur la devise, elle peut mener à l’éclatement des bulles en cours.

Le projet de cotation d’ARM montre l’optimisme de Softbank pour l’humeur des marchés. Tout comme l’essor du solaire va prendre fin un jour, les marché-actions risquent de chuter de haut lors de la fin des rachats d’obligations et interventions en faveur de l’octroi de crédits.

Pour l’instant, la foi des épargnants dans la devise offre une source de financements aux déficits, et soutient les bulles de marché. Une fuite devant la monnaie, en réaction à un excès de création d’argent, ou une crise dans les banques, risque d’éclater les bulles, et mener à une inflation en spirale.

(Vous pouvez retrouver mes analyses et commentaires sur la Bourse et l’investissement, dans ma quotidienne gratuite. Cliquez ici.)

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  • L’excès de dette française ne mettra pas en route la planche à billets. Les Allemands y veillent. Non. La France suit exactement le chemin de la Grèce. Mais les enfants gâtés vont faire face à un réveil beaucoup plus dur.

  • Lapalissades. Propos sans queue ni tête. Remplacez Bonner par ChatGPT.
    On sera pas plus avancé.
    Mais.
    Au moins on aura l’impression d’un propps pertinent.

    -2
  • Je suis surpris que les gens ne se rendent pas compte plus rapidement que les calculs de rentabilité sont très exagérés, et que les engagements étatiques sont ultra-fragiles.
    Le couple grenoblois, par exemple, ne consomme-t-il plus rien la nuit et les jours de pluie et de neige ?
    D’autre part, il faut aujourd’hui tenir compte de l’inflation, qui diminue les aides (versées échelonnées) et la valeur du courant revendu. En imaginant que la consommation du couple reste à 20% de sa valeur antérieure et que l’inflation est à 5%, au bout de 5 ans, il resterait 11809€ à amortir. Au bout de 6 ans, il resterait 11362€ (10821+5%). L’amortissement apparent est alors de l’ordre de 1000€ par an, mais une fois l’inflation déduite, il n’est plus que d’environ 450€. Si l’inflation ne baisse pas, il faudra encore 25 ans pour amortir l’investissement.

    • Si l’inflation ne baisse pas…
      « De l’union de « si » avec « mais », naquit un enfant nommé « plaise à Dieu que… » » (proverbe arabe)

      -2

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