Mars, notre tremplin vers l’Espace-proche

La vie sur Mars est plus qu’une fin en soi: elle promet une transformation radicale de la façon dont nous percevons et vivons dans l’Espace-proche

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Mars, notre tremplin vers l’Espace-proche

Publié le 18 juillet 2023
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Certains considèrent l’établissement de l’Homme sur Mars comme une fin en soi.

Je le considère plutôt comme un tremplin. Une fois installé sur Mars, l’Homme verra l’Espace-proche différemment, et le pratiquera différemment. Ce sera non plus simplement un terrain pour l’exploration robotique à partir de la Terre ou un désert dans lequel il n’y a aucune population consciente et communicante (si ce n’est de vagues aliens tout à fait hypothétiques), mais comme un Océan que l’on peut traverser pour y rencontrer ses semblables ou, en allant encore plus loin, pour aborder de nouvelles terres, et comme des pionniers y créer des colonies, une frontière, comme disent les Américains. NB : je ne parle pas ici de l’Espace-lointain, au-delà d’une dizaine d’années-lumière, qui est et restera le domaine de l’astronomie ou de l’astrophysique… et de la spéculation sur la raison d’être des choses.

Nous sommes une nouvelle fois comme au temps d’Henri le Navigateur, à supputer le possible. Seuls certains d’entre nous y croient ou veulent y croire, mais la majorité de la population, comme Saint Thomas, veut voir pour croire. C’est pour cela que la colonisation de Mars se situe encore aujourd’hui à la limite entre réalité et science-fiction, et qu’elle sera demain un événement déclencheur.

En effet, une fois le saut jusqu’à Mars effectué, on se retrouvera comme les Européens après le voyage fondateur de Christophe Colomb. On saura que la vie « de l’autre côté » est possible, puisqu’elle sera une réalité, et l’on voudra y aller pour vivre ses rêves, entreprendre de nouvelles choses dans un autre environnement, et au contact d’autres personnes contribuer à développer une autre culture.

Car vivre sur Mars ou ailleurs dans l’espace ne sera pas comme vivre sur Terre. On y sera à la fois plus libres et plus contraints.

Du point de vue légal et administratif, il y aura certes des règles à respecter, mais celles-ci seront fixées d’abord par l’environnement et l’isolement. Pas question de respecter des procédures complexes et longues si elles sont inutiles. On n’aura ni le temps ni les moyens matériels de le faire, ni la capacité d’assumer le risque d’un délai inutile. Ce sera en quelque sorte, comme jadis au Far West, un retour à la réalité, dans sa brutalité, peut-être, mais surtout dans son efficacité.

Le respect dû à l’autre sera clairement contenu par la nécessité de tout faire pour que la communauté survive.

Pas question cependant de nier l’importance des autres, car dans ces petites îles d’humanité, sans communications physiques faciles et fréquentes avec la Terre, il sera impossible de vivre isolé et chacun aura sa fonction, qu’il ne pourra pas faire semblant de remplir car toute défaillance serait trop visible et trop grave.

Les incompétents ou les inefficaces seront remplacés sans état d’âme, dans la mesure où d’autres ayant les qualités requises pourront les remplacer.

En même temps, les bouches devenant inutiles devront s’assumer et redevenir utiles compte tenu des coûts très élevés de survie, fondés sur les faibles disponibilités en logements ou autres ressources vitales (air respirable, chauffage, aliments, énergie). Il sera impossible de ne se soucier que de soi car les autres dépendront de vous, et au besoin vous le rappelleront.

Pas question non plus de brider l’initiative individuelle car les hommes seront peu nombreux et il faudra sans cesse faire preuve d’imagination pour vivre moins mal, puis mieux, ou simplement combler l’impossibilité d’avoir recours au secours lointain de la Terre. Mais on ne pourra jamais faire n’importe quoi, en raison notamment de l’importance de l’accès à la ressource énergétique rare pour le support-vie. On sera sans cesse confronté aux nécessités de la prise de risques, mais avec des conséquences beaucoup plus graves que sur Terre. La vie sera dangereuse car la sanction de l’erreur sera lourde et rapide mais aussi, en partie de ce fait, passionnante, un peu comme l’est le pilotage d’un voilier par fort vent sur mer agitée ou la descente d’une piste de ski noire, raide et étroite.

Les communautés spatiales seront indépendantes de la Terre et les unes des autres car il sera tout simplement impossible d’agir en direct sur telle ou telle, ou de contraindre une colonie rebelle ou simplement récalcitrante à une opinion générale prévalente ailleurs.

Elles seront en effet très vite autonomes car il sera vital pour elles de l’être, et donc de le devenir le plus rapidement et le plus complètement possible (« autonome » ne veut pas dire que l’on doive refuser les échanges par les ondes ou, dans la mesure du possible, par les vaisseaux spatiaux). C’est chaque colonie qui tiendra le sol sur lequel il faudra se poser quand on les visitera, et c’est cette colonie qui disposera des équipements pour permettre au visiteur de survivre, ou simplement repartir et du nombre d’habitants suffisant pour éventuellement résister avec succès à la volonté de contraindre des quelques passagers d’un vaisseau spatial. Les visiteurs devront recourir aux locaux pour tout se procurer, les ergols pour repartir dans l’espace, ou la nourriture pour survivre pendant les longs mois du voyage, les outils et matériaux pour réparer les avaries des vaisseaux, comme jadis on devait recalfater les navires dans un port lointain avant d’entreprendre le voyage de retour.

En s’installant sur Mars, les Hommes deviendront donc non seulement une espèce multiplanétaire mais aussi une espèce multipolaire, avec des centres de décisions forcément indépendants fonctionnellement les uns des autres, comme l’étaient les pays terrestres avant l’accélération du développement des technologies de communication et de transport, ces dernières années. Après la mondialisation du commerce sur Terre, qui a disséminé les productions en différents pays au bénéfice d’une consommation de plus en plus uniformisée, ces nouvelles contraintes géographiques renforceront l’autonomie et la liberté des différentes colonies.

Mais ces colonies, comme jadis les cités grecques tout autour de la mer Méditerranée, auront quelque chose en commun, la langue. Non pas l’anglais ou le chinois, car des traducteurs de plus en plus efficaces seront utilisés. Mais l’informatique, donc les logiciels et les datacenters, car ce sont eux qui permettront de communiquer et de donner le sentiment d’appartenir à un même monde aussi éloigné soit-on de la Terre et des autres. Et grâce à cette communauté de langue, l’information circulera malgré le décalage de temps, et les échanges fleuriront.

La démonstration faite par la possibilité de vie sur Mars aura bien été le déclencheur d’une révolution copernicienne. La Terre ne sera plus le centre du monde et l’Homme ne sera plus jamais confiné dans son berceau.

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  • L’intérêt d’aller sur Mars est de pouvoir s’éloigner des problèmes terrestres. Mais il n’est pas exclus qu’on les y exporte…

  • La vraie (R)évolution c’est de pouvoir satelliser en orbite basse 200 tonnes plusieurs fois par semaine. A partir de là tout est possible… même la science fiction.

    • Non, la vraie révolution ce serait/sera la démonstration que le Starship peut voler et être réapprovisionné en ergols en orbite.
      .
      Mettre 150 tonnes en orbite basse terrestre quatre fois tous les 26 mois (cycle circadien permettant la réouverture de la fenêtre de tirs vers Mars), serait/sera suffisant pour commencer à installer une base habitée sur Mars. On verra après.

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