Non, les niches fiscales ne sont pas des dépenses publiques !

L’existence en France de niches fiscales est la conséquence inévitable d’une imposition devenue trop élevée.

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Non, les niches fiscales ne sont pas des dépenses publiques !

Publié le 17 juillet 2023
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Par Victor Fouquet.
Un article de l’IREF France

Dans l’une de ses neuf notes thématiques publiées le 7 juillet, intitulée « Piloter et évaluer les dépenses fiscales » et s’insérant plus globalement dans sa « Contribution à la revue des dépenses publiques », la Cour des comptes invite le gouvernement à s’attaquer aux dépenses fiscales (ou « niches fiscales »).

 

Il faut dire que les griefs à l’encontre de ces mesures fiscales dérogatoires sont nombreux et souvent légitimes : efficacité douteuse, complexité des dispositifs, instabilité chronique, altération du système d’imposition et perte de recettes fiscales (la Cour rappelle que le coût des 465 niches recensées dans le PLF pour 2023, lui-même difficile à appréhender correctement compte tenu des phénomènes ici aussi prégnants d’incidence et de répercussion fiscales, est évalué à 94,2 milliards d’euros), mais aussi coûts de gestion administrative, érosion du principe d’égalité devant l’impôt, etc.

Figure centrale de la science fiscale moderne, le professeur Henry Laufenburger assénait dans sa Théorie économique et psychologique des finances publiques :

« Le conformisme classique de l’universalité de l’imposition est la base même de finances saines qui soutiennent l’économie et la monnaie. Du moment que, par faiblesse ou pour des motifs démagogiques, le gouvernement s’engage sur la pente glissante des exceptions à la règle sous forme de rétrécissement de l’assiette, de différenciation des taux, de détaxations ou dégrèvements, de remboursements de certains impôts, il mitraille son système fiscal, il obscurcit la vision de son rendement, il impose à l’administration un effort surhumain pour s’y retrouver, au contribuable des frais supplémentaires d’employés ou de conseils fiscaux dont la mission sera de le sortir – si possible – du labyrinthe. Les régimes d’exception compliquent la manifestation de l’impôt, encouragent la fraude puisque les contribuables cent pour cent cherchent à s’aligner sur les contribuables privilégiés. L’ordre fiscal dégénère en désordre, le système fiscal devient un monstre qui finit par se dévorer lui-même. »

Il serait cependant injuste d’imputer ce désordre au seul gouvernement, les groupes d’intérêts privés étant eux-mêmes incités à utiliser la fiscalité comme un instrument d’externalisation des coûts de l’impôt sur les citoyens non organisés, et l’étant d’autant plus fortement que le niveau de pression fiscale est élevé.

 

Car voilà bien le nœud : l’existence en France de niches fiscales pléthoriques apparaît d’abord comme la contrepartie à des taux nominaux élevés, finalement destinée à faire baisser la charge fiscale réellement supportée par les contribuables. S’il est certes souhaitable, l’inventaire des dépenses fiscales qu’appellent de leurs vœux les magistrats de la rue Cambon ne peut donc être dissocié de la question pendante de la diminution des taux d’imposition des différents impôts concernés. Il faut le dire et le répéter : on ne baisse pas la dépense publique en s’attaquant aux niches fiscales ; et, sauf à baisser symétriquement les taux, on augmente les impôts !

Rappelons que, si l’utilisation de l’impôt à fins interventionnistes, dans un but économique ou social et en tous les cas extra-financières, est ancienne, la notion et la dénomination de « dépense fiscale » n’ont été introduites qu’assez récemment dans les documents budgétaires officiels, suivant les recommandations formulées en 1979 par le Conseil des impôts devenu depuis Conseil des prélèvements obligatoires.

Décalquée de l’expression tax expenditures forgée aux États-Unis en 1967 par Stanley S. Surrey, professeur de droit à l’Université de Harvard avant de devenir secrétaire adjoint au Trésor pour la politique fiscale, l’expression française « dépenses fiscales » est alors présentée « comme le symétrique de l’expression « dépenses budgétaires » et comme le négatif de l’expression « recette fiscales », et employée plus exactement pour qualifier les « renonciations à des recettes par application de mesures fiscales à caractère dérogatoire ».

La Cour des comptes ne dit pas autre chose dans ladite note thématique, lorsqu’elle juge « nécessaire de considérer les dépenses fiscales comme des dépenses budgétaires ordinaires ».

Or, en utilisant l’expression de « dépenses fiscales » pour désigner, ni plus ni moins, les recettes qu’elle daigne ne pas prélever, l’administration fiscale française trahit un certain mépris de la propriété privée. Elle semble en effet considérer qu’il n’y a de richesse que collective, comme si l’État pouvait disposer à son gré des revenus et des patrimoines privés…

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  • Là où on atteint le ridicule dans les niches fiscales, c’est quand il s’agit de pousser les contribuables (personnes physiques ou morales) à faire des dépenses qu’il ne ferait pas sur simple analyse économique, donc pousse l’économie vers de plus en plus d’inefficacité

  • Et si on simplifiait tout cela. Ne garder que la TVA comme impôt. Cela ne toucherait que la destruction de richesses par la consommation et non l’investissement donc cela favorise la croissance. Cela ne dissuade pas le travail car la dernière heure travaillée rapporte alors autant, impôts déduits, que la première. Cela permet de supprimer des armées de fonctionnaires fiscaux. Cela évite à l’investisseur de toujours se demander si des modifications imprévues de fiscalité ne vont pas rendre déficitaire ce qui aurait du être bénéficiaire.
    Et si l’on tient à donner un coup de pouce aux plus pauvres, un taux plus faible pour les produits les plus indispensables est une bien meilleure solution que l’usine à gaz de la progressivité des impôts sur le revenu.

    • L’impôt n’est pas une mauvaise chose en soit. Le truc, c’est qu’il devrait être en effet proportionnel et relativement bas (genre 10-15%) et surtout payé par TOUT travailleur…

    • Mais où va-t on si les fonctionnaires ne fonctionnent plus?
      Leur faire creuser un trou puis leur faire reboucher?
      Ils ne vont pas aimer!

      • Et pourtant, creuser des trous (financiers) sans jamais les reboucher, ils le font avec brio, à croire qu’ils aiment ça! Evidemment si vous leur faites creuser des trous pour mettre une pierre tombale dessus ça ne leur plaira pas c’est sûr!

  • Dans la mesure où l’État s’arroge le monopole de la violence légale, la notion même de propriété privée est vide de sens. Nous ne sommes que locataires de ce que nous croyons posséder.

  • Alors qu’il serait si simple de parler de recettes fiscales négatives…

  • En adoptant ce genre de rhétorique, ces politiciens préparent la confrontation entre les riches et les pauvres, en bloquant de futures réformes par manque de consensus.
    Adopter ce langage est très mauvais pour la démocratie.

    Cette élite auto-proclamée est toxique pour le pays.

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