La diabolisation du RN ne fonctionne plus

Le fameux cordon sanitaire contre le Rassemblement national n’en finit plus de s’effriter. Plutôt qu’une condamnation morale inefficace, il faut plutôt s’attaquer à son programme politique.

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La diabolisation du RN ne fonctionne plus

Publié le 14 juin 2023
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En juin 2022, le Rassemblement national a fait entrer 88 députés à l’Assemblée nationale alors même que les règles du scrutin majoritaire à deux tours ne lui étaient pas favorables.

Ce succès a confirmé l’avancée de Marine Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles avec un score qui a progressé de plus de 2,6 millions de voix quand Emmanuel Macron perdait plus de deux millions de suffrages. Ce que la candidate du Rassemblement national a qualifié d’« éclatante victoire » n’en a pas moins été un échec. Pour éviter une nouvelle défaite en 2027, le parti qu’elle incarne doit absolument sortir de son isolement en devenant l’artisan et le principal bénéficiaire d’une recomposition de toutes les forces situées à droite de l’échiquier politique à un moment ou LR est en position de grande faiblesse.

 

L’érosion du cordon sanitaire

La tâche n’est pas insurmontable, mais n’a rien d’évident tant les autres composantes d’une éventuelle union des droites sont fragmentées et divisées.

Pour y parvenir, le parti mène depuis des années une entreprise de dédiabolisation qui n’est pas arrivée à son terme dans la mesure où le cordon sanitaire qui en fait un paria tient toujours. Vieux de 37 ans, il a été mis en place en 1986 alors que grâce au scrutin proportionnel institué par François Mitterrand, le Front national avait obtenu 35 sièges de députés et pu constituer un groupe parlementaire

Comme l’écrit Jean-Marie Le Pen dans le tome 2 de ses mémoires :

« Chirac réagit aussitôt. Il lança contre notre remarquable équipe, que la géographie de l’Assemblée plaçait à l’extrême droite du président de séance, la consigne de l’isoler par un cordon sanitaire […] Les députés de sa majorité ne devaient ni voter les textes que nous proposerions ni nous adresser la parole » .

Depuis bientôt 4 décennies, le cordon a tenu, mais il est de plus en plus fragile. Le parti LR, qui autrefois structurait la droite et une partie du centre, est en perte drastique d’influence et nombre de ses responsables sont de plus en plus réceptifs à un projet global de recomposition du paysage politique. Face à cette « montée des périls » les attaques redoublent mais sont mal ciblées, empruntant toujours les deux mêmes voies rebattues de la morale et du droit.

 

Les impasses de la voie judiciaire

Le tribunal médiatique siège en permanence, mais s’épuise à déterrer des affaires à porter en justice pour détériorer l’image du Rassemblement.

Depuis 2014, les enquêtes visant le Front national puis le Rassemblement national se sont multipliées. Celle ouverte en 2014 portait sur le financement des campagnes pour les législatives et la présidentielle de 2012. La dernière affaire en date repose sur un rapport de l’Office anti-fraude de l’Union européenne. Transmis en mars 2023 à la justice française, il accuse la candidate du Rassemblement national d’avoir personnellement détourné près de 140 000 euros d’argent public du Parlement de Strasbourg quand elle était eurodéputée.

Mais qu’il s’agisse de financement de campagnes, d’éventuels subsides de la Russie, de suspicion d’emplois fictifs ou d’accusations de détournement de fonds, force est de constater qu’aucune des casseroles accrochées aux basques de ceux qui incarnent le Rassemblement national n’a freiné l’ascension du parti sur la scène politique.

Pour consolider la digue qui se fissure, reste le recours aux arguments moraux dont on peut renforcer l’impact en les associant aux procès en malhonnêteté.

 

Les limites du « reductio ad hitlerum » 

C’est tout le sens du dernier assaut qui mêle procès en sorcellerie fasciste et accusations de tripatouillages financiers.

Le 6 mai dernier, deux proches de Marine Le Pen, jouant ou ayant joué un rôle important dans la communication et le financement de la galaxie Rassemblement national ont été accusés, l’un d’avoir soutenu, et l’autre d’avoir participé à un défilé commémorant la mort d’un militant nationaliste survenue en 1994 en marge d’une manifestation organisée par le GUD.

Comme l’a rappelé la préfecture de Paris, cette manifestation était autorisée et, comme les précédentes, elle s’est déroulée sans incident. Il n’en reste pas moins que comme le relève le journal Le Monde, les deux personnes mises à l’index sont ou étaient liées au Rassemblement national par le biais d’e-politic, une entreprise de communication dont ils sont actionnaires, mais aussi par des contrats d’impression signés au niveau européen avec Unanime une entreprise fondée par la femme de l’un d’eux. L’article doit toutefois reconnaitre que ces contrats multiples « n’ont rien d’illégal ».

Dans ces conditions, il était facile aux responsables du Rassemblement national de répondre à cette offensive, et de s’appuyer sur elle pour franchir une étape supplémentaire du processus de dédiabolisation.

 

Le retour de bâton

Marine Le Pen a eu beau jeu de répondre que « les gens qui sont des prestataires ou l’ont été, et qui s’exposent dans des manifestations qui portent des idées radicalement différentes de celles du Rassemblement national, doivent s’attendre à en tirer les conséquences, du moins à ce que le Rassemblement national en tire. ».

Ce que confirme Jordan Bardella (« On ne peut pas être proche du Rassemblement national quand on milite derrière des croix celtiques ») en ajoutant sur France Info : « Si on en est là c’est que vous n’avez plus grand chose à nous reprocher ».

La réductio ad hitlerum, ce procédé rhétorique consistant à disqualifier les arguments d’un adversaire en les associant à Adolf Hitler, est devenu contre-productif. Les ennemis du Rassemblement national s’épuisent désormais en arguties juridiques qui ne font plus mouche en se demandant gravement si les manifestants du 6 mai avaient bien le droit de défiler masqués.

Quand Emmanuel Macron assure en conseil des ministres que « Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux », il a raison. C’est bien par ses incohérences qu’il faut décrédibiliser le Rassemblement national.

 

Le problème, c’est le programme

Or d’incohérences, le programme de ce parti n’en manque pas.

C’est bien en s’appuyant sur elles qu’on devrait l’affronter, ce que les organisations de gauche ne sont pas en mesure de faire, car le projet du Rassemblement national est sur bien des points très similaire à celui de LFI. Pour se dédiaboliser et devenir un parti attrape-tout, le Rassemblement national a de fait remis en musique les marottes égalitaristes de la gauche la plus obtuse. Dans les deux cas, il s’agit de projets profondément antilibéraux qui sacrifient allègrement toutes les libertés économiques restantes.

En 2017, le projet présidentiel de madame Le Pen conspuait l’UE et se débarrassait de l’euro.

En 2022, le Rassemblement national conspue toujours l’UE, mais il n’est plus question d’en sortir.

Quant à l’euro, on le garde en le chargeant de tous les maux. De telles positions sont intenables. Pour ce qui est des dépenses publiques, on envisage sérieusement de charger plus encore une barque financière qui prend l’eau de toutes parts, ce qui est le plus sûr moyen de la faire couler. Autre aberration au regard des évolutions démographiques : revenir sur le report de l’âge légal de départ en retraite condamnerait à la faillite un système par répartition que par ailleurs on prétend sauver.

Comment peut-on encore soutenir des programmes de ce type au vu de la situation calamiteuse de l’économie française, plombée par une dette publique abyssale (près de 3000 milliards d’euros en 2022), un déficit budgétaire sans précédent en temps de paix et une balance commerciale dont le solde a plongé à -164 milliards d’euros l’année dernière ?

Ce n’est explicable que par la profonde inculture économique de la majorité de nos concitoyens.

Il faut répondre à l’angoisse du déclassement que ressentent un grand nombre de Français. Mais on ne peut plus le faire par le recours à l’argent magique, les finances publiques étant à sec. Il faut donc explorer une autre voie réhabilitant l’esprit d’initiative, l’esprit d’entreprise et la créativité individuelle, autrement dit recourir enfin à des solutions libérales.

Madame Le Pen nous montre une lune et nous regardons le doigt pour savoir s’il se situe ou non dans le prolongement d’un bras bien tendu. Il est temps d’ouvrir les yeux et de réaliser que cette lune n’est qu’un miroir aux alouettes.

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  • Pourquoi diables les LR feraient ils alliance avec le RN ? Qu’est ce qui les rapproche à part ce classement du RN à l’extrême droite qui est quasi vide de sens ?

  • « Ce n’est explicable que par la profonde inculture économique de la majorité de nos concitoyens »
    Autrement dit, les français sont tous des c**s. Quelle condescendance ! Sauf qu’ils voient très bien ce qu’il reste dans leur portefeuille à la fin du mois, les revenus des professions intermédiaires stagnent et se précarisent, et ceux là n’ont pas forcément le capital financier et culturel pour devenir des « entrepreneurs créatifs innovants ». Étant méprisés par la droite pour qui seul le vote des retraités et des cadres indépendants compte, faut pas s’étonner de voir le RN et LFI capter le vote du reste des actifs.

  • Le RN est toujours autant diabolisé. Mais c’est surtout au moment des élections que ca se remarque. Aucun autre parti ne fait alliance avec lui et c’est même le contraire.

    Quant au programme on peut toujours en discuter mais il n’est pas pire que les autres et bien évidemment l’histoire montre qu’il y a un gap ilmportant entre les promesses et les discours des politiciens et leur réalisation. En somme on reproche au RN d’etre fidele à ses idées alors que les républicains et socialistes ne l’ont jamais été.

  • « il faut plutôt s’attaquer à son programme politique ». C’est essentiellement impossible car, bien qu’il soit très mauvais, il n’est pas pire que celui des autres. Et en fait il est même très proche de celui de LFI. Parler de son programme, ce serait le rapprocher de celui de la gauche, celui du bien donc.
    L’affaire du cordon sanitaire de Chirac montre bien l’aspect sectaire de la politique. Cela n’a rien avoir avec le programme ni les propositions, mais l’ascendance.
    Le seul argument utilisable par les politiciens est l’équation Le Pen=Hitler. Il ne peuvent pas faire autre chose sans montrer leur propre vacuité. Si qqn d’autre qu’un Le Pen se présente, je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher d’accéder à la présidence: LFI+RN ont la majorité, un report quasi total des voix devient alors possible…

  • On prétendait jadis que pour contrer le FN, il existait trois voies. On pouvait l’interdire ou l’ostraciser, discuter point par point avec lui, ou le laisser s’installer au pouvoir.
    Le but était identique : le mettre en échec.
    Ce n’est pas un franc succès !
    Sans doute parce que sur certains points, son constat et son programme plaisent aux Français. Il serait temps d’ouvrir une quatrième voie : leur couper l’herbe sous le pied en appliquant une partie de leurs propositions. Sinon, dans quelques années, il se passera au niveau national ce qu’il s’est passé à Perpignan, Béziers, Fréjus, Henin-Beaumont…

  • tous étatistes sur tout le spectre politique, tout simplement.

  • Diaboliser le RN est contre-productif quand on n’a que cet argument à proposer pour se faire élire. Cela marche d’ailleurs de moins en moins comme cela a pu être constaté lors des dernières élections.

  • Les commentaires sont fermés.

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