L’inflation normative en France : un fléau croissant sous la présidence de Macron

La complexité croissante des normes françaises nuit aux entreprises et appelle à une simplification radicale.

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L’inflation normative en France : un fléau croissant sous la présidence de Macron

Publié le 11 juin 2023
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Inventer de nouvelles normes est un sport national. Selon les chiffres gouvernementaux qui viennent d’être publiés, 93 899 articles législatifs et 253 118 articles réglementaires étaient en vigueur au 1er janvier 2023, en hausse presque chaque année depuis 20 ans.

Au total, cela représente respectivement 14,1 millions et 31,1 millions de mots, soit 45,2 millions ! Si quelqu’un avait pour job de les compter manuellement, au rythme d’environ 1000 mots par heure, soit 35 000 mots par semaine de 35 heures, soit environ 1 645 000 mots par an, il mettrait 27 ans pour arriver au bout ; sauf qu’entretemps, des millions de nouveaux mots auraient probablement surgi…

À cela, il faudrait ajouter le poids des actes administratifs (circulaires et directives, en légère baisse ces derniers temps), des ordonnances (en hausse, 200 000 mots nouveaux en 2022), des principes généraux du droit (résiduel), du bloc de conventionnalité (pour le droit de l’UE voir-ci-dessous, pour les traités, ils sont en hausse mais leur poids reste modéré, étant en général déjà appliqués via la loi au moment de leur ratification) et enfin du bloc constitutionnel (résiduel mais ô combien important).

En tête des usines à gaz normatives, on trouve le Code du travail qui a fêté en 2022 son millionième mot, le Code de l’environnement (1,1 million) et le champion, le Code de la santé publique : 1,77 million de mots, 9 fois le nombre de mots du Code civil qui fait lui-même (jurisprudence comprise) déjà plus de 3000 pages.

 

Emmanuel Macron un auteur très publié… au Journal officiel

Une analyse de cette inflation normative à mi-mandat de son premier quinquennat montre que cette inflation normative n’est pas imputable à l’Europe.

En outre, les chiffres de 2019 suivaient la même tendance que nous retrouvons dans les chiffres d’aujourd’hui : les textes réglementaires et législatifs, codifiés ou non, gonflent presque tous les ans et sont en grande partie responsables de l’inflation normative française.

Voici deux graphiques du site du gouvernement (lien plus haut) :

Voici le tableau par quinquennat réalisé à partir de ces données :

Quinquennat Nombre net de nouveaux mots dans le droit législatif en vigueur (arrondi) Nombre net de nouveaux mots dans le droit réglementaire en vigueur (arrondi)
Chirac 2 (2002-2007) 1 800 000 2 900 000
Sarkozy 1 500 000 4 000 000
Hollande 2 400 000 3 000 000
Macron 1 (2017-2022) 2 300 000 3 300 000

Preuve, s’il en fallait encore, que tous les présidents récents ont mené des politiques alourdissant fortement la bureaucratie normative. On constate que Macron ne fait pas exception à la règle : plusieurs millions de mots supplémentaires sont apparus durant son premier quinquennat. D’ailleurs, ce ne sont pas moins de 83 000 pages qui ont été publiées au Journal officiel en 2021, un record absolu.

Plus précisément, sur la législation codifiée, voici le tableau de l’évolution nette du nombre de mots (arrondi) dans certains codes et par quinquennat :

Quinquennat Code civil Code de la construction et de l’habitation Code de l’urbanisme Code du travail Code général des impôts Code de la santé publique Code de l’environnement
Chirac 2 (2002-2007)  14 000    111 000     28 000   66 000  199 000 505000 203000
Sarkozy  11 000      80 000       8000  -23 000  108 000 218000 404000
Hollande    8000    112 000     19 000  153 000   60 000 164000 165000
Macron 1 (2017-2022)  11 000    101 000     35 000  100 000   43 000 245000 177000

On remarque qu’Emmanuel Macron a poursuivi l’inflation normative de ses prédécesseurs dans tous ces codes, avec quelques mentions spéciales : le Code de la construction et de l’habitation, alors que la crise du logement neuf atteint son paroxysme ; les Codes de l’urbanisme et de l’environnement dont l’inflation actuelle est essentiellement liée à l’obsession du réchauffement climatique, alors même que la France n’est responsable que pour une très faible part des émissions de GES dans le monde.

« Nous vivons un nouveau paradoxe : alors que la crise [du logement neuf] s’installe durablement, nous assistons parallèlement à un empilement de contraintes administratives et à une surenchère normative, alors même que nos logements neufs sont déjà les plus performants d’Europe » explique le patron de la Fédération des promoteurs immobiliers, Pascal Boulanger, pour BFM.

 

En Allemagne, il existe un organisme chargé de la simplification normative !

Cette inflation est à comparer à ce qui se passe dans d’autres pays.

En Allemagne, par exemple, il existe un organisme spécialement chargé de la simplification au niveau fédéral : le Normenkontrollrat, avec pour résultat une baisse de 25 % du nombre de normes pour les entreprises.

Aux Pays-Bas, une politique de simplification a été menée à partir de 2010. Pareil en Suède depuis 2011.

Avec les mêmes effets à chaque fois : diminution des coûts et de la pression normative pour les entreprises, diminution annuelle des coûts administratifs, amélioration de la lisibilité des textes en vigueur…

En France, des alertes sonnent régulièrement : rapports du Sénat, de la Cour des comptes, articles dans les médias, mais elles ne suscitent guère de réactions. Les Français élisent toujours et encore des bureaucrates dont l’appétit pour les normes semble sans limites.

Le haut fonctionnaire Christophe Eoche-Duval écrit dans Le Monde :

« Plutôt que de perpétuer l’inflation normative, la France gagnerait à mieux appliquer les textes existants. »

Pour inverser la tendance, on pourrait également s’inspirer de l’analyse récente de Dorothée Belle et d’Audrey Frut Gautier qui proposent des pistes de simplifications pour en finir avec cet excès de normes.

Mettre fin à cette inflation normative est un projet qui mérite mieux que des déclarations d’intention. Cette lutte est essentielle pour retrouver notre liberté, notre dignité mais aussi notre efficacité, car dans leur immense majorité, ces normes sont contre-productives.

Ainsi que le note Nicolas Lecaussin :

« Le poids de l’État et des administrations est devenu insoutenable et il serait bon de suivre ces exemples en réduisant drastiquement toutes les réglementations qui pèsent sur les entreprises. Leur donner de l’air ce n’est pas seulement baisser les impôts et les charges, mais aussi supprimer des milliers de réglementations. »

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  • Les bureaucrates sont majoritaires à l’assemblée et au gouvernement et ils font ce qu’ils savent faire : taper à la machine à écrire. Elle s’emballe pendant que personne ne veille à l’application de ces textes parfois contradictoires et que personne n’agit pour résoudre les difficultés de plus en plus criantes de nos services publics. Non seulement notre gouvernance totalement déconnectée de la réalité ne sait pas gérer l’État, mais elle se mêle de gérer le privé : entreprises, écoles, individus, tout y passe avec des bases constitutionnelles discutables, car l’État excède son champ de compétences en voulant tout régenter. Prenons garde à ce changement de régime d’interventionnisme autoritaire qui menace désormais notre démocratie et nos libertés !

  • « L’inflation normative en France : un fléau croissant sous la présidence de Macron »
    Oui, sans nul doute, mais pas que! Souvenons nous de Sarkosy: un fait divers= une loi, et les précédents, bien que plus timorés, n’étaient pas en reste non plus.
    Et tout le monde a trouvé normal que cette « diarrhée législative » ( le terme n’est pas de moi) n’entraîne aucun contrôle de la pertinence de ces lois et de leur application effective dans le monde réel!
    Il faut supprimer toutes les lois inapplicables et inappliquées, et revenir aux règles de base, et interdire aux élus de jouer avec les lois, ça serait déjà un bon début!

  • Mais que deviendront nos 7.000 énarques en poste et les nouveaux arrivants chaque année et les 5.700.000 fonctionnaires si on les prive de leur outil normatif pour nous apprendre comment faire ce que nous faisons ?

    • Et que feraient nos députés s’ils ne créaient plus de lois et normes à voter ?
      Mais je suis d’accord avec l’auteur de l’article, créons une loi de simplification des normes, embauchons 1000 fonctionnaires (dans un premier temps), 1 triumvirat de directeurs (députés non réélus ou ministres virés) avec voitures de fonction et 300 chefs de service. Pour être efficace,c’est bien connu,un service de l’état doit être bien doté. Le job de cette machine à simplification sera de proposer des lois de simplification au Parlement !

      • Nul doute que c’est comme ça que ça se passera, mais on pourrait aussi conditionner le maintien du traitement et de la retraite d’un certain nombre de fonctionnaires à la suppression d’un nombre donné de textes.

  • Tout à fait d’accord, mais je rajoute il y a une pression de l’opinion publique dans ce sens. Le Monde, par exemple, multiplie les demandes de réglementation dès qu’il y a un problème. Quant à l’homme de la rue, il dit souvent : « ça devrait être interdit » ou « il faudrait réglementer ça ». Et, quand on voit une nouvelle loi, c’est à la demande de quelqu’un, et parce que ça semble être une bonne idée. Donc le mécanisme est inévitable, et d’autant plus que le numérique permet de répondre à des demandes de plus en plus compliquées. La solution serait effectivement de faire comme nous voisins : un organe permanent chargé de refondre, une fois l’urgence passée. Ou dire que tout texte n’est valable que trois ans par exemple

    • monsieur Montenay, le journal « Le Monde » n’est pas l’opinion publique, mais celle de ses propriétaires, qui vont dans le sens de l’Administration qui les paie : donc « Le Monde » ne peut que flatter les bureaucrates et pousse à l’inflation normative.
      Il n’y a donc pas de pression de l’pinion publique en la matière, mais pression des médias monopolistiques et non libres, qui ne sont que la courroie de transmission des Administrations et des Politiques.

      • j’ajouterai que les fonctionnaires eux-mêmes n’arrivent plus à travailler avec cette inflation normative : les administrations ont du mal à recruter et à fidéliser (Education nationale, armées…).

    • « Tout à fait d’accord, mais je rajoute il y a une pression de l’opinion publique dans ce sens. Le Monde, par exemple, multiplie les demandes de réglementation dès qu’il y a un problème »
      Je suis toujours extrêmement dubitatif quand on me sort ce genre d’argument, laissant croire d’une part que « l’opinion publique » est un groupe homogène et cohérent dans ses attentes vis à vis de ses gouvernants, et d’autre part que la presse ( Le Monde me semble un mauvais exemple) ait un rôle majeur d’influenceur traduisant pour le grand public les aspirations de cette prétendue opinion publique. Vous savez très bien que les micro-trottoirs interrogeant « l’homme de la rue » sont toujours biaisés et que les questions sont tournées en fonction de la réponse que l’on attend.
      Mais d’accord avec vous sur la limitation de la durée de validité d’un texte de loi voté dans l’urgence.

  • Un fonctionnaire n’est ni payé à la tâche, ni à la réussite de sa mission. Tout au plus à sa potentielle capacité de faire ses heures de présence. Vous avez des idées révolutionnaires !

  • Quand on pense que la presse bien pensante nous serine à longueur de journées que Macron est libéral….

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