Essonne : la triste déliquescence d’un département qui mériterait mieux

Malgré ses atouts économiques indéniables, la pauvreté, l’insécurité et la corruption politique entravent le développement de l’Essonne.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 3

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Essonne : la triste déliquescence d’un département qui mériterait mieux

Publié le 5 juin 2023
- A +

Au sud de Paris, le département de l’Essonne fait rarement parler de lui dans les médias, sinon dans les rubriques Faits divers et Justice. La faute aux affaires visant les élus – de tous bords – et à une politique de la ville malheureuse. Pourtant, avec une meilleure gestion, le département pourrait se départir de ses freins.

Évry-Courcouronnes, Corbeil-Essonnes, Massy, Savigny-sur-Orge, Viry-Châtillon, Grigny, Étampes, Boissy-le-Sec… Les « grandes » villes de l’Essonne ne font pas rêver.

Pourtant, à en croire le conseil départemental, l’Essonne a des atouts dans sa poche :

« Avec 437 607 emplois et 62 476 entreprises, l’Essonne est un territoire dynamique du sud francilien, bénéficiant d’un tissu économique diversifié. Les activités de commerce et de services – notamment le fret, la logistique et la construction – concentrent plus de 82 % des emplois et 80 % des entreprises. L’Essonne accueille de nombreuses PME, de grandes entreprises (Alcatel-Lucent, Safran/SNECMA, Renault, Carrefour, Sanofi Aventis, Thalès, Danone, Arianespace…) et d’importants organismes de recherche (CEA, CNRS…). »

Alors, qu’est-ce qui cloche ?

 

Grigny, symbole de la pauvreté en France

La réalité du terrain éclipse vite les données macroéconomiques avancées par le conseil départemental.

Surtout parce que l’Essonne compte plusieurs villes parmi les plus pauvres de France, à commencer par Grigny, en tête du classement national. Selon l’Observatoire des inégalités, 44 % de la population de Grigny vivent sous le seuil de pauvreté, 3999 ménages vivraient même avec un revenu mensuel inférieur à 655 euros. Derrière Grigny suivent Corbeil-Essonnes (27 %), Évry-Courcouronnes (24 %) et Ris-Orangis (23 %).

La situation catastrophique de ces villes périphériques ne semble pas trouver d’issue : avec un taux de chômage (9 %) au-dessus de la moyenne nationale, les problèmes s’accumulent dans ces zones urbaines.

À commencer par l’insécurité et la délinquance, dont les chiffres sont en hausse.

À Grigny, les forces de police et de gendarmerie ont enregistré 1459 crimes et délits en 2022 contre 1205 en 2021, soit une hausse de 21,1 % en un an. L’origine du mal est connu : la politique d’urbanisation catastrophique des années 1960-1970 a laissé en héritage des barres de HLM, de « grands ensembles devenus des machines à misère » comme les nomme un excellent reportage de France Culture.

À Grigny, Philippe Rio, le maire actuel (PCF), fait de son mieux pour trouver des solutions, à commencer par réduire la fracture numérique de sa commune.

Car pour chercher un emploi, il faut passer par Internet :

« Des médiateurs numériques vont être mis à disposition dans différentes instances de la ville pour pouvoir accompagner celles et ceux qui ont des difficultés avec le numérique. C’est une remise en cause de nos partenaires publics, nous devons faire plus d’humain pour mieux les accompagner et gagner en autonomie. »

Mais tout le monde le sait : la route du redressement sera longue, tant les élus locaux, à commencer par les maires, se sentent abandonnés des plus hautes sphères de l’État.

 

Petites brouilles entre amis

En effet, le problème pour ces maires, c’est qu’ils ne peuvent pas compter sur l’État et sur leurs représentants au Sénat.

Les prochaines élections sénatoriales donnent un bon aperçu de cette baronnie qu’est devenu le département de l’Essonne pour les figures politiques locales. La constitution des listes électorales en est le meilleur exemple. Autrefois alliés, la droite et le centre partent cette fois plus divisés que jamais. Deux listes Les Républicains (LR) et une liste Union des démocrates indépendants (UDI) s’engagent donc dans la bataille : Jean-Raymond Hugonet (apparenté LR) et Laure Darcos (LR) n’ont pas réussi à accorder leurs violons, tandis que l’inoxydable Vincent Delahaye (UDI) est reparti pour un tour, avec Jocelyne Guidez en nº2 sur sa liste.

Pourtant, les ténors de la droite et du centre du département avaient appelé à l’unité. François Durovray (président du conseil départemental, LR), Jean-Philippe Dugoin-Clément (vice-président de la région Île-de-France, UDI), Jean-Marie Vilain (maire de Viry-Châtillon, centriste) ou encore Sophie Rigaut (maire de Saint-Michel-sur-Orge, LR) soutenaient une candidature commune. Ils n’ont pas été écoutés, la guerre d’egos a dicté sa loi. Les « barons » ne comptent pas passer à la trappe, à commencer par Vincent Delahaye, conseiller général en 1992, maire de Massy entre 1995 et 2017, sénateur depuis 2011. Ce professionnel de la profession compte donc bien rempiler au Palais du Luxembourg.

Pour lui comme pour d’autres, les ambitions personnelles semblent plus importantes que le souci de l’intérêt des collectivités qu’ils sont censés représenter. Dans les coulisses du Sénat, le sort de l’Essonne est aujourd’hui résumé par des petites phrases bien senties : « Ça va être une vraie boucherie », « Une partie de poker menteur »… Dommage, les Essonniens auraient vraiment besoin d’autre chose.

 

Le clientélisme comme pratique politique

Après les petites brouilles entre amis, voici les petits arrangements entre amis. Et là aussi, le département compte quelques exemples notoires.

Évidemment, le plus connu de tous concerne Corbeil-Essonnes, fief du « système Dassault ». Le 17 mai 2022 a sonné le glas du système clientéliste le plus extravagant de l’Île-de-France.

Serge Dassault, ancien maire, et plusieurs membres de son entourage ont finalement été condamnés par la Cour d’appel de Paris à plusieurs mois de prison avec sursis et surtout à cinq années d’inéligibilité. Achats de voix, complaisance avec les associations communautaristes… le système mis en place ne reculait devant rien. En 1995, après la réélection de Serge Dassault à la mairie avec 170 voix d’avance, son adversaire malheureux Bruno Piriou (PCF) avait déposé un recours devant le Conseil d’État : « M. Dassault a usé de sa fortune personnelle pour faire pression sur les électeurs, n’hésitant pas à leur remettre des sommes d’argent afin de les influencer. »

Il aura fallu plus de 25 ans pour faire tomber la forteresse.

Le cas de Corbeil-Essonnes a jeté le discrédit sur les maires du département. Ces dix dernières années, plusieurs pratiques municipales ont été mises en cause, ou du moins placées sous le sceau du soupçon.

À Bouray-sur-Juine, en 2014, l’ancienne maire et sénatrice PS Claire-Lise Campion avait alors été questionnée sur l’utilisation faite de sa « réserve parlementaire », destinée à financer des projets de son choix.

La même année, à Massy, les élections municipales avaient laissé un goût amer à la candidate PS défaite au second tour, Hella Kribi-Romdhane : « Il faut relativiser le score de 67 % de Vincent Delahaye. Il n’est possible que parce que les électeurs ne se sont pas déplacés (44 % d’abstention). Et puis il y a le rejet de la politique gouvernementale et un système de clientélisme que monsieur le maire a mis en place à Massy ».

Dans les journaux de la région, les affaires et les accusations pour clientélisme sont devenues monnaie courante.

Le bilan des 30 dernières années n’est donc pas glorieux pour les grandes figures du 91. Le renouveau du paysage de l’Essonne ne se fera que par les urnes. Car le département compte – à droite comme à gauche – de nouvelles figures montantes qui ne rêvent que de briser les systèmes en place, pour remettre les citoyens au centre du jeu. Tous espèrent que l’époque de la « politique à la papa » soit bientôt révolue.

Rendez-vous donc en 2026 pour les prochaines municipales, et en 2028 pour les prochaines élections départementales.

Voir les commentaires (8)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • Nord ou sud de Paris, c’est du pareil au même tout vire au cauchemar comme dans de nombreux autres départements, il n’y a que Macron, Borne, Darmanin et consorts qui vivent dans une quiétude pleine de béatitude remplie de fric

  • Pourtant la solution est simple. Tous les socialistes, communistes, écologistes, LFIstes la connaissent : l’Immigration est notre richesse ! En voyons donc tous les migrants de Paris dans ce département et il va aussitôt devenir riche.
    Afin d’assurer sa réélection, un élu de gauche se doit de créer ou d’amener des pauvres pour qu’ils soient majoritaires dans son fief (ville, région, pays). L’Essonne ne fait pas exception à la règle.

    • Je serais très heureux qu’en Essonne, LR et UDI qui ont sans arrêt collaboré avec la gauche au sein de l’UMPS prennent une raclée électorale monumentale sans pouvoir se relever pendant au moins un siècle ! Ils n’on pas honte, ces partis politiques, de présenter encore des candidats à des élections de toutes sortes et de tous niveaux ?

  • « Avec 437 607 emplois et 62 476 entreprises,  » soit moyenne de 7 salariés ……par boite.
    Il y a une réflexion à mener pour savoir si un auto entrepreneur seul est un emploi indépendant ou une entreprise .Ne glorifions pas trop le nombre.
    Pour le symbole de la pauvreté pouvez vous éclairer sur qui peuple ces villes? Il y 40 ans déjà les populations se plaingnaient des difficultés dans les logements., c’est un peu général.
    Quant à la brouille entre amis politiciens .Les absenstionistes doivent se réveiller , il y a bien des candidtas si qui pourraient être soutenus par le biais des réseaux sociaux ou tv libres .
    Por enrayer la fin des baronnies ( droite et gauche)réfléchir à limiter le nombre de mandat à tous les élus des présidences et vices présidances de toutes ces instances .
    Il faur essayer , comment obtenir cette réforme qui sera refusée par ceux qui ont vérouillé le système
    Bon courage

  • limitons le nombre de mandats (2 max) pour favoriser le renouvellement du personnel politique.

  • Ayant vécu près de 30 ans en Essonne, j’ai vu ce merveilleux département que j’adorais tomber en loques. Il est aisé d’accuser la politique de construction d’immeubles que ce soit à Grigny ou ailleurs.
    Rappelons la vérité, Grigny la Grande Motte fut une des plus belles cités de France.
    J’ai eu des amis qui y avait acheté leur appartement, cher, comme tant d’autres. Et c’était un magnifique appartement. Malheureusement, dans ces cités furent imposée la mixité sociale, des appartements sociaux étant inclus dans chaque immeuble pour loger à des tarifs défiants toute concurrence des populations d’origine extra européennes (et non asiatiques), on en dira pas plus, c’est devenu interdit de dire les choses.
    La suite est simple, insécurité, violences, tapages, drogue et racisme anti blanc particulièrement difficile à vivre pour les enfants pris à partie. Les propriétaires ont vendu les uns après les autres. Les prix ont baissé dramatiquement. Mes amis ont revendu au milieu des années 1980, bien trop tard, à moins de la moitié du prix d’achat, et bien heureux de pouvoir vendre à des ressortissants d’une autre culture content d’acheter un bien bradé. Aujourd’hui Grigny est plus qu’un ghetto, c’est une terre étrangère.
    J’ai vécu brièvement à Courcouronnes mi 1980 quand c’était encore formidable, de beaux appartements vraiment luxueux loin des niche à chiens de Paris et un environnement fantastique : pistes cyclables, transports en commun, installations sportives, petits commerces de quartier et grandes surfaces, bref le paradis. Malheureusement mixité sociale imposée à Courcouronnes comme partout ailleurs et même destin pour cet ensemble immobilier qu’à Grigny. Je me suis sauvée, comme tout le monde. Ceux qui voulaient rester entre eux sont restés créant une nouvelle enclave de terre étrangère…
    J’ai ensuite acheté un pavillon dans une vieille rue d’une petite ville adorable et encore un tantinet rurale de l’Essonne. J’y ai passé 25 ans et que nous avons aimé cet endroit. Malheureusement les 10 dernières années, une nouvelle population s’est installée dans les logements sociaux dont on avait accéléré les programmes. Bis répétita…
    Et quand vous êtes une femme ces changements de population sont particulièrement opprimants. Vous apprenez à avoir peur et vous savez pourquoi et de qui. Vous savez qu’il est désormais exclu de prendre le RER à certaines heures, qu’il est devenu impensable de rentrer ou d’aller à pied à la gare quand la nuit est tombé, qu’il vaut mieux changer de trottoir quand vous voyez certaines bandes arriver en face, etc, etc, etc… Le pompon fut de ne pas être servie à la terrasse d’un café où je m’étais arrêté avec une amie. Deux femmes, non escortées d’un homme ne peuvent plus être servies dans certains cafés de bien des villes de banlieue où on ne sert plus d’alcool non plus, même si vous êtes un homme. Devinez pourquoi ?
    Nous avons vendu, pendant qu’il était encore possible de vendre à prix correct. Dans quelques années tout sera bradé également, appartements ou pavillons.
    La déliquescence de l’Essonne n’a rien à voir avec l’urbanisme, mais tout à voir avec le grand changement de population dont il est malvenu de parler, certains atteints de cécité nous expliquant même que ce changement de population serait un fantasme de droite.

    • @Xris tout à fait d’accord . L’urbanisme a bon dos (même si je ne suis pas fan de ce qui a été construit dans ces années 60-70) . Je vois aussi la faillite de l’Etat (sa corruption souvent) qui a refusé d assurer son rôle de chef régalien. Cette culture de l excuse couplé à un repentir permanent (signe le plus visible du clientélisme éhonté) qui l’empêche de donner la réponse tant attendue par les populations abandonnées : la sanction des délinquants , la politique du zéro tolérance méthode Giuliani . Il n’est pas facile de se débarrasser par les urnes d’un système mafieux qui procure tant de bénéfices à ceux qui mènent la danse .

    • C’est la nouvelle France socialiste. De beaux immigrés qui sont notre richesse et qui s’intègrent à merveille. Et si vous ne pouvez pas prendre le RER à certaines heures ou aller dans un café ou rentrer chez vous tard le soir, c’est parce que dans une certaine religion importée, vous devez être accompagné de votre mari, votre frère ou votre père pour sortir et avoir au minimum un voile sur la tête. Et puis, quelle idée de sortir de chez vous ! Une femme se doit de s’occuper de son foyer. À la limite, exceptionnellement, si vous mettez une burka comme en Afghanistan, vous avez le droit de sortir et je suis sûr qu’avec un tel accoutrement, personne ne vous agressera dans la rue.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Rainer Zitelmann, historien, sociologue et contributeur régulier pour Contrepoints propose une série de 8 articles autour de son livre In Defense of Capitalism qui vise à désarmer certains préjugés des pourfendeurs du capitalisme.

 

Les deux programmeurs informatiques américains Brian Acton et Jan Koum ont inventé WhatsApp et l'ont vendu à Facebook pour 19 milliards de dollars en 2014. Deux milliards de personnes dans le monde utilisent désormais WhatsApp pour envoyer non seulement des messages et des fichiers, mais aussi p... Poursuivre la lecture

Rainer Zitelmann, historien, sociologue et contributeur régulier pour Contrepoints propose une série de 8 articles autour de son livre In Defense of Capitalism qui vise à désarmer certains préjugés des pourfendeurs du capitalisme.

 

Avant l'apparition du capitalisme, la plupart des habitants de la planète étaient pris au piège de la pauvreté extrême. En 1820, par exemple, environ 90 % de la population mondiale vivait dans la pauvreté absolue. Aujourd'hui, ce chiffre est inférieur à 10 %. Et le plus remarquable, c'est qu'au ... Poursuivre la lecture

12
Sauvegarder cet article

C’est une fable russe de 1814 qui a donné lieu à l’expression éponyme en anglais « The elephant in the room », pour désigner quelque chose d'énorme que tout le monde fait semblant de ne pas remarquer (1) car ce serait admettre quelque chose d’embarrassant, voire terrifiant.

L’attaque de jeunes gens par une bande armée de couteaux à Crépol, il y a dix jours, lors de laquelle un adolescent, Thomas, a été tué, est seulement le dernier évènement illustrant cette fable. Tout le monde peut voir de quoi il s'agit, mais beaucoup font semblant ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles