Le 8 juin prochain, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), une proposition de loi déposée le 20 avril visant à abroger la réforme des retraites devrait être débattue dans l’hémicycle du Palais Bourbon. En mars dernier, le groupe LIOT était déjà à l’origine de la motion de censure transpartisane qui a fait trembler le gouvernement !
La Proposition de loi n°1165 d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans comprend deux articles :
Article 1er
– La loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est abrogée.
Article 2
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Cette proposition de loi vise à repasser l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans, et non 64. Elle propose aussi l’ouverture d’une grande convention sociale.
« On voit ça comme une porte de sortie pour le gouvernement », assure le groupe Libertés-indépendants. Les signataires de la proposition de loi pensent que « ça peut passer ». « On pense qu’on peut gagner, en tout cas on l’espère », nuance un membre du Groupe LIOT à l’Assemblée nationale.
Pour y voir plus clair, il faut sortir la calculatrice : 147 voix chez les députés de la Nupes, 87 au groupe RN (qui compte a priori suivre le mouvement), au moins 17 voix du groupe LIOT, ainsi que la voix de la socialiste Martine Froger chez les non-inscrits, cela ne suffit pas : il manque 35 voix pour une majorité (décompte établi en fonction des déclarations fin avril 2023).
De nouveau, tous les regards se tournent vers le groupe Les Républicains. Il y a de fortes chances que les 19 élus ayant voté la motion de censure il y a un mois se joignent à ce nouveau texte.
En conclusion, le scrutin se jouera sans doute à une quinzaine de voix près. Il suffit finalement d’une trentaine d’abstentions ou de députés absents pour faire basculer le vote.
Jouer la montre pour éviter un vote (plan A et B)
La Macronie a la possibilité de faire durer les débats en déposant de multiples amendements.
Car les députés doivent examiner le texte et l’ensemble des amendements entre 9 heures et minuit le 8 juin. Minuit, heure couperet pour un jour de niche accordé à l’opposition.
Mais même si le texte obtient une majorité à l’Assemblée nationale, il devra ensuite être voté au Sénat où il est quasiment impossible que cette proposition obtienne une majorité.
Le plan B ourdi depuis Matignon consiste à supprimer en commission des affaires sociales le premier article de la proposition de loi, qui propose l’abrogation du report de l’âge légal de 62 à 64 ans. L’opposition n’aurait alors d’autre choix que de rétablir cette disposition sous forme d’amendement, au cours des débats en séance dans l’hémicycle.
Le coup de l’article 40 de la Constitution
L’article 40 de la Constitution dispose que les propositions et amendements formulés par les parlementaires « ne sont pas recevables » s’ils entraînent « une diminution des ressources publiques » ou « l’aggravation d’une charge publique ». C’est à ce titre que les groupes de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Horizons) ont demandé, mardi 16 mai, que le texte soit déclaré irrecevable.
Concrètement, un parlementaire ne peut normalement pas proposer de nouvelles dépenses qui ne soient pas compensées par de nouvelles recettes. L’objectif premier est donc d’éviter tout dérapage budgétaire. L’irrecevabilité d’une proposition de loi est généralement prononcée lors de l’étude d’amendements, avant même les débats parlementaires.
Selon l’article 89 du règlement de l’Assemblée, c’est au président de la commission des finances de se prononcer sur la recevabilité d’une telle proposition de loi. Si l’entourage de Yaël Braun-Pivet refuse de se livrer à de la politique-fiction, il confirme toutefois qu’il revient juridiquement à la présidente de l’Assemblée de considérer les amendements déposés en séance recevables ou non au titre de l’article 40.  »
Et son entourage ajoute que, depuis le départ, sa position reste que le texte n’est pas recevable au titre de l’article 40.
Un long chemin…
Comme président de la commission des finances, Éric Coquerel doit d’abord se prononcer sur la conformité de la proposition de loi LIOT à ce fameux article 40 de la Constitution. Puis, la commission des affaires sociales doit encore étudier le texte sur le fond à partir du 31 mai.
En commission des affaires sociales, le camp présidentiel est minoritaire. Il n’y dispose que de 32 sièges, contre 39 pour l’opposition. Mais la majorité compte sur le renfort d’une partie des huit députés Les Républicains (LR) pour supprimer l’article 1. Du côté de LIOT, on a dénombré, dans les rangs de la droite, trois députés opposés à la proposition de loi et trois autres qui pourraient se montrer favorables au texte. La balance pourrait donc pencher en défaveur de l’abrogation.
Je n’arrive pas à m’ôter de la tête que cette proposition est un coup de com. Ou « com » est l’abréviation de « comédie », on ne peut même pas parler de communication à ce niveau.
Qu’un groupe d' »opposition » utilise une rare niche parlementaire pour porter un projet de loi aussi inutile me semble au bas mot idiot, quand il y aurait tant à faire pour sortir le pays de l’ornière où il s’enfonce de plus en plus…
L’opposition n’a aucun pouvoir dans la 5 ième république. Et même s’il faisaient une proposition de loi raisonnable, elle serait rejetée d’office par le gouvernement qui refuse quoi que ce soit qui ne vienne pas de lui (repensons à la réintégration des soignants qui a été votée ensuite quelques mois plus tard).
Alors bon, je ne les enfonce pas, autant qu’ils s’amusent un peu. Après c’est bien dommage qu’il soient payés par notre argent, mais c’est une autre histoire…
Et alors ? Si l’opposition avait du pouvoir, qu’en ferait-elle ? La note de la France serait-elle moins en péril ? Le rééquilibrage des retraites par la capitalisation serait-il entrepris ?