« Des racontars » et « des bobards », voici comment Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, a qualifié sur LCI la répression contre les Ouïghours qui a lieu actuellement en Chine, parmi d’autres choses. Sauf que, sur ce sujet particulier de la situation au Xinjiang, ce qu’il qualifie de la sorte, ce sont avant tout des données officielles chinoises.
La Chine aurait-elle été trahie par sa propre bureaucratie, talon d’Achille informationnelle de bien des systèmes totalitaires ? C’est ce que peut laisser croire l’analyse de certaines données chinoises, nettement plus disertes sur la situation au Xinjiang que l’ambassadeur chinois en France, surtout connu pour ses diatribes en défense de la Chine et ses dénégations vigoureuses sur tout ce qui porte atteinte aux intérêts chinois.
En mai 2022, Lu Shaye s’était déjà fait remarquer en minorant drastiquement les atteintes au droit des populations Ouïghoures au Xinjiang, qualifiant de « stagiaires » des populations subissant un internement de masse dans des « centres de formation », ressemblant pourtant beaucoup à des prisons ou à des centres de rétention. Mais, au-delà de la question de l’internement de masse des Ouïghours, légitimé en Chine (et aussi en France par certains relais complaisants) par les nécessités d’une très ferme et très répressive « politique antiterroriste », la Chine est accusée de tortures et stérilisations forcées à l’encontre de ces populations. Se faisant, elle agirait donc directement sur la démographie d’un groupe ethnique particulier.
Or, voici ce qu’énonce l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide :
« Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres du groupe ; atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. »
Les deux dernières phrases sont celles qui sont susceptibles d’inquiéter la Chine, sachant qu’il n’est nul besoin de meurtres ou d’extermination de masse pour définir une politique génocidaire.
La Chine dément vigoureusement ces accusations depuis des années.
Mais là où Lu Shaye et la Chine ont clairement un problème avec les faits, c’est que les éléments les plus probants à charge contre la Chine au Xinjiang viennent précisément de Chine, et en particulier du bureau chinois des statistiques. Celui-ci nous apprend par exemple que le taux d’accroissement naturel (différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité) dans la province du Xinjiang est passé de 11,08 pour 1000 en 2016 à 11,40 en 2017, pour subitement descendre à 6,13 en 2018 et finalement 3,69 pour 1000 en 2019.
Comme le soutient à raison la Chine, la population globale du Xinjiang continue donc de croître, mais beaucoup moins vite que précédemment : le taux d’accroissement naturel d’une région comptant 25 millions d’habitants a été divisé par trois en deux ans.
Le taux de mortalité ne bougeant quasiment pas, cette baisse est largement due à la chute du taux de natalité entre 2017 et 2019, passé de 15,88 pour 1000 en 2017 à 8,14 en 2019, soit une chute de 47 % en deux ans. Le taux de natalité serait tombé en dessous de 6 pour 1000 en 2020, mais ce chiffre est difficile à confirmer. En effet, la Chine ne détaille plus ses statistiques depuis 2020 : l’édition 2021 ne donne plus les taux de natalité par région, mais uniquement le taux national.
La Chine a bien évidemment une explication pour cette baisse : cette chute de près de 50 % serait la conséquence de « la promotion intensive de l’émancipation des femmes et de l’égalité entre les sexes ». Cette affirmation chinoise se fonde sur une source unique, un rapport de Li Xiaoxia, chercheur au Xinjiang Development Research Center, paru en janvier 2021 et intitulé « An Analysis Report on Population Change in Xinjiang ».
« L’étude » en question, publiée sur un média généraliste propriété de l’État chinois (et non dans une publication scientifique à comité de lecture) ne fournit aucune donnée ni aucune source, et se contente d’expliquer par exemple : « fertile women accept tubal ligation and IUD operation spontaneously ».
L’étude ajoute plus loin :
« In 2018, both fertility rate and natural growth rate of ethnic minority population (the Uygur population in particular) in Xinjiang decreased significantly. All of these can be attributed to the strict implementation of the family planning policy. »
Les termes « spontaneously » et « strict implementation » mériteraient en particulier d’être très clairement et concrètement explicités.
La ligne de défense de la Chine peut se résumer simplement : elle serait parvenue à réaliser au Xinjiang une « transition démographique accélérée ». Sauf qu’en temps normal, ce type de phénomène prend au moins une à deux générations. De mémoire de démographe, jamais une chute du taux de natalité d’une telle ampleur n’a été constatée ailleurs dans le monde sur une période aussi courte, même en allant chercher en Irak dans les années 2000, en Syrie depuis 2011, au Yémen actuellement ou encore en Allemagne après 1944.
Il n’y a pour l’instant aucune explication légitime satisfaisante à une telle chute du taux de natalité de ce groupe ethnique particulier, ouvrant la porte à des accusations de génocide au sujet desquelles la Chine commence déjà à effacer ses traces, notamment statistiques. Le sujet est d’autant plus préoccupant sur les réelles intentions chinoises que la natalité risque de devenir le problème numéro un du pouvoir chinois pour les décennies à venir à l’échelle du pays.
Une telle répression des naissances d’un groupe ethnique en particulier est un sujet d’intérêt international sur lequel les dénégations chinoises flirtent désormais avec le négationnisme.
Et comment expliquez-vous la chute du taux de 10.84 à 4.27 pour le Shandong ?
Pour le Turkestan oriental, alias Xinjiang, les statistiques de natalité sont difficiles à interpréter parce qu’elles ne différencient pas les résidents Hans et Uyghurs qui sont devenus à peu près aussi nombreux ~45%.
On peut imaginer que la situation est comparable à celle du Tibet en ce qu’il s’agit d’exterminer les théocraties traditionnelles locales par l’extinction culturelle et démographique et l’invasion ethnique pour interdire « démocratiquement » toute pression indépendantiste.
Je veux bien que ce soit difficile à interpréter pour le Xinjiang, donc je réitère ma question : quelle interprétation pour le Shandong où les chiffres sont très semblables, et en quoi les interprétations pour l’une des provinces n’aideraient-elles pas à résoudre la question de l’autre ?
A en croire les statistiques officielles de Pékin, la natalité du Xinjiang aurait décru de 16 à 6 en 3 ans pour des populations Han et Uyghur comparables, contre 11 à 4 au Shandong qui est 100% Han. Même si on suppose que les Han se comportent pareillement partout, je ne vois pas bien comment en déduire la baisse de natalité spécifique aux Uyghurs.
Bref, ces chiffres, trafiqués ou non, ne permettent pas à eux seuls de conclure, il faut des enquêtes plus spécifiques et indépendantes de l’exécutif chinois.
Pourquoi cette passion particulière pour le Ouighours, que tout un chacun serait bien incapable de localiser sur une carte ? les pays islamiques participent ils à cette action ?
A t on protesté lors de la guerre illégale d’Irak qui a liquidé un demi million d’Irakiens ? A t on protesté contre la guerre faite par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie ? Et le Yémen ? N’y a t il pas sue la planète d’autres peuples en attente de libération ? Et la répression brutale des manifestations en France
contre une loi rejetée par une écrasante majorité du peuple ? Pouvons nous Français, donner des leçons au monde entier ?
J’ai lu quelque part que les Ouighours étaient parqués dans d’horribles camps de travail où ils sont payés et d’où ils peuvent rentrer chez eux le soir. Comment le pays du droit à la paresse pourrait-il ne pas s’indigner ?
Du coup, je suis à la recherche de toute information vérifiable pour me faire une opinion, et je dois dire que les articles tirés par les cheveux du genre de celui-ci sont plutôt contre-productifs pour la cause sinophobe…
Moi, je fais confiance à Erdogan qui à défendu les ouïghours en tant que grand défenseur des musulmans dans le monde. S’il a arrêté de les défendre pour commercer avec la Chine, tous doivent être convaincus que leur situation est des meilleurs.
C’est quand même curieux que l’Arabie saoudite, les EAU et autres pays musulmans ne s’en préoccupent absolument pas et même créent de plus en plus de liens étroits avec la Chine (échanges en Yuan, décision de création d’une monnaie commune,…).
Trop de désinformation tue l’information, qui croire ?