[Entretien] – Rafaël Amselem : « Je refuse l’idée d’une nécessaire équivalence entre communisme et nazisme »

Dans cet entretien, nous interrogeons Rafaël Amselem, chargé d’étude au think tank GenerationLibre, au sujet des récentes polémiques sur la place à attribuer au communisme au sein de la typologie des totalitarismes modernes.

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[Entretien] – Rafaël Amselem : « Je refuse l’idée d’une nécessaire équivalence entre communisme et nazisme »

Publié le 20 avril 2023
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Baptiste Gauthey : Bonjour Rafael Amselem. Il y a quelques jours, Olivier Babeau a publié un tweet dans lequel il compare le communisme et le nazisme en avançant que la différence essentielle entre les deux régimes serait je le cite « le nombre de morts ». Que penser de cet argument ? 

Rafaël Amselem : Le premier élément qui importe, c’est de voir les points d’accord et ceux sur lesquels nous devrions tous reconnaître une certaine forme de vérité. D’un point de vue historique et systémique, le communisme a abouti à des régimes totalitaires, criminels et radicalement violents. C’est une réalité que l’on a du mal à traiter aujourd’hui. Il suffit aussi de voir le nombre incroyable de réactions indignées qu’a suscité le tweet, relativisant parfois l’histoire violente du régime soviétique.

En revanche, j’ai un point de désaccord fondamental avec Olivier Babeau, ou plutôt sur l’idée qu’il expose : la nécessaire équivalence entre communisme et nazisme, sur la base d’un argument comptable – l’idée qu’il suffirait de faire le décompte des morts de chaque régime pour établir celui qui, d’entre les deux, incarne le mal radical. Passons sur les éléments de forme de cette comptabilité (les résultats du Livre Noir sont, au moins pour partie, contestés ; le communisme s’est étalé sur près d’un siècle, là où le nazisme a duré une dizaine d’années) : son postulat est surtout faux sur le plan philosophique.

L’impossibilité d’une telle équivalence est simple : le nazisme, a contrario du communisme, repose sur une ontologie raciale. Lucie Doublet, dans un excellent ouvrage (Emmanuel Levinas et l’héritage de Karl Marx, Édition Otrante, 2021), expose la pensée du philosophe Emmanuel Levinas sur la question. Levinas a vécu le nazisme dans sa chair, en tant que juif, et en tant que prisonnier politique durant la guerre ; ce qui l’amènera évidemment à traiter du nazisme en termes philosophiques. Il sera par exemple l’un des premiers à affirmer, très tôt dans les années 1930, la violence contenue dans la doctrine de Heidegger. Lui-même proche du socialisme libertaire, il exposera aussi une critique très nourrie du marxisme et des régimes qui s’en réclamèrent par la suite.

Levinas pense la construction de la civilisation occidentale comme l’avènement de « l’esprit des libertés ». Une grande histoire qui commence avec le judaïsme, ayant introduit la notion de pardon dans le monde ; et le pardon entretient avec la liberté un rapport fraternel, détachant notre être de l’enchaînement du passé, de nos erreurs d’hier ou d’avant-hier, inaugurant une voie de la rédemption qui s’ouvre sur un avenir radicalement indéterminé. Viennent ensuite le christianisme, mettant l’emphase sur l’au-delà et la sortie du monde terrestre, bref, en consacrant le primat de l’âme sur le corps ; le libéralisme, qui consacre les libertés politiques pour légitimer l’existence de la société politique ; le communisme, qui interroge la société libérale quant à la réalisation matérielle des libertés formelles (en d’autres termes, la société libérale déclare des droits, reste à savoir si ces droits deviennent concrets pour tous ou s’ils ne seraient pas au contraire réservés à une élite bourgeoise). Au fond, l’esprit des libertés se caractérise par un écart entre le soi et le monde, un recul vis-à-vis de l’être, une évasion de l’immanence de l’existant. La liberté consiste dans la capacité à transcender ses propres déterminations.

Le nazisme est essentiellement une négation de l’esprit des libertés. Le nazisme est une ontologie raciale. Le nazisme pense l’humain par le primat de l’expérience corporelle ; ou, pour le dire simplement, de la race. Le nazisme est l’impossibilité métaphysique pour le sujet de s’extraire de ses caractères biologiques, dont il résulte une pensée de la violence et de l’hérédité. Il y a bien un mal du stalinisme chez Levinas. Mais jamais les doctrines socialistes et communistes ne se font l’écho d’une telle ontologie. Georges Steiner le formula de la façon suivante (Grammaires de la création, Gallimard, 2001) : « Il semble cependant que l’extermination par les nazis de la communauté juive d’Europe soit une « singularité », non pas tant par son ampleur – le stalinisme a tué infiniment plus – que par ses motivations. Toute une catégorie de personnes humaines, les enfants compris, a alors été déclarée coupable d’être. Leur seul crime était d’exister et de prétendre vivre. » Là est la différence radicale, si ce n’est insurmontable, entre nazisme et communisme. Certes, les expériences communistes n’ont pas été étrangères à l’antisémitisme, notamment sous Staline. De même, sur le plan théorique, la critique du capital peut résulter sur des tropes antisémites (Moshe Postone, Critique du fétiche capital, Puf, 2013). Mais ces débouchés ne sont pas une fatalité a priori. Il a bien existé des phases où des juifs ont participé à l’édification du socialisme et du communisme. La métaphysique communiste ouvre cette possibilité ; à l’inverse, celle du nazisme ne permet même pas une poussière d’espoir en la matière.

D’où vient donc cette erreur d’analyse ? À mon sens, beaucoup de libéraux se trompent lorsqu’ils fondent leur analyse du communisme et du nazisme à l’aune d’un seul et unique critère : le totalitarisme. Au fond, nazisme et communisme ne seraient que deux faces de la même pièce : le holisme, ou le collectivisme. Je rejette radicalement cette interprétation. Elle est d’évidence (excessivement) incomplète. Les valeurs nazies et communistes ne se situent pas sur le même plan. Pour le dire simplement, je mange aisément à la table d’un communiste, pas à celle d’un nazi.

 

BG : En réaction, François Malaussena a publié un « thread » dans lequel il explique que s’il ne s’agit pas de réhabiliter le communisme, il ne faut pas le mettre sur le même pied d’égalité. Il écrit notamment qu’il « peut théoriquement exister un régime communiste qui ne tue personne, là ou c’est impossible pour un régime fasciste ». Est-ce juste ? 

RA : Non et plusieurs argumentaires peuvent être mobilisés pour y répondre. En premier lieu, il y a les écrits de Raymond Aron. L’État libéral, dit-il, celui de Constant ou Tocqueville, est bâti sur la séparation entre, d’une part, une sphère individuelle privée dans laquelle on s’appartient à soi, où la volonté d’autrui ne peut s’immiscer dans la conscience et les choix personnels, dont résulte l’illégitimité de l’État dans certains domaines d’intervention ; d’autre part, la sphère publique qui régule l’espace des communs. Cette distinction, qui consacre un espace de liberté individuelle, la doctrine marxiste s’y oppose frontalement. Pour Marx, dit Aron, cet État, celui de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, est une aberration : si on sépare l’homme du citoyen, si on distingue le privé du public, si, dit autrement, on déclare que certains espaces de la vie sociale sont exclus de la loupe du législateur, ce n’est pas la liberté qu’on proclame, mais l’aliénation même du prolétaire : car sa vie privée, essentiellement vécue dans le monde du travail, est imprégnée d’aliénation. Consacrer l’étanchéité entre le travailleur et le citoyen, c’est bien entériner le rapport de force qui l’oppose au capitaliste, le laisser à la merci du bourgeois. D’où cet appel à construire un régime qui confonde volontairement corps social et corps politique, société civile et administration, bref, qui abolisse la dualité entre la société civile et l’État.

Cet appel est d’autant plus fondé que la démocratie a montré aux hommes « la vérité secrète, l’énigme résolue de toutes les constitutions parce que le peuple est l’origine, le créateur de toutes les superstructures politiques et que l’homme n’arrive à la vérité de lui-même, à la prise de conscience de cette vérité, qu’en se reconnaissant maître et possesseur de toutes les institutions dans lesquelles il s’est, à travers les siècles, aliéné ». L’homme est le producteur de ses propres conditions d’existence : voilà la vérité de la démocratie dont le marxisme se fait le prophète. En séparant sphère publique et sphère privée, citoyen et travailleur, l’État libéral refuse d’acter cette suprême vérité. Pire, cette dualité consacre une illusion religieuse : de même qu’il y a dans le christianisme une séparation entre la vie terrestre (dégradée) et la destinée céleste (supérieure), on retrouve dans l’État libéral une vie prétendument privée (dégradée) et une participation épisodique aux affaires publiques (supérieure). Vient alors le marxisme qui affirme, contre les injustices du monde, contre les rapports de domination et de pouvoir : tout est politique. Le marxisme est radicalement « le refus de tenir aucune des données de l’ordre social comme une fatalité, échappant à la maîtrise des hommes ». Mais, ce faisant, et là est le point central, le champ d’intervention étatique devient illimité. Personne ne saurait échapper au regard du législateur. Or, si l’on suit la maxime libérale selon laquelle le pouvoir tend au pouvoir et à l’arbitraire, il est inévitable qu’un régime qui consacre une légitimité politique sans borne – il n’y a plus de vie privée ! – finira par déboucher sur de terribles dérives.

Ces dérives sont d’autant plus palpables qu’en réalité, il y a une violence intrinsèque à la doctrine marxiste. Cette violence est d’abord consacrée par une vision singulière de l’histoire. Le marxisme est un millénarisme : le monde se meut vers une fin de l’histoire, dont le marxisme prophétise le dénouement ; fin de l’histoire d’autant plus déterminée que le marxisme prétend fonder son discours sur un plan scientifique : Marx ne ferait que découvrir, à travers le matérialisme historique, l’inévitable conclusion du mouvement historique. Au fond, sa mission consiste à hâter cette fin inéluctable.

Cette posture pseudo-prophétique pose plusieurs difficultés. Elle consacre d’abord la supériorité du (faux) prophète. Lui seul maîtrise les dynamiques de l’histoire, et surtout, la place objective de chacun dans sa conclusion, sans qu’importe la subjectivité. La violence est contenue dans cette doctrine par l’effacement des individus qu’elle opère, d’autant plus marquée par une vision de la vie sociale tachée par la conflictualité (le prolétaire contre le bourgeois). Les vues et finalités individuelles ne sont pas signifiantes pour ce qu’elles sont, mais seulement dans leur participation à la nécessité historique ; la valeur de la subjectivité n’est comprise que dans sa place dans l’économie universelle et objective de la fin de l’histoire. Dit simplement, ce sont des moyens, non des fins ; des potentialités, non des sujets propres. Levinas affirme ainsi que cette perspective eschatologique transforme le philosophe en professionnel de l’herméneutique. Les actions individuelles n’ont pas de sens en soi, pas même celles que leur donnent les individus : elles sont englobées dans une perspective plus large, mystérieuse, que seul le philosophe adepte du matérialisme historique peut décoder. Toute vie intérieure et intime disparaît, elle se fait envahir par l’impératif de l’histoire. Levinas y voit un procédé viscéralement invasif et violent. Position d’autant plus marquée que, chez Levinas, la vie intérieure est irréductible à la vue de l’historien, elle constitue un espace de démarcation vis-à-vis de l’Être. La violence de cette pensée trouve enfin sa justification dans la téléologie marxienne : la résolution de la lutte des classes étant le moteur de l’émancipation universelle, le mal qui peut en résulter ne sert au fond qu’à faire advenir un bien encore plus grand. Il y a une logique presque sacrificielle qui imprègne le tout.

Il nous faut encore évoquer le prolétariat. Dans le marxisme, le prolétariat constitue une masse unitaire, souffrante, qu’il nous appartient de sauver. Or, le prolétariat étant composé de millions de personnes, il ne saurait se muer en une unité homogène d’expression. Si tant est que tous les prolétaires de Russie, du Mexique, des USA, de la France observent les mêmes vues et opinions quant à leur condition, rien ne conduit à en déduire, selon un raisonnement logique, la nécessité de la révolution comme résolution. Mais admettons malgré tout que l’ensemble du prolétariat adhère au projet de l’Émancipation : il n’existe aucune façon concrète d’institutionnaliser cette unité d’expression en un organe représentatif, institutionnel, à même de traduire fidèlement la volonté de chaque travailleur. La marche de l’Émancipation ne peut être qu’à la charge d’une administration, une bureaucratie, un appareil d’État qui devrait incarner le prolétariat. Marx lui-même admettra qu’il y a un risque inhérent à ce processus : c’est que l’administration ne saurait être uniquement représentative. Elle a sa propre dynamique, ses propres organes, ses intérêts singuliers. L’appareil nécessaire pour la Justice risque ainsi de se prendre lui-même pour la Totalité. C’est une autre voie où la violence peut prospérer.

Abordons enfin un dernier point avec François Furet. Il explique que cette nécessité historique, ce messianisme, fait que le marxisme se constitue en une nouvelle religion séculière. Il y a un sens religieux très fort, et puisqu’il y a un but plus transcendantal, une fin de l’histoire à réaliser, au fond toutes les turpitudes et les exactions peuvent être justifiées parce que le mal vise la réalisation d’un bien encore plus grand. Et c’est quelque chose dont parle Aron dans L’Opium des intellectuels, où il évoque la dispute entre Camus, Sartre et Francis Jeanson. S’opposant à Camus, Francis Jeanson aura des mots très clairs sur cette fin de l’histoire, sur ce grand projet émancipateur qui peut justifier certaines exactions : « Nous sommes donc à la fois contre lui [l’URSS], puisque nous en critiquons les méthodes, et pour lui, parce que nous ignorons si la révolution authentique n’est pas une pure chimère, s’il ne faut pas justement que l’entreprise révolutionnaire passe d’abord par ces chemins-là, avant de pouvoir instituer quelque ordre social plus humain, et si les imperfections de cette entreprise ne sont pas dans le contexte actuel, tout compte fait, préférable à son anéantissement pur et simple ». Je crois que c’est assez clair.

 

BG : Comment expliquer cette « passion française du communisme », pour reprendre l’expression de l’historien Marc Lazar ? D’où vient cette fascination et comment continue-t-elle à persister aujourd’hui ?

RA : La première raison est celle d’une crise morale et spirituelle.

Dans Le passé d’une illusion : « L’idée d’une autre société est presque impossible à penser, personne n’avance sur le sujet dans le monde d’aujourd’hui, même l’esquisse d’un concept neuf, nous voici condamnés dans le monde où nous vivons ». Face à une société capitalistique, avec ses défauts, ses difficultés, ses turpitudes, il est extrêmement tentant (voire même nécessaire) de penser une forme d’utopie, de « sortie du monde ». Dans sa perspective eschatologique, messianique, le communisme répond admirablement à ce besoin-là.

Je pense ensuite qu’il y a une passion purement intellectuelle. C’est Raymond Aron, à nouveau, qui l’expose dans L’Opium des intellectuels. Il affirme qu’il existe deux voies possibles pour changer le monde : la voie de la réforme et celle de la révolution. L’intellectuel, a priori, est biaisé : il a tendance à être bien plus attiré par la voie de la révolution. Car la réforme est quelque chose de très prosaïque, c’est « l’œuvre des fonctionnaires », là où dans la révolution il y a toujours quelque chose de poétique, de narratif, de ce « peuple dressé contre les exploiteurs ». Aron écrit à ce sujet : « Pour l’intellectuel qui cherche dans la politique un divertissement, un objet de foi ou un thème de spéculation, la réforme est ennuyeuse et la révolution excitante ».

François Sureau ajoute que nous Français n’aimons pas nous confronter au réel. On dit que la France est ultralibérale, avec des normes et des dépenses publiques qui n’ont jamais été aussi explosives, des libertés publiques remises en cause dans beaucoup de domaines… Donc on aime bien l’idole conceptuelle, l’objet, le jouet théorique qui nous autorise à divaguer en belles formules, qu’elles soient adaptées au réel, ou non.

Enfin, François Furet avance la thèse selon laquelle le communisme est une reprise du jacobinisme : l’idée que l’on peut construire par le haut la société. Marx ou les marxistes ne se diraient sans doute pas jacobins, mais dans cette idéal de confusion entre société civile et société politique, il y a quand même cette vision selon laquelle l’homme peut maîtriser l’ensemble des données propres à l’arène sociale, que l’on pourrait, en ayant les bonnes institutions, aboutir à un monde perfectionné.

 

BG : L’esprit totalitaire semble prendre des formes nouvelles aujourd’hui, quelles sont-elles et comment mobiliser une argumentation libérale afin de les combattre ?

RA : Le plus grand danger que nous sommes en train de courir, c’est le danger de la lassitude. Tant sur le plan économique, institutionnel… il y a une grande fatigue. Je ne pense pas que nous soyons au bord du grand soir (les révolutions toquent rarement à la porte avant de s’inviter à la fête) mais plutôt d’une immense lassitude. C’est un grand danger car quand on a une masse fatiguée, il est peut-être plus simple pour certains d’essayer de créer des discours homogénéisant, totalisant, qui visent à rassembler tout le monde derrière l’espérance d’une unique cause engageante. Des grands discours mobilisateurs qui réveillent les masses en faisant revenir l’attrait de l’utopie, d’une « libération idéelle » pour reprendre la formule d’Aron.

Deuxième point, c’est que le grand danger est épistémique. Plus personne ne croit dans les vertus de la liberté. Beaucoup de doctrines constatent qu’il y a des dynamiques « raciales » si l’on prend le terme américain, qui empêchent certaines personnes à compétences et qualités égales de pouvoir s’élever dans la société. On ne croit pas non plus à la liberté en matière écologique car on explique que c’est bien le marché et la liberté qui ont provoqué l’émergence d’un problème planétaire et vital pour l’ensemble de la société humaine. Dans ce sens-là, il faudrait répondre à ces défaillances de la liberté par le plan, le retour de la verticalité, de la technocratie…

Sur le plan des relations internationales, on assiste à un recul net et marqué des démocraties libérales, et l’on voit que ce sont des régimes irrationnels, qui se rassemblent derrière un homme, une grande doctrine, qui gagnent du terrain. On assiste également à un retour des empires qui se reforment dans le monde et menacent nos existences. Au fond, face à des régimes qui agitent l’esthétique martiale, une sorte de foi irrationnelle, eh bien les démocraties libérales semblent un peu engluées dans une forme de passivité, dans une forme de société qui préfère le loisir à l’effort, et qu’en ce sens les démocraties libérales sont des sociétés faibles, fragiles, exposées à se faire balayer dès qu’il s’agit de montrer un peu de résistance…

Sur la question sociale encore, les libéraux ne parviennent pas à proposer une réponse doctrinale concrète et profonde sur des souffrances réelles.

Au-delà de ces réponses circonstanciées, de façon générale, il faut en revenir à un esprit de la liberté. Face à des gens qui agitent l’utopie, qui animent une forme de spiritualité, il nous faut raviver un discours de la liberté qui soit poétique, qui aille chercher dans les passions, les émotions, afin d’éveiller une conscience de la liberté. Sur la thématique des restrictions sécuritaires par exemple, le discours de l’État de droit apparaît comme inopérant. Ce sont des arguments justes sur le fond, résolument. Mais ils ne parlent à personne car face à une angoisse sécuritaire, on ne répond pas seulement par la voie du droit et de la technique. Il est donc nécessaire de recréer une adhésion émotionnelle à la liberté. Furet à nouveau démontre bien que ce qui a fait le succès du communisme, c’est cette capacité par l’utopie à réveiller des sentiments et des passions. En tant que libéraux, il faut repenser la liberté à l’aune de certains enjeux contemporains, tout en reformulant un discours poétique, qui va demander, sans doute, de dépasser la simple maîtrise de notre base doctrinale, à travers la littérature, la poésie… Si l’on peut expliquer le succès de personnalités comme François Sureau, c’est qu’il parle de liberté en littéraire, à travers des figures littéraires et historiques.

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  • Pour revenir au fond des choses, la question est de savoir s’il est le racisme de classe sociale, le communisme, est plus « acceptable » que le racisme de race, le nazisme. Ou encore, de savoir s’il est plus acceptable de sombrer dans le totalitarisme et le crime dans le but de favoriser une classe sociale supposée « ontologiquement pure », les prolétaires ou les damnés de la Terre du communisme, ou bien pour faire celui d’une « race », les Aryens des nazis, supposée « ontologiquement pure ».
    A un certain moment, il faut juger les arbres à leurs fruits. Communisme et nazisme ont été des abominations. La première a gagné la 2ème guerre mondiale, la seconde l’a perdue, ce qui explique sans doute en partie la mansuétude dont fait l’objet le communisme.

  • La principale différence entre le totalitarisme nazi et communiste, c’est que les communistes ont gagné la WWII et ce sont eux qui ont écrit l’histoire.

  • Avatar
    The Real Franky Bee
    20 avril 2023 at 7 h 14 min

    Comme dirait Gaspard Proust : « Vous en connaissez vous des gens de Gauche qui à la chute du Mur se soient enfuies à l’Est ? »

    10
  • Nazisme et communisme divergent sur un point : l’expansionnisme. Pour le premier, le Mal s’est répandu au-delà de ses frontières. Le second n’a déclaré la guerre qu’à son peuple.
    En revanche, je note au moins trois points communs :
    – Totalitarisme
    – Recours à un bouc émissaire
    – Des morts par millions. Délibérément.
    Avec des morts par millions, quand on est conséquentialiste, tout est dit. Les deux idéologies se valent.

    • A part ça, excellent article.

      • Même si je ne suis pas d’accord sur le fond, c’est-à-dire sur la différence entre nazisme et communisme c’est un très bon article qui pose bien la question

    • Le communisme aussi est expansionniste. C’est sa seule manière de survie. Le but final serait que tous les pays de la planète soit communiste.

  • Le nazisme est l’abréviation du national-socialisme, c’est une manière détournée d’affranchir le socialisme de sa responsabilité dans la Shoah. C’est le régime totalitaire national socialiste qui a permis la mise en place de la solution finale. Au Cambodge aussi, les femmes et les enfants ont été exterminés. Il n’y a pas de différence entre les crimes du national socialisme et ceux de l’international socialisme. Toutes les vies humaines ont la même valeur. Je ne peux pas plus m’asseoir à la table d’un communiste qu’à celle d’un national socialiste.

    12
    • Le nazisme n’est pas du Port-Salut. Ce n’est pas parce que c’est marqué « socialiste » sur la boîte qu’il y en a dedans.
      Le caractère social(iste) du régime nazi tient surtout de la propagande. Il ne faut jamais oublier que le régime était violemment anti-communiste. De nombreux communistes ont fini en camp de concentration.
      Le nazisme est un étatisme extrême. A la manière du fascisme : tout dans l’Etat, rien contre l’Etat etc. Mais l’étatisme d’un régime ne suffit pas à caractériser son socialisme. On notera d’ailleurs que l’un des objectifs du socialisme est la fin des classes et… de l’Etat !

      -3
      • Lisez le discours de la servitude de Hayek : c’est historique, bien écrit, très intéressant et le but du livre est de vous expliquer en quoi justement le nazisme c’est juste du socialisme, même si le camp nazi et le camp communistes ont été ennemis sur le terrain.
        Et le socialisme utopique final avec anarchie, les communistes pratiques ont laissé tomber dans leur amour du pouvoir et un théorique avec sa sensibilité anarchiste, Proudhon, en menant sa réflexion plus au bout a fini par défendre la propriété privée.

        • Bonjour,
          J’ai lu et parfois relu en partie le livre de la Boétie.
          Pour le sujet de notre échange, l’absence de propriété privée est la caractéristique la plus marquante du communisme comparé aux autres systèmes, toutes les analyses concernant ses mécanismes se retrouveront inévitablement à cet endroit.
          Dans sa « Théorie de la propriété » Proudhon mélange à longueur de texte une métaphysique sociale avec une logique formelle qui ne lui permettent pas d’aboutir. Il le dit d’ailleurs lui-même.

        • Erratum. J’ai écrit La Boétie à la place de Hayek.

      • ben vous nec omprenez pas l’essence du problème le communisme est internationaliste le nazisme est nationaliste .;

  • L’un des points clés de la différence entre les deux systèmes est l’absence ou la présence de la propriété privée.

    -2
  • C’est honteux ce genre de pilpoul. “Oui le nazisme est raciste MAIS MAIS MAIS le communisme c’est tellement une belle idée donc ça excuse les morts”

    Évidemment que le nombre de morts c’est le seul critère qui compte.

  • Staline, Mao, Pol Pot, Hitler se valent. Des criminels… des fous furieux…

    • Mais ils n’ont pas pu réaliser leurs méfaits seuls. Ils avaient des suiveurs, des collaborateurs.
      A cette phrase:  » Pour le dire simplement, je mange aisément à la table d’un communiste, pas à celle d’un nazi. » j’ai arrêté la lecture de l’article… et passé directement aux commentaires. Désolé.

  • Un point, non pas de désaccord, mais de précision que j’apporterais au débat sur la gradation de l’abjection des « mérites » comparés des « jumeaux hértérozygotes » (Chaunu) dont le syntagme de NAZI rappelle à ceux qui veulent l’oublier la matrice intellectuelle socialiste. Aux nombreuses citations de ce papier j’ajoute le poignant échange épistolaire entre Ernst Nolte et François Furet que résume bien le titre allemand Feindliche Nähe. Les éditeurs français frileux l’ont caviardé pour n’en garder que le sous-titre inodore et sans saveur: Fascisme et communisme. Ils ont ainsi effacé la proximité confraternelle malgré les désaccords entre deux immenses historiens qui ont ainsi donné ( et surtout à la génération suivante qui en est tant dépourvue) une leçon de probité intellectuelle. Nolte s’écarte des considérations philosophiques et autres grilles de lecture des deux totalitarismes pour proposer la seule qu’il juge susceptible de conférer au premier un ( infime) avantage sur le second et ce n’est pas sur le plan comptable, mais sur le plan moral : la sincérité dans l’exposé des objectifs par Hitler face au mensonge institutionnalisé du marxisme qui promet la lune en sachant pertinemment que son horizon indépassable est du pipeau. Marx l’exprime avec franchise et un cynisme avéré dans une lettre à Engels, disponible si l’on veut bien s’en donner la peine. Quiconque avait lu Mein Kampf dans les années Trente savait le sort que Hitler réservait aux juifs, alors que les meurtres de masse communistes ne figuraient pas sur la feuille de route des disciples de Marx. Sebastian Haffner donne une analyse imparable de cette évidence dans son « Histoire d’un Allemand ». Ce livre a tellement éclaboussé les historiens allemands qu’ils ont hurlé à l’imposture mais l’analyse du manuscrit a révélé leur propre turpitude. Nemo auditur…

  • « Le nazisme est essentiellement une négation de l’esprit des libertés.«  il en faut combien des « Archipel du Goulag « pour faire une relecture Maoïste , Castriste ,ou Khmers Rouges ! Les Frenchs Doctors étaient enamourés du Confrère Argentin Tortionnaire au béret et Cigare , sur les polos des « red Bourges « exposé par la maire de Paris récemment ! Encore une preuve que ….,
    Les oreilles ont des murs !
    C est extraordinaire ! Le pacte Molotov RIBBENTROP et les Massacres des officiers polonais de Katyn fait avec des pistolets allemands et leurs munitions pour faire une blague dans l histoire du moment !
    La petite musique « on ne tue que pour le CAMPDUBIEN «  toujours AUTOPROCLAMÉ , n en finit pas , et reprend de l echo depuis quelque temps
    !
    quand la lune voit le doigt du sage , elle ignore l imbécile !
    On comprend pourquoi il n y a pas eu de NURREMBERG du Communisme , et que le Mufti de Jérusalem y a échappé grâce a Georges Bidault et au billet d avion offert par la France !
    Le Veau est amnésique, et demande toujours la route de l abattoir !!

  •  » la dispute entre Camus, Sartre et Francis Johnson »

    ???
    Vous voulez parler de Francis Jeanson sans doute ?
    Francis Johnson…

    -1
  • « Un mort c’est un drame, un million de morts c’est une statistique. » – J. Staline –

  • hum ,si j’en crois mes lectures et le declarations de l’entourage de Staline , l’aboutissement ultime du communisme ce serait le…nazisme .. supprimez des gens parce qu ils sont juifs, tsiganes; homosexuels, ou atteints de maladies psychiatriques seraient pire que de tuer des gens parce qu’ils sont bourgeois ou rétifs à l’endoctrinement ou de mauvaise nationalité .Sinon quand le ghetto de Varsovie a été massacré par les allemands ,les Russes ont attendus, tranquillement , l’arme au pied, que le boulot soit fait, pour reprendre offensive …le nombre de juifs tués dans des progromes russe est colossal même si tous les pères du communisme étaient juifs .Comme le dit si bien un intervenant la différence est q ue les allemands ont perdu la guerre et pas les Russes, le mythe du communisme humain continue de perdurer et c’est en ce sens qu il ets dangereux aujourd hui ,l’homme nouveau est toujours à construire alors que le mythe du nazisme a disparu

  • Le grand probleme avec le communisme est que, par ses promesses, il camoufle les pires psychopathes derriere une aura morale d’égalité et de bonheur pour tous.

  • « la dispute entre Camus, Sartre et Francis Johnson. S’opposant à Camus, Francis Johnson aura des mots très clairs sur cette fin de l’histoire »

    Francis Jeanson enfin, pas « Johnson » !

    -1
    • Belle culture qui ne sait même pas lire le « Vous souhaitez nous signaler une erreur ? Contactez la rédaction » au bas des articles. Heureusement que d’autres le savent mieux, grâce auxquels ça a été corrigé.

    • Il s’agit de Francis Jeanson, pas de « Francis Johnson » :

      « la dispute entre Camus, Sartre et Francis Johnson. S’opposant à Camus, Francis Johnson aura des mots très clairs sur cette fin de l’histoire »

      -1
  • Une image vaut parfois mieux qu’un long discours :
    https://m.facebook.com/photo.php/?fbid=159048626807514

  • Avatar
    Jesuisunhommelibre
    22 avril 2023 at 0 h 28 min

    Il n’y a pas de différence entre l’holodomor et la shoah. Ite missa est

  • Vassili Grossman, admirablement analysé ce matin sur Répliques par les invités de Finkielkraut, est une autre référence de taille pour nuancer la thèse de monsieur Amselem. L’argument comptable est effectivement discutable mais il ne l’est pas moins que celui, repris hors contexte de Georges Steiner, qui distinguerait le nazisme par sa dimension ontologique. Il est mis en échec par l’élimination systématique des koulaks ou des Ukrainiens (Holodomor), qui, comme les juifs, représentaient « toute une catégorie de personnes humaines, les enfants compris, (qui)a alors été déclarée coupable d’être. Leur seul crime était d’exister et de prétendre vivre. » Par ailleurs, à l’instar de Simon Leys pour le maoïsme, Grossman apporte de l’eau au moulin de la supériorité de l’utopie communiste dans l’abjection morale par l’imposture de son monopole du Bien et sa vaine promesse d’ « aboutir à un monde perfectionné ». Cette usurpation a été reprise par toutes les mouvances gauchistes depuis, wokisme compris. Grossman est à ajouter à la longue liste des témoins et analystes convaincus que cette grosse ficelle n’est en rien susceptible d’octroyer un « bon point  » au communisme. Au mieux un point partout, balle au centre. Retenons du débat l’incapacité (des Français surtout) a considérer le libéralisme autrement que le négatif de l’utopie socialiste et la lecture de J.-F. Revel demeure à cet égard insurpassable.

  • La minoration des crimes du communisme parce qu’il aurait été « bien » inspiré est écœurante. Les deux sont des accès de folie de l’Etat, comme l’était aussi le Robespierrisme en France. Les deux sont du totalitarisme et les deux ont été l’enfer sur Terre. Et les ravages du communisme n’ont pas été restreints à l’Ukraine!
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    A ceux qui ne s’en souviennent pas, je rappelle la répression de l’insurrection hongroise et l’exécution infamante d’Imre Nagy. Je rappelle la répression de l’insurrection tchèque. Je rappelle le régime d’Henver Hodja en Albanie. Je rappelle le régime des Ceausescu en Roumaine.
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    Et je rappelle aussi les milliers de crimes arbitraires commis en Russie pendant des dizaines d’années, non seulement la mort des gens mais aussi l’éradication de tout souvenir liés aux crimes.
    Puisque certains cite ici des auteurs, je vous recommande « Une poignée de gens » d’Anne Wiazemsky, publié en 1998 chez Gallimard. Vous y verrez la haine à l’état pur ou si vous voulez, l’horreur, se déployer comme un incendie et brûlant tout.
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    Non, il ne faut pas chercher d’excuse au communisme qui a voulu appliquer dans le sang une idéologie stupide et perverse, le socialisme-étatique (une « science » disait-il), au mépris des règles du respect humain le plus élémentaire. Il n’y a pas de pardon, ni d’oubli possibles.

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