Les manipulations comptables des entreprises américaines sont en hausse. C’est la conclusion d’un rapport de recherche publié par le professeur d’économie Daniel Beneish dont les données ont été actualisées en mars 2023 pour le Wall Street Journal.
Développé dans les années 1990, le M-Score (ou score de Beneish) agrège 8 indicateurs comptables permettant d’identifier les entreprises qui manipulent leurs bénéfices. L’originalité de la dernière étude est d’appliquer le M-Score à 2000 entreprises. Les données compilées sous forme de graphique permettent de constater que les manipulations comptables augmentent rapidement quelques trimestres avant que l’économie n’entre en récession.
Lorsqu’une entreprise constate une baisse de ses profits, elle va user d’artifices comptables afin de masquer ce ralentissement et apparaître toujours aussi profitable aux yeux des investisseurs.
À cet effet, tous les moyens sont bons pour cacher l’état réel de l’activité :
- hausse des délais de paiement clients,
- augmentation de l’endettement,
- allongement de la durée de dépréciation des actifs.
Une entreprise peut toujours fournir de bonnes raisons à l’allongement des délais clients : elle peut ainsi livrer une machine en fin de trimestre (d’où la hausse temporaire des créances au bilan) et se faire payer le trimestre suivant. Cependant, lorsque le phénomène se répète pour un très grand nombre d’entreprises (de manière collective), cela a un impact sur l’économie. En effet, si la fraude d’une entreprise est avérée, ce sont ses actionnaires qui perdent de l’argent. Mais lorsque la fraude se généralise à plusieurs secteurs, ce sont de faux signaux économiques (car trop optimistes) qui se propagent et déclenchent des décisions d’investissement lourdes de conséquences pour l’économie en général.
Ce n’est pas le célèbre vendeur à découvert 1 Jim Chanos (avec à son actif la détection de plusieurs fraudes comme Enron et Wirecard) qui dira le contraire.
Il a même récemment déclaré : « we are in the golden age of fraud ».
La période de sortie du covid a en effet été l’une des plus spéculatives sur les marchés financiers, culminant en 2021 après une intervention continue des banques centrales pendant plus de dix ans. Les manipulations comptables permettent ainsi de prolonger la fête un peu plus longtemps, avant le dur retour à la réalité.
Le M-Score se trouvant aujourd’hui au niveau le plus élevé depuis 40 ans, cela indiquerait l’arrivée d’une récession et la fin prochaine du cycle de hausse des marchés. Ce qui, il faut bien le dire, ne pousse guère à l’optimisme.
- la vente à découvert est une technique consistant à parier sur la baisse d’un titre ↩
Très bon article. Je signale juste pour la petite histoire qu’il existe des alternatives au M-score en recherche académique.