Ukraine : un plan de paix chinois aux allures de leurre diplomatique

Il ne s’agirait que d’une opération de communication destinée à justifier le soutien de la Chine aux Russes suite au refus prévisible des Occidentaux et en particulier des Américains.

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Screenshot 2023-03-06 at 15-26-14 (3) Guerre en Ukraine la Chine veut éviter que la crise ne devienne incontrôlable • FRANCE 24 - YouTube

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Ukraine : un plan de paix chinois aux allures de leurre diplomatique

Publié le 7 mars 2023
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Un lieu qui sonne comme un bis repetita. Le 17 février s’ouvrait à Munich la traditionnelle conférence sur la sécurité internationale.

À quelques jours du premier anniversaire du confit russo-ukrainien, cet événement a été le théâtre d’un discours prononcé lors du deuxième jour du sommet par Wang Yi. L’homme de 69 ans, diplomate de profession, domaine où il a été introduit par son beau-père, a consacré l’immense majorité de sa carrière aux très tendues relations sino-japonaises, notamment entre 1989 et 1994 puis de 2004 à 2007, période durant laquelle il fut ambassadeur de Pékin dans la péninsule.

Ministre des Affaires étrangères de 2013 à 2022, Wang Yi est depuis le 1er janvier directeur du bureau central des affaires étrangères, véritable organe dirigeant de la diplomatie chinoise.

Son discours à Munich peut se résumer en un mot : paix. Un mot prononcé près d’une trentaine de fois mais qui n’empêchera pas le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken de qualifier sa rencontre avec son auteur de « franc et direct », entendez « conflictuel ».

En cause : les soupçons occidentaux de soutien matériel déguisés de la Chine à l’agresseur russe. Des soupçons vigoureusement démentis alors que ce 24 février, date d’anniversaire du conflit, la Chine a mené une tentative d’offensive diplomatique dans la résolution pacifique du conflit en présentant ce qui est présenté comme un plan de paix.

 

Des concernés apathiques

Deux jours avant cet anniversaire, Vladimir Poutine évoquait la possibilité de déployer des missiles Sarmat, des missiles intercontinentaux, testés pour la première fois en avril 2022 et capables de transporter près d’une dizaine d’ogives nucléaires. Une preuve de plus que la volonté de paix n’était pas partagée par le Kremlin.

À cette volonté de continuer le conflit s’ajoute l’absence de consultation de l’Ukraine. Après la conférence de Munich, Wang Yi a en effet mené une tournée diplomatique en Hongrie puis en Russie en oubliant volontairement Kiev.

Malgré ce contexte, la Chine a donc tout de même proposé un plan de paix. Le texte, paru sur le site de son ministère des Affaires étrangères, se décompose en deux points : l’appel à la désescalade et la demande d’un cessez-le-feu basé sur le dialogue.

Le texte mentionne ainsi l’opposition de Pékin à la menace atomique, la crise humanitaire et la nécessaire fin des sanctions.

 

Un non-agir de façade

Ce texte n’étonnera personne tant la politique étrangère chinoise est faite d’à-coups visant à renforcer les intérêts de la puissance asiatique sur le long terme. Une politique qui semble suivre les préceptes taoistes, l’un des très ancrés trois piliers de la pensée chinoise notamment fondé sur le concept du « non-agir », des actions précises, ponctuelles en opposition à une forme d’acharnement.

Cette pensée semble continuer de guider la diplomatie chinoise mais uniquement en apparence puisque depuis le début du conflit, Pékin se veut officiellement neutre. Une neutralité contrainte car dès mars 2022, les États-Unis ont fait pression sur l’État communiste pour empêcher la livraison d’armes à la Russie.

Malgré cela, la Chine continue d’acheter des ressources à bas prix au plus vaste État du monde.

À ce soutien passif s’ajoutent des soupçons d’aide, cette fois active et malgré les démentis de la diplomatie chinoise, d’entreprises « privées ». Des guillemets de circonstances lorsqu’on sait que la Chine, comme la France, a une fâcheuse tendance à brouiller les pistes entre privé et public. Un brouillage habituel partout dans le monde s’agissant d’un secteur aussi stratégique que l’armement.

 

Un discours digne de Miss France

Dans son treizième bulletin géopolitique paru le 27 février, l’avocat et historien spécialiste de géopolitique Philippe Fabry est revenu sur ce plan, qu’il décrit comme une simple suite de principes.

En effet, la définition d’un plan de paix est une convention précise avec des concessions concrètes et réciproque. En l’état, le dit « plan de paix » n’en a donc aucune caractéristique et s’apparente davantage à un discours digne d’un concours de beauté en prime time le samedi soir qu’à autre chose.

Alors, quel est l’intérêt de Pékin d’avoir publié ce texte ?

Selon l’historien, il ne s’agirait que d’une opération de communication destinée à justifier le soutien de la Chine aux Russes suite au refus prévisible des Occidentaux et en particulier des Américains, renforçant ainsi l’aspect de guerre par procuration, c’est-à-dire un conflit militaire n’impliquant qu’indirectement deux puissances. L’expression, née durant la guerre froide, a ainsi désigné une vingtaine de conflits militaires depuis 1946, à la manière de la guerre de Corée ou du Vietnam.

 

Paroles, paroles …

Et pour cause, puisque ce plan peut également s’apparenter à un programme politique mondial, voire à des promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent, selon l’expression corrézienne bien connue inventée par l’ancien président du Conseil et natif de Neuvic, Henri Queuille puis évidement reprise par Jacques Chirac.

Et preuve en est : le jour même de la parution du plan de paix, le 24 février, le journal allemand Der Spiegel révélait que la Chine s’apprêterait à livrer à Moscou des drones kamikazes.

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  • Merci de donner le détail du plan de paix chinois, les descriptions sommaires et orientées qui semblent les seules accessibles sur internet à qui ne maîtrise pas le mandarin ne permettent pas de se faire une opinion.

    • Effectivement !
      En ce moment, on découvre quelques articles sur Contrepoints qui ne brillent pas des données sourcées (en français), des informations éclairées et des positions neutres et pondérées…

  • Cet article donne l’impression (fâcheuse?) que la paix n’est vraiment pas à l’ordre du jour de quelque côté que l’on se tourne !

  • Plan de paix ? ou tentative de prendre la main sur l’évolution de la guerre économique entre l’oncle SAM et la Chine et ses « satellites » (dont l’Inde). Il semble que cette guerre dont la partie visible se situe en Ukraine soit la partie émergente d’une contestation mondiale du dollar US en matière économique. Il semble aussi que Poutine ait « flanché » contrairement au « jeune » Kennedy lors de l’affaire des missiles de Cuba devant les « provocations » de Biden, estimant que Zelinsky était un clown et qu’il le détestait car non issu de la nomenclatura …. L’avenir nous le dira, mais la chine lorgne sur les composants de Taiwan et ce n’est pas fini.

  • L’auteur découvre la diplomatie, concept utilisé par TOUS les pays du monde (et encore plus par des pays comme les US et la France).
    « Une neutralité contrainte car dès mars 2022, les États-Unis ont fait pression sur l’État communiste pour empêcher la livraison d’armes à la Russie.
    Malgré cela, la Chine continue d’acheter des ressources à bas prix au plus vaste État du monde. »
    Je ne préfère par relever l’incohérence de logique dans ce paragraphe… Mais il est bien de rappeler à l’auteur que nous aussi, nous continuons d’acheter les ressources « au plus vaste Etat du monde », sauf que nous, nous l’achetons à plein prix, car passant par des « gentils » intermédiaires, mais c’est ça combattre Poutine, comme prendre une douche froide, « F Poutine ! » 😉

  • Le plan de paix proposé par la Chine n’est pas véritablement destiné à l’Ukraine et la Russie. Il est destiné à l’occident et sert à montrer au reste du monde l’absence complète de volonté occidentale de discuter de paix.

    Le reste du monde est très circonspect vis-à-vis de la guerre ukrainienne et des discours occidentaux chargeant la Russie de tous les maux car il a accès à de multiples sources d’information. Le phagocytage de l’information par des médias mainstream « aux ordres » du narratif ukrainien et US en occident, n’a pas lieu dans la plupart d’autres pays hors occident.
    Sûr de leur supériorité tant morale qu’économique, les USA ont de suite rejeté avec condescendance le plan chinois alors que la Russie l’a en grande partie approuvé. Quand on se targue de vouloir la paix et qu’une grande puissance propose un plan en ce sens, le minimum de diplomatie est de s’assoir à la table des négociations et de discuter quitte à s’en retirer dans un second temps pour inadéquation. Les chinois et la Russie auraient été ennuyés si les USA l’avait fait.
    En rejetant ce plan d’emblé, les autres pays hors-occident ont compris (une fois de plus d’ailleurs) que les USA n’était en rien des fauteurs de paix mais avait une volonté d’en découdre avec le sang des autres pour réduire un Etat qui leur résiste.
    Cela ne pourra qu’encourager bcp d’autres Etats à ses tourner vers les BRICS+ et l’OCS et à se dégager de l’emprise du dollar pour adopter d’autres monnaies de réserve.
    En ce sens, le plan de paix de la Chine et son rejet immédiat par l’Occident, est un grand succès pour la diplomatie chinoise.

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