Comment est déterminée la valeur des choses ?

Si vous cherchez à savoir quelle est la différence entre la valeur et le prix, la plupart du temps on vous dira que c’est la même chose. Qu’en est-il réellement ?

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Comment est déterminée la valeur des choses ?

Publié le 14 février 2023
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En ce qui concerne la valeur des choses, faites l’essai de demander à votre entourage comment se déterminent les prix ?

On vous répondra soit qu’on n’en sait rien, soit que c’est par l’offre et la demande, soit que ce sont les marges que prennent les différents intervenants y compris les fabricants. Si vous cherchez à savoir quelle est la différence entre la valeur et le prix, la plupart du temps on vous dira que c’est la même chose.

Qu’en est-il réellement ?

Il a été posé que le travail représente la valeur absolue d’un bien. Il est également de toute évidence que la concurrence et la négociation, aussi appelées « l’offre et la demande », interviennent dans son prix.

Le propos serait alors contradictoire puisqu’il existerait deux moyens d’évaluer un même objet :

  1. D’une part le travail pour le fabriquer
  2. D’autre part l’intensité avec laquelle on négocie son prix

 

Pour être plus près du réel, on peut illustrer la question de la façon suivante : lorsqu’une mauvaise récolte provoque une pénurie, un cultivateur vendra plus cher sa marchandise alors qu’il aura travaillé le même temps. Si à l’inverse la récolte est abondante, il se trouvera contraint de vendre moins cher pour un même travail. Comment dans ce cas prétendre que le travail en est la mesure, puisque la force du marché va en modifier le prix ?

Ce fut David Ricardo qui formula la réponse définitivement :

« C’est le coût de production qui détermine en définitive le prix des marchandises, et non, comme on l’a souvent dit, le rapport entre l’offre et la demande. »

On pourra être surpris, douter même de la réalité d’une telle assertion. Mais alors où est le bon sens, que penser ?

Si dans le cas évoqué le paysan ne peut plus subvenir à ses besoins faute d’une récolte suffisante, il est évident qu’il va en hausser le prix, sous peine d’être contraint de devoir mettre un terme à son activité.

Mais que doit-on voir dans cette hausse ? Rien d’autre que la modification de son coût de production qui détermine la valeur de sa récolte. Autrement dit, lorsque l’on parle de pénurie ou de surproduction influant sur les prix, on ne doit pas mettre en cause un marché dont le besoin moyen reste à peu près stable, mais les variations dues aux aléas de la fabrication. Ceci n’est évidemment valable que dans un marché libre, c’est-à-dire sans intervention de l’État. Si des contraintes règlementaires ou des quotas interviennent, ce sont eux qu’il faudra considérer pour comprendre les mouvements du marché. Les modifications opérées par ces quotas seront directement proportionnelles à leurs rigueurs et influenceront du même coup les prix.

Dans le cas où l’État est en charge lui-même de la production, cette organisation centralisée utilisera également le meilleur des moyens dont elle dispose afin de servir les consommateurs. Quel que soit le système choisi, les coûts des produits resteront essentiellement déterminés par les contraintes liées à leur fabrication.

Suite à ce qui vient d’être dit sur les prix de production, que se passe-t-il en aval, juste après que les distributeurs se sont approvisionnés chez les producteurs ?

Dans un marché libre, ces commerçants ont fait leurs achats à certains prix, ils ne peuvent plus modifier ce qu’ils proposent ou très peu. Ils débutent les ventes avec un résultat dont la limite leur est déjà connue, calculée sur des coûts de revient déjà payés. S’ils peuvent vendre plus cher c’est une aubaine, mais dans la plupart des cas un marché ouvert ne le permet pas, ou seulement pendant un laps de temps court. En deçà d’un certain prix ils perdront de l’argent et ne maintiendront pas cette offre. Ils se retourneront alors vers les fournisseurs, seuls capables de modifier réellement la donne.

Pour cette raison, ceux-ci revoient en permanence leurs moyens de production, en bref ils améliorent constamment la division du travail. Tout cela doit être planifié sur plusieurs mois ou plusieurs années en fonction des biens considérés. C’est pour cette raison qu’ils n’attendent pas qu’on leur demande quoi que ce soit et anticipent continuellement les évolutions possibles du marché. Les meilleurs sont évidemment ceux qui arrivent à voir clair avant les autres. Observateurs méticuleux de la demande, ils investissent vers de nouveaux horizons, on peut même affirmer que leur métier trouve dans cette fonction créatrice sa plus belle expression.

En bout de chaîne, les utilisateurs ne font que réagir à une offre déjà entièrement construite, assortie de prix fermement établis, même s’ils engagent parfois la discussion afin d’obtenir quelques avantages. Il s’agit d’une relation constante entre un marché avide des meilleures conditions possibles, face à une production lente à se modifier. Cette dernière possède cependant une portée définitive quant au résultat. David Ricardo prend l’exemple d’une fabrique de chapeaux où l’on a réussi à diminuer fortement les coûts de fabrication. Il affirme que, même si la demande devait doubler ou tripler, leurs prix baisseraient nécessairement sur le marché. Il avait parfaitement raison, la suite de l’histoire vérifiera ses dires. En condensé, on peut dire que le marché ajuste les prix mais ne les détermine pas.

Il existe toutefois deux exceptions au fait que le prix de production détermine la valeur.

Une première famille est celle des marchandises non reproductibles. Elle est constituée par les œuvres d’art et les objets de collection. Il est certain qu’une bague datant de l’époque romaine ne sera pas évaluée par le seul travail qu’il faudrait pour la fabriquer à nouveau. Elle est en réalité non reproductible quelle que soit la qualité envisagée. L’explication est en fait une tautologie, ces biens échappent aux mécanismes de production tout simplement parce qu’ils ne peuvent plus être produits.

Une seconde famille de marchandises n’est pas non plus directement liée au travail quant à son coût. Elle est définie d’après un critère simple : la rareté permanente. Cette contrainte empêche définitivement toute fabrication en quantité. Les pierres précieuses ainsi que toutes les matières premières peu courantes ou celles en train de le devenir constituent cette catégorie.

En définitive, que tout ceci ne vous empêche surtout pas d’être satisfaits d’obtenir de bonnes remises quand vous faites vos emplettes. Trouver les meilleurs prix reste efficace pour gérer son propre budget. Par contre, en ce qui concerne l’évolution d’une société, voire d’une civilisation, ce critère n’est en rien déterminant. Les comparaisons à long terme livrent une vision très différente de ce que l’on perçoit immédiatement avec facilité.

 

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  • Créez un objet moche et inutile, ou un service qui ne sert à rien, quelle est leur valeur ? Zéro.

    Ça fait au moins une 3ème exception au fait que le prix de production détermine la valeur.

    • … et on peu ajouter que pour ce genre d’exemples, on est très loin de la notion de rareté.

      • En effet ! Si le coût de production des chapeaux baissent c’est parce qu’il y a une offre d’un certain niveau, elle-même déterminée par un certain niveau de demande. On ne peut pas affirmer que c’est la production ou le rapport offre/demande mais parfois l’un parfois l’autre parfois les deux. Pour un nouveau produit c’est le prix de production qui fait loi. Si le produit rencontre une demande suffisante, l’offre va se développer et impacter le prix de production. Le prix de production fixe la valeur basse et l’offre et la demande la valeur haute.
        Je peux ainsi affirmer que la valeur d’un bien fabriqué est déterminée par l’offre et la demande dans la limite du coût de production.

    • D’où l’utilité de faire une étude de marché soigneusement documentée pour vérifier, avant d’engager des moyens de production, que la demande existe en quantité et en qualité pour que l’ajustement entre coût de production et prix de marché puisse se réaliser. L’auteur ne dit pas autre chose ( même implicitement?)
      « Observateurs méticuleux de la demande, ils investissent vers de nouveaux horizons, on peut même affirmer que leur métier trouve dans cette fonction créatrice sa plus belle expression. »
      En clair, entreprendre quoi que ce soit sans avoir une vision claire de ses objectifs et des résultats que l’on peut en attendre conduit assurément à la faillite!

    • Un objet moche et inutile ? Vous parlez des ronds-points, là ?

      • Ne rentrent pas exactement dans le cadre: ce sont des réalisations collectives décidées par l’Etat et les élus, réalisées avec l’argent des autres, et dont l’utilité de nombre d’entre eux reste à démontrer. Le coût de ces machins est souvent exorbitant ( faut bien graisser les copains), le prix astronomique ( payé par le contribuable). Par contre la valeur: nulle. ( Et en plus comme pour les ralentisseurs, ça coûte un bras pour les démanteler!)

        • Leur valeur est inestimable, ce qui est très différent de nulle. Ils répondent à le demande de popularité auprès des électeurs décisifs, et il n’y a pas d’offre concurrente.

  • Si les clients ne se décidaient qu’en fonction du prix, ça se saurait ; mais la qualité rend tout de suite les choses plus complexes.

  • Votre article est très incomplet il ne teint pas compte de la valeur ressentie et/ou calculée par celui qui achète le bien ou le service. Exemple : une personne achète un ordinateur et se voit proposé par le vendeur un contrat d’entretien couvrant tous les risques de pannes. Si l’acheteur est un notaire ou un avocat qui ne possède peut-être qu’un seul ou deux appareils, devant le risque que constitue pour lui l’indisponibilité de son outil de travail il acceptera la proposition même pour un prix élevé. Si l’ordinateur fait parti d’un grand nombre des appareils du même type dans une banque ou une assurance, l’immobilisation d’un appareil ne pénalisera pas beaucoup l’entreprise. IL y a de forte chance que la proposition de contrat sera rejetée sauf à des conditions très différentes en terme de rapidité et de performance demandées.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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