Du permis à point au permis par abonnement

Progressivement, le droit de conduire risque de devenir donc un privilège octroyé de façon de plus en plus arbitraire et discrétionnaire.

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Permis de conduire by mallol(CC BY-NC-ND 2.0)

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Du permis à point au permis par abonnement

Publié le 27 janvier 2023
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Avec l’augmentation récente (aussi soudaine que purement coïncidentale) des accidents vasculaires cérébraux et des crises cardiaques, il n’est pas inenvisageable de voir quelque peu augmenter le nombre de blessés et de morts sur les routes. Voilà donc l’occasion rêvée de sensibiliser les foules à une nouvelle problématique (comprendre : insérer de la nouvelle propagande aux forceps) : le permis de conduire ne peut pas continuer à être attribué à vie, sans vérification régulière de la validité de son détenteur, enfin, voyons !

C’est en tout cas ce que fait comprendre la presse avec quelques articles parus ici ou afin de commencer dès à présent d’imbiber les cerveaux des Français avec les notions indispensables au succès de cette nouvelle mesure, prévue quelque part pendant l’été, période propice aux petits coups de poignards républicains.

Tout part d’un constat : la France, comme l’Allemagne ou la Pologne, attribue son permis de conduire à vie et ne le conditionne pas à autre chose qu’un examen initial et au respect du Code de la route, au contraire d’autres pays où il est assorti d’un contrôle régulier de l’état de santé. Et devant cette absence, le citoyen français (comme l’Allemand et le Polonais, d’ailleurs) est alors laissé à son seul discernement ce qui, bien évidemment, revient à filer une mitraillette à un enfant : le voilà donc qui continue à prendre le volant malgré son âge, ses déficiences, et qui, dès qu’il le peut, vient s’encastrer dans une jeune fille qui passait par là dont l’histoire servira ensuite d’illustration au projet de loi que plusieurs députés vont nous fignoler fissa ce printemps pour un vote discret et unanime fin juillet, juste avant de boucler la session parlementaire et de partir faire des pâtés de sable sur les plages rôties par le soleil aoûtien.

Cette mesure est bien évidemment indispensable : d’une part, les autres le font (donc c’est une bonne idée). D’autre part, cela va éviter des accidents (peut-être). Enfin, ce ne sera l’occasion d’aucun débordement ni d’aucune dérive, ce qui garantit un succès inévitable.

Car oui, ce sera facile à mettre en place. Pensez donc ! Il s’agit essentiellement de s’assurer que le titulaire du permis est apte à conduire son véhicule, ce qui signifie, sauf à vouloir instaurer un contrôle poussé particulièrement complexe et coûteux à mettre en place, qu’un médecin va essentiellement vérifier la vue et les réflexes de base du conducteur (et encore), ce qui ne voudra à peu près rien dire. Le nombre d’accidents évités frôlera peut-être douze à l’année (les bonnes années) mais on n’en saura rien car en pratique, ce nombre sera à peu près impossible à évaluer. Et puis rassurez-vous : les rodéos motocyclistes et autres courses sauvages sur périphérique se réalisant sans permis, elles continueront sans le moindre souci.

Mais au moins, le législateur et les forces publiques auront agi pour éviter ce fléau : en produisant une loi finement ouvragée au moment propice – c’est-à-dire lorsque le pays, devenu de Cocagne, n’a plus guère d’autres soucis importants à gérer en priorité – la France continuera sa marche vers un progrès douillet de sécurisation totale de sa population en multipliant les législations bâties sur des cas de plus en plus spécifiques et rares.

Même s’il est vrai que l’acharnement électoral à désigner des élus toujours plus stupides et veules tendrait à prouver que les citoyens ne sont plus tout à fait au taquet intellectuellement, cette nouvelle initiative législative revient, une fois encore, à les traiter comme des imbéciles, en oubliant complètement (sciemment ?) toute possibilité de les responsabiliser. Du reste, faire une erreur de conduite (aussi grave en soient les conséquences) peut arriver à tout le monde et la multiplication des examens n’y changera rien.

Notons que comme à chaque fois, tout part d’une bonne intention dont l’enfer est pavé et d’un désir d’encoussiner un peu plus la populace dans une camisole de force législative molletonnée, de ce désir de protéger tout le monde et tout le temps, maintenant typique des institutions en déliquescence avancée. Et la protection de tous, tout le temps et quoi qu’il en coûte, cela marche très bien : nous en avons eu un petit aperçu ces dernières années, et quelle réussite cela fut !

Cependant, l’introduction de ces mécanismes supplémentaires ouvre de nouvelles opportunités républicaines et festives revigorantes !

Ainsi, une fois « le nouveau permis » instauré, tout sera bien cadencé, et ses détenteurs feront la queue chez le médecin pour obtenir le précieux sésame administratif… chaque année parce que le lobby des médecins, travaillant le législateur au corps, aura trouvé une autre rente (avec celle des certificats scolaires et les certificats d’aptitudes pour les sports en association). Les assureurs y verront une nouvelle façon d’augmenter les primes et diminuer les indemnités versées, et les forces de l’ordre l’opportunité de pruner avec joie ceux qui n’auront pas eu leur petit coup de tampon qui va bien. Il n’est pas loin le temps où l’on pourra même utiliser un prétexte d’invalidité politique subite pour séparer de leur volant ceux qu’on voudra punir.

Mieux : en rendant l’examen de plus en plus restrictif, on va pouvoir moduler habilement la population apte à se déplacer en voiture. Pratique, lorsqu’on cherche par tous les moyens à sucrer la voiture des habitudes citoyennes !

Progressivement, le droit de conduire devient donc un privilège octroyé de façon de plus en plus arbitraire et discrétionnaire ; puis, un beau matin, un abonnement soumis aux desideratas du pouvoir en place.

Le succès est dès lors garanti !

panneaux routiers

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  • Pensé ou non, on peut constater que presque toutes la volonté politique mène vers une direction de pétrification : bloquer l’initiative, la mobilité .

    14
  • Jadis, nous fûmes sauvés par l’âge du Capitaine. L’administration de la Sécurité routière n’avait pas osé faire du tort au vieux Chirac. La visite médicale de nos anciens fût abandonnée.
    Aujourd’hui, le Capitaine a rajeuni. D’aucuns pourraient vouloir remettre le couvert. Mais l’électorat du Capitaine, lui, est resté vieux. Serait-il judicieux de le stigmatiser ? De l’accuser d’accidentogénisme ? Après les Gilets jaunes ? Et alors que les statistiques rappellent année après année que le danger vient surtout des jeunes permis ?
    La Sécurité routière pourrait vouloir oser – c’est à cela qu’on la reconnaît souvent – défier Jupiter ou la Raison. Sa directrice approche du départ. Veut-elle sa robe de goudron et plumes ?

  • Notre état se dévoile : tous les moyens sont bons pour supprimer le droit individuel à se déplacer. C’est vrai, à quoi ça sert que nos élus nous mettent à disposition des trams, des bus, des métros et des RER/TER qui puent, qui sont sales voire hyper pollués aux particules fines comme les métros ?
    Ou même des trains qui permettent au gouvernement de savoir qui se déplace et quand et qui sont toujours en retard.
    Et puis, c’est jouissif de voir ces sans-dents qui s’agitent pour se déplacer pendant une grève, comme les fourmis qui s’exitent après avoir reçu un coup de pied dans leur fourmilière.

    • Pire que feront les personnes âgées en l’absence de transport en commun ,comme le plus souvent dans nos campagnes, pour aller faire les courses ?
      Car les médecins, rendus responsables en cas de décès suite à un coup de tampon jugé, à posteriori, injustifié, auront toutes les raisons d’être très prudent, voir de ne se fier qu’à l’âge…ou à juger au doigt mouillé…

      • Eh bien les vieux mourront plus vite, ce qui est excellent pour l’équilibre des retraites, les économies de la sécu et l’accélération du rendement des « droits » de succession. Une aubaine inespérée, quoi.🌝

  • Dans la continuité de certains billets de ce jour nous voyons bien que tout est fait pour déresponsabiliser,infantiliser, culpabiliser, décourager, et de prôner l apocalypse par une frange de gourous .
    Les citoyens s enferment dans un climat de désespoir,de suspicion,de peur qui les amènent dans une névrose terrible.
    Tout cela.organiser par un état avec une armada de fonctionnaires,de média,de sois disant spécialiste en tout genre tout est bien huilé pour que toute cette clique reste en place

  • Une visite médicale ? oui, mais où sont les docteurs ? c’est mal parti…

    • C’est le but. Les médecins seront satisfaits, à un moment où ils demandent un doublement de leurs honoraires, et l’usage des voitures sera découragé. Impossible par exemple de s’extraire d’un désert médical : pas de transports en commun ni de droit à la voiture.

  • Je renouvelle mon permis californien tous les cinq ans ou plus si je n’ai commis aucune infraction. Je remplis un quiz sur le code, conduis un inspecteur autour du pâté de maisons et dois lire quelques lettres sur un tableau: si je dis « quel tableau? », on me renouvelle le permis de conduire comme pour tous les aveugles en y apposant la mention « not valid for driving ».
    Pour conserver sa « FAA private pilot licence », depuis quelques années il n’y a plus de visite médicale, elle est valable à perpétuité à condition de prendre conseil périodiquement avec un médecin généraliste de son choix et un simple instructeur de son choix. En revanche, en cas d’infraction, on déguste …

  • Les accidents des personnes âgées sont assez précisément dénombrés; ce sont les autres, plus nombreux, que l’on veut ignorer car plus difficiles à cerner ou à prouver. On est d’ailleurs à fond pour le contrôle médical tant qu’on ne sera pas encore vieux. Mais tout cela découle d’une pensée obsolète. Le bientôt principal fautif est déjà connu : l’assistance numérique.

  • Vu le capitalisme de connivence, ce qui va se passer c’est plutot une obligation de payer un certain nombre d’heures dans une auto ecole car ils se plaignent de ne pas gagner assez et il y aura obligation de repasser le permis car forcement en France il faut que ca passe par au moins un représentant de l’Etat.

    Donc, comme d’habitude ca va couter tres cher aux citoyens, du stress car risque de ne plus pouvoir rouler, énorme perte de temps du fait de la lenteur administrative et du manque d’inspecteurs et puis bien sur toujours plus de fonctionnaires.

  • Pour aller bosser :
    – aucun transport en commun n’y va ;
    – l’application me dit qu’il me faut plus d’1 heure en vélo ;
    – il a neigé ces dernières semaines ;
    – il a fait -11° le mois dernier, -6° cette semaine, 42° pendant l’été 2022.
    Y en a qui devraient se sortir la tête du c..

  • Les commentaires sont fermés.

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