À l’occasion de la sortie de son nouveau livre Le Déclin d’un monde, Contrepoints a interviewé Jean-Baptiste Noé, un contributeur régulier de nos colonnes. Il est aussi le rédacteur en chef de la revue de géopolitique Conflits et directeur d’Orbis géopolitique. Il est docteur en histoire (Sorbonne-Université). À la fois libéral et spécialiste des questions de géopolitique, il nous livre son analyse du monde actuel et de la situation française.
Entretien réalisé par Alexandre Massaux, journaliste à Contrepoints.
Contrepoints : Vous faites référence à l’école française de géopolitique. Pouvez-vous la décrire et nous dire comment elle influence votre grille de lecture ?
Jean-Baptiste Noé : Lorsque naît la géopolitique à la fin du XIXe siècle, plusieurs écoles nationales se dessinent : allemande, anglaise, française, etc.
L’école française de géopolitique a été fondée essentiellement par des géographes, comme Paul Vidal de la Blache et son gendre Emmanuel de Martonne. Elle insiste sur la notion d’échelles, d’analyses multiscalaires, sur l’étude des paysages, des constructions géo-historiques et des représentations intellectuelles.
Dans la géopolitique, il y a bien sûr l’étude de la diplomatie et des relations internationales, mais pas seulement. On y adjoint aussi de l’économie, de l’histoire, de l’art, de la criminologie. C’est ainsi que l’on peut comprendre la multiplicité des phénomènes et disposer d’une vision globale des rapports de force dans l’espace.
En 1950, la géopolitique a été officiellement interdite à l’université sous le prétexte fallacieux que les nazis ayant utilisé les théories des géopoliticiens allemands, elle était une discipline nazie. Il a fallu attendre les années 1980, et plus encore les attentats du 11 septembre 2001, pour qu’elle revienne en force dans le champ intellectuel. Aujourd’hui nous avons l’effet inverse : trop invoqué, le mot « géopolitique » finit par désigner n’importe quoi et par perdre de sa rigueur scientifique. Un des objectifs de l’ouvrage est de préciser à nouveau les choses pour redonner toute sa légitimité scientifique à cette discipline.
Vous mentionnez le danger du sentimentalisme dans l’analyse géopolitique et plus généralement politique. Est-ce que nos analystes et décideurs sont incapables d’avoir une pensée complexe ?
Le pays de Descartes et du logos est en train de s’effacer au profit du sentimentalisme et du mythe. C’est une régression intellectuelle majeure qui touche de très nombreux sujets de réflexion. On le voit notamment sur le dossier énergétique. Lionel Jospin est le premier à avoir démantelé l’industrie nucléaire pour essayer de grappiller quelques voix écologistes. Une politique de démantèlement poursuivie par ses successeurs dont nous payons aujourd’hui les conséquences.
Dans le domaine écologique tout n’est que sentimentalisme, sensation, ressenti. Les scientifiques ont énormément de mal à se faire entendre. On peut dire la même chose des sujets économiques : le socialisme se nourrit du sentimentalisme, développe une pensée simpliste, certes fausse, mais qui parle au cœur du plus grand nombre. La réflexion logique est déroutée, car elle ne sait pas comment renverser la machine sentimentale.
Le problème du sentimentalisme est qu’il engendre des guerres et des drames humains. Dans les années 2000, lors de débats sur les porte-avions, Jack Lang expliquait qu’il ne fallait pas mettre l’argent public dans l’armement mais dans l’art et la culture. Technique oratoire et sentimentale classique : bien évidemment que l’on préfère la paix à la guerre. Pourtant, la guerre en Ukraine d’aujourd’hui nous montre bien l’importance pour les nations de disposer d’une armée digne de ce nom afin d’assurer leur sécurité et donc la paix de leur population.
C’est au nom du sentimentalisme que l’on cherche à propager la démocratie à travers le monde et donc que l’on fait la guerre à l’Irak et à la Libye. Ou bien que l’on refuse de voir que derrière les drames migratoires interviennent des réseaux criminels multinationaux qui s’enrichissent sur cette traite humaine.
Quand on lit votre ouvrage, on voit que malgré leurs atouts, la France et plus généralement les pays de l’UE ont du mal à s’imposer sur la scène internationale, au détriment de puissances extra-européennes. L’Europe est-elle sortie de l’Histoire ?
Pour exister, il faut une volonté d’existence. Voulant tirer profit des « dividendes de la paix », les pays d’Europe ont tenté de nier l’existence de l’histoire et de son tragique. Ils ont voulu vivre dans un présent perpétuel qu’ils espéraient doux et joyeux. C’est malgré eux que l’histoire les a rejoints. Avec la violence des groupes terroristes, avec les crises migratoires, avec la présence de la guerre sur son sol.
Cela s’exprime très bien dans le mythe de la paix en Europe. Depuis 1945, les Européens ont connu de nombreuses guerres sur leur continent : guerre froide, Yougoslavie, attentats d’extrême gauche dans les années 1970, guerre en Irlande, mouvements indépendantistes basques et corses, etc. Mais en dépit de cette réalité de la guerre, sur son sol même ; en dépit du bruit des armes et des morts engendrés, ils ont nié la présence de la guerre en développant le mythe d’un continent en paix depuis 1945. Il a fallu la violence de la guerre en Ukraine pour que ce mythe vole en éclats et que les Européens reconnaissent la réalité de l’histoire.
Une partie non négligeable de votre livre se concentre sur l’économie. Vous offrez une analyse positive du capitalisme et des échanges dans le développement des territoires et des populations. C’est un élément qui n’est pas toujours mis en avant. Y a-t-il un biais anticapitaliste dans le milieu français de la géopolitique ?
Il y a un biais anticapitaliste dans tout le milieu intellectuel français, pour des raisons bien étudiées par Raymond Boudon. À cela s’ajoute en géopolitique le fait que beaucoup de chercheurs se focalisent uniquement sur la diplomatie et les relations internationales, oubliant complètement la question économique, notamment le rôle des entrepreneurs et de la monnaie. C’est un domaine qui est inconnu de beaucoup de chercheurs et très mal maîtrisé par la plupart d’entre eux. Avec un aspect spécifique en géopolitique : on étudie beaucoup les États et leur action dans le concert des nations. Cela renforce chez certains le culte de l’État et la croyance dans son rôle démiurgique. Il est ensuite facile d’accuser la mondialisation de tous les maux, notamment de la désindustrialisation, par refus de voir que cela n’est que la conséquence d’un mal français.
C’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup insisté sur les aspects économiques ainsi que sur la question éducative, car il n’y a pas de grande puissance sans un peuple correctement formé.
Jean-Baptiste Noé, Le Déclin d’un monde: géopolitique des affrontements et des rivalités, Broché – livre grand format, 26 octobre 2022, pages 288 et suivantes.
Merci pour l’éducation c’est fondamental.
Plutôt instruction qu’éducation. Parce que les dogmes n’ont rien de formateur.
« les pays d’Europe ont tenté de nier l’existence de l’histoire »
A mon opinion, on lit dans le texte un arbitraire universitaire.. ce qui est le problème central des pays qui adoptent un système éducatif et scientifique contrôlé par l’etat. DANGER…
L’autorité scientifique n’est pas détenus par personnes mais le respect d’une méthode.
Nos problèmes viennent en partie de la reconnaissance de l’autorité d’universitaires..qu’il existe des gens dont l’OPINION est plus importante que d’autres..
Par rapport à l’importance que prend le « consensus scientifique » et sa prise en compte dans les décisions politiques, la géopolitique et le déni de l’hsitoire me feraient sourire.
J’espere toujours que la décision de se séparer du pouvoir politique viendra des scientifiques..
mais à part ça… problèmes banals des systèmes démocratiques.
“J’espere toujours que la décision de se séparer du pouvoir politique viendra des scientifiques.”
C’est un message central pour l’AFIS, association animée essentiellement par des scientifiques.
L’école n’enseigne plus l’histoire, la chronologie, pilier de l’organisation cérébrale des connaissances. Ainsi on fabrique des zombies qui confondent Causes et conséquences, tenants et aboutissants, Hypothéses et conclusions, qui revent d’un avenir sans passé.
Parallélement a cette abrutissement institutionnel, les medias numeriques ont multipliés par millions les infos et les données de toutes sortes, a une vitesse multipliée par des millions par rapport aux moyens traditionnels, ces données souvent inverifiées, arrivant dans des cerveaux ou le classsement et organisation n’ont pas été prévus, fabriquent des Malades mentaux de toutes sortes que l’on peut catégorisées, pour debuter, en écolos, en LGBTQ, en gochos, antispécistes, Zadistes, Wokistes, Genristes, etc… Méme les categories explosent.
L’école n’enseigne plus l’histoire, la chronologie, piler de l’organisation d=cérébrale des connaissances. Ainsi on fabrique des zombies qui confondent Causes et conséquences, tenants et aboutissants, Hypothéses et conclusions, qui revent d’un avenir sans passé.
Parallélement a cette abrutissement institutionnel, les medias numeriques ont multipliés par millions les infos et les données de toutes sortes, a une vitesse multipliée par des millions par rapport aux moyens traditionnels, ces données souvent inverifiées, arrivant dans des cerveaux ou le classsement et organisation n’ont pas été prévus, fabriquent des Malades mentaux de toutes sortes que l’on peut catégorisées, pour debuter, en écolos, en gochos, antispécistes, Zadistes, Wokistes, Genristes, etc… Méme les categories explosent.
L’école n’enseigne plus l’histoire, la chronologie, piler de l’organisation d=cérébrale des connaissances. Ainsi on fabrique des zombies qui confondent Causes et conséquences, tenants et aboutissants, Hypothéses et conclusions, qui revent d’un avenir sans passé.
Parallélement a cette anesthesie cerebrale institutionnel, les medias numeriques ont multipliés par millions les infos et les données de toutes sortes, a une vitesse multipliée par des millions par rapport aux moyens traditionnels, ces données souvent inverifiées, arrivant dans des cerveaux ou le classsement et organisation n’ont pas été prévus, fabriquent des Malades mentaux de toutes sortes que l’on peut catégorisées, pour debuter, en écolos, en gochos, antispécistes, Zadistes, Wokistes, Genristes, etc… Méme les categories explosent.
Ce ne sont pas des données qui affluent mais de prétendues interprétations prêtes à consommer.
Une « Donnée » peut-etre interpretée, et de multiples façons, et chaque interpretation est une nouvelle « Donnée ». L’essentiel du probléme c’est le nombre des données, qui ne permet justement plus de les interpréter. D’ou les resultats facilement observables sans instruments, sur les comportements d’un écolo ou d’un LFI.
Un seul exemple : Exprimer un désacord et vandaliser, ce n’est pas exactement la méme chose. Sauf interpretation tres subtile …..
Il existe également le biais des référencement des moteurs de recherche qui s’appuient essentiellement sur la fréquence d’accès des internautes aux données (à vérifier, ce n’est pas mon métier). Donc ce n’est nullement la qualité des articles, des « pages net » qui compte mais le nombre d’accès qui permet d’avoir la référence en tête dans la liste des sites proposés.
Par ailleurs pour avoir connu (en médecine) l’époque pré-informatique, des « papiers », certaines données considérées comme acquises antérieurement, donc plus citées ni publiées depuis longtemps…n’apparaissent tout simplement plus dans les recherches finissent par être oubliées totalement par les praticiens.
Certaines données « résistent « , comme d’irréductibles gaulois dans des bases de données, mais hélas protégées par des abonnements couteux. Ce qui est à la portée du « quidam curieux » est donc la part la plus simpliste et la moins exhaustive.
Une part du savoir s’évapore.