Les titres négatifs des journaux américains ont augmenté depuis 2000

Une nouvelle étude publiée dans la revue PLoS One, qui suit les titres de 47 publications populaires aux États-Unis, rapporte qu’ils ont eu une tendance résolument négative au cours des deux dernières décennies.

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New York times By: Adam Kinney - CC BY 2.0

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Les titres négatifs des journaux américains ont augmenté depuis 2000

Publié le 26 octobre 2022
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Par Ronald Bailey.

 

Environ 42 % des Américains évitent désormais sciemment les reportages sur l’actualité, selon le rapport 2022 sur l’actualité numérique de l’institut Reuters.

C’est une augmentation par rapport aux 38 % de 2017. Près de la moitié des Américains qui se détournent des nouvelles disent le faire parce qu’elles ont un effet négatif sur leur humeur. Il se trouve qu’une nouvelle étude publiée dans la revue PLoS One, qui suit les titres de 47 publications populaires aux États-Unis, rapporte qu’ils ont eu une tendance résolument négative au cours des deux dernières décennies. Une coïncidence ?

Dans leur étude, l’équipe de chercheurs en médias basée en Nouvelle-Zélande a utilisé un modèle de langage entraîné à catégoriser comme positifs ou négatifs les sentiments de 23 millions de titres entre 2000 et 2019. En outre, le modèle a été affiné pour identifier les six émotions de base d’Ekman (colère, dégoût, peur, joie, tristesse, surprise), plus le neutre, afin d’étiqueter automatiquement les titres.

À l’aide du tableau 2019 des partis pris médiatiques d’Allsides, les publications ont été catégorisées idéologiquement comme étant de gauche, de droite ou du centre. Par exemple, le New Yorker, le New York Times Opinion et Mother Jones ont été classés à gauche ; National Review, Fox News Opinion et le New York Post à droite ; et A.P., Reuters et le Wall Street Journal au centre. (Reason est classé à droite).

 

La peur et la colère ont très largement augmenté dans les titres de journaux

Après avoir lâché leur modèle linguistique sur les millions de titres, les chercheurs ont constaté « une augmentation de la négativité des sentiments dans les titres des médias écrits depuis l’an 2000 ».

Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté que la prévalence des titres évoquant la colère a augmenté de 104 % depuis l’an 2000. La prévalence des titres évoquant la peur a augmenté de 150 %, le dégoût de 29 % et la tristesse de 54 %. La catégorie émotionnelle de la joie a connu des hauts et des bas, augmentant jusqu’en 2010 et diminuant ensuite. Les titres dénotant une émotion neutre ont diminué de 30 % depuis 2000.

Si l’on décompose ces résultats par idéologie, les titres des médias d’information de droite ont été, en moyenne, toujours plus négatifs que ceux des médias de gauche.

Pourquoi les titres négatifs sont-ils de plus en plus fréquents ?

L’aphorisme journalistique « If it bleeds, it leads » résume le fait bien connu que les histoires dramatiques, voire sanglantes, attirent l’attention des consommateurs de nouvelles. En d’autres termes, les journalistes fournissent ce qu’attendent ces consommateurs. Compte tenu de la portée mondiale des médias d’information modernes, il y a toujours une horreur susceptible d’attirer l’attention qui s’est produite quelque part et qui peut être insérée en évidence entre la météo et les sports dans votre journal télévisé local.

Les journalistes qui répondent aux préjugés négatifs des gens finissent par induire en erreur une grande partie de leur public en lui faisant croire que l’état du monde ne cesse de se dégrader. Pourtant, si l’on regarde les tendances à long terme, c’est le contraire qui se produit. Oui, oui, il y a des guerres en Ukraine, en Éthiopie et au Yémen et, bien sûr, une pandémie mondiale au cours des deux dernières années a tué environ 6,5 millions de personnes jusqu’à présent.

L’économiste Deidre McCloskey a écrit :

« Pour des raisons que je n’ai jamais comprises, les gens aiment entendre que le monde devient un enfer, et deviennent hargneux et méprisants lorsqu’un optimiste idiot vient perturber leur plaisir. Pourtant, le pessimisme a toujours été un mauvais guide pour le monde économique moderne. »

 

La réalité est plus optimiste

Faisant partie de ces optimistes idiots, j’ai passé une grande partie de ma vie de journaliste à réfuter les affirmations apocalyptiques et à souligner les énormes progrès réalisés par l’humanité depuis le siècle des Lumières.

Par exemple, ma co-auteure Marian Tupy et moi-même citons des données non controversées dans Ten Global Trends Every Smart Person Should Know, qui montrent l’augmentation énorme et continue du bien-être humain au cours des 100 dernières années.

Par exemple, le revenu mondial par habitant est passé (en dollars réels) de 2000 dollars en 1900 à près de 15 000 dollars en 2016. En conséquence, la proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté absolue (1,90 dollar par jour ou moins) est passée de 84 % à moins de 9 %.

En outre, l’espérance de vie mondiale a plus que doublé, passant d’une moyenne de 30 ans en 1820 à 72 ans aujourd’hui. Et les décès dus aux catastrophes naturelles ont diminué de près de 99 % depuis les années 1920.

En ce qui concerne les États-Unis, nous documentons, entre autres tendances, le déclin abrupt des attitudes racistes, par exemple, entre 1958 et 2002, le pourcentage de Blancs qui ont déclaré approuver les mariages raciaux est passé de 4 à 90 %. En outre, alors que l’économie américaine a connu une croissance de plus de 250 % depuis 1970, la pollution atmosphérique globale a diminué de 74 %.

Quoi qu’il en soit, les chercheurs néo-zélandais affirment que leur étude ne permet pas de dire si l’augmentation des titres négatifs dans les médias d’information exprime un état d’esprit plus large de la société ou s’ils reflètent plutôt des sentiments poussés par ceux qui créent le contenu des nouvelles.

Ils avancent :

« Des incitations financières visant à maximiser les taux de clics pourraient être à l’origine de l’augmentation de la polarité des sentiments et de la charge émotionnelle des titres au fil du temps. Il est concevable que la tentation de façonner le sentiment et les sous-entendus émotionnels des titres d’actualité pour faire avancer les agendas politiques puisse également jouer un rôle. »

Les deux semblent probables.

Bien sûr, ces tendances et ces incitations activent probablement une boucle de rétroaction positive pernicieuse dans laquelle un climat social et politique amer engendre des titres lugubres qui, à leur tour, démoralisent davantage les gens et ainsi de suite. Pas étonnant que de plus en plus d’Américains évitent activement les nouvelles.

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  • Seul le malheur des autres fait encore le bonheur des uns.

    • Cela peut jouer mais à la marge, ce serait plutôt une identification aux malheurs des autres suscitant la peur et des sur-réactions.
      Notre cerveau fonctionne comme du velcro avec le mal, et du téflon avec le bien disaient les auteurs d’une étude en psychologie.
      Il faudrait déterminer pourquoi une plus grande sensibilité au négatif en ce moment, si c’est propre aux US, à l’occident, à la planète, etc. Personnellement je pencherai vers un effet combiné de la mondialisation (accélération) et de l’information en quantité plus accessible (numérique).

      • Je ne vois pas de plus grande sensibilité au négatif, mais une bien moindre sensibilité au positif. Peut-être aussi à cause des innombrables « faux-positifs » dont les médias nous rebattent les oreilles, qui consistent non pas en réussites enviables, mais en conformismes exemplaires au politiquement écologiquement correct.
        Mais défendez donc la paix en Ukraine, pour voir. Une bonne nouvelle dont l’immense majorité ne veut à aucun prix…

  • Bonjour,
    Tiens, tiens, « La pollution atmosphérique globale a diminué de 74 % » ?
    Que l’alarmisme actuel sur la pollution atmosphérique soit faussé voire mensonger, j’en suis persuadé. Mais j’aimerais savoir comment on peut estimer que la pollution atmosphérique globale a pu diminuer de 74% ces dernières décennies …
    Cela dit, je suis d’accord avec le questionnement de cet article qui remet en cause le principe même de l’information utilisée comme donnée commerciale, au détriment du sens qu’on peut en tirer en se laissant le temps d’y réfléchir.

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