Le régime russe soutiendra-t-il la révolte en Europe ?

Selon un rapport des renseignements américains, le régime russe aurait dépensé, depuis 2014, trois cent millions de dollars pour soutenir des candidats et partis politiques dans le monde.

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Vladimir Poutine (Crédits World Economic Forum, licence Creative Commons)

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Le régime russe soutiendra-t-il la révolte en Europe ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 octobre 2022
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Comme les Américains, les Russes estiment, depuis l’époque de la guerre froide qu’il est parfaitement légitime et souhaitable d’agir sur l’information en Europe.

Selon un rapport des renseignements américains diffusé, de façon très parcellaire, en septembre dernier, le régime russe aurait dépensé, depuis 2014, trois cent millions de dollars pour soutenir des candidats et partis politiques dans le monde.

Toutefois, ce rapport paraît, à tout le moins, incomplet.

D’abord parce que les infos ne sont diffusées qu’au compte-gouttes, et via les gouvernements concernés. Ensuite, parce que le montant — mondial, depuis 2014 — paraît, en réalité, plutôt dérisoire. Enfin, parce que ce même rapport fait très opportunément l’impasse sur les soutiens et interférences russes aux États-Unis !

Tellement plus significatif, le financement avéré, détaillé et public, par le régime russe, de deux fondations écologistes allemandes, l’une à concurrence de 10 millions d’euros, l’autre à concurrence 192 millions d’euros. Ces données ne sont pas contestées. Elles révèlent aussi, en contrepoint, la maigreur du rapport américain : on parle ici de 200 millions, en deux versements, pour la seule Allemagne.

Ainsi, l’Allemagne collaborationniste du régime russe est incontestablement l’Allemagne verte. La propagande russe est sans opinion ; elle sert, bien entendu, les seuls intérêts russes qui se conjuguaient à merveille, depuis 15 ans, avec les revendications écologistes (destruction du nucléaire civil, interdiction du gaz de schiste) et qui se marient, aujourd’hui, avec la révolte des citoyens contre l’énergie impayable.

L’intervention directe du régime russe dans les affaires intérieures des pays occidentaux est un fait massif avéré, qui s’amplifiera probablement dans les prochains mois. En l’état actuel des sommes et montants disponibles, cette intervention se fait davantage auprès de fondations et mouvements à l’extrême gauche du spectre politique, qu’à la droite d’icelui.

Stratégiquement parlant, les mouvements de révolte en Europe contre la cherté de l’énergie sont du pain bénit pour le régime russe, selon lequel les livraisons de gaz vers l’Europe peuvent reprendre immédiatement et qu’il suffit, à cet égard, que les Allemands ouvrent le robinet de Nord-Stream 2.

Nous entrons dans un hiver qui s’annonce effroyable pour nombre d’Européens — le suivant le sera probablement davantage encore — qui devront choisir, littéralement, entre se nourrir et se chauffer. Quand les réserves nationales de gaz seront épuisées — ce n’est qu’une question de temps, même si elles sont à près de 100 % actuellement — le seul gaz réellement disponible et payable sera le gaz russe. Le seul : il ne faut pas se mentir. Substituer au gaz russe des solutions structurelles (LNG américain, exploitation du gaz de schiste en Europe, relance nucléaire massive) prendra du temps.

Dans l’intervalle, se contenter d’importer du gaz par méthaniers depuis l’Inde, la Chine — qui n’ont jamais acheté autant de gaz… russe — mènera, au creux de l’hiver, le prix du gaz européen au-delà des records déjà grotesques d’août 2022. Tout ceci, les Russes le savent. La révolte est certaine. La favoriser, pour les propagandistes russes, qui sont des professionnels aguerris, sera facile.

Dans le contexte actuel, la grève des raffineries de France est du pain bénit, la providence des propagandistes qui s’évertuent à montrer le désespoir des Européens. Bon Dieu, les Français se cassent la gueule devant les stations-service !

D’un strict point de vue militaire, le régime russe est en position de faiblesse. Il joue donc une partition délicate et je le vois renforcer ses actions de propagande, particulièrement à destination du ventre mou de l’alliance occidentale, qui est l’Europe.

Attendons-nous à la stratégie que la RAND Corporation décrivait dans un rapport de 2016 sur la propagande russe comme celle du Firehose of Falsehood :

« La propagande russe contemporaine est continue et très réactive aux événements. En raison de leur manque d’engagement envers la réalité objective […] les propagandistes russes n’ont pas besoin d’attendre pour vérifier les faits ou les affirmations ; ils se contentent de diffuser une interprétation des événements émergents qui semble favoriser au mieux leurs thèmes et leurs objectifs. Cela leur permet d’être remarquablement réactifs et agiles, diffusant souvent les premières nouvelles des événements (et, avec une fréquence similaire, les premières nouvelles de non-événements, ou de choses qui ne se sont pas réellement produites). »

 

La misère énergétique que les Européens, intoxiqués par l’idéologie verte, se sont infligée à eux-mêmes, suscitera mécaniquement la révolte d’hommes et de femmes aux abois. Les propagandistes du régime russe n’auront qu’à se baisser pour en récolter les fruits.

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  • Il n’y a pas que la Russie qui finance des mouvements politiques en Europe. Les USA, les frères musulmans font de même. Chacun a pour but l’affaiblissement de l’Europe. Et ça marche très bien.

    10
  • Pour lutter contre la propagande, le mieux est de rappeler aux réalités. S’indigner contre les les uns ou les autres qui financent les moyens de ces propagandes et contre-propagandes, c’est au final rentrer dans le même jeu pervers. Or cet article paraît étrangement déconnecté des réalités. Au lendemain de la publication des images des destructions de Nordstream 2, il imagine que le gazoduc pourrait être remis en service du jour au lendemain (et oublie les manoeuvres américaines qui avaient cherché à en empêcher la construction). Il regarde comme au cinéma les difficultés d’approvisionnement en carburant des Français. Il utilise un vocabulaire étrange (impayable, en français, signifie plutôt « d’une bizarrerie extraordinaire ou très comique » que « inabordable »). Surtout il soutient l’indignation face à la propagande plutôt que sa neutralisation par le libre échange d’informations et l’esprit critique pour les analyser, sans parler du libre échange économique. Etrange…

  • La Russie financerait donc des assoces écolos pour casser le nucleaire allemand et refourguer son gaz… Dominique Reynié s’était aussi fait le porteur de cette « info ».
    Sérieux ?
    Quel intérêt aurait eu la Russie et son gaz de financer des assocations qui ne les ont pas attendus pour être nucléophobes ?
    La vérité est ailleurs.
    https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-7-2011-004021_FR.html
    Traduction, selon les points de vue :
    – deal win-win
    – ou chantage, racket, greenwashing.
    Mais pas de billard à 3 bandes.

    -1
    • Historiquement, le KGB a créé, financé et dirigé le Parti Communiste allemand depuis 1945. Après son interdiction en 1956, une grande partie de ses cadres s’est ripoliné en Vert. Les écolos allemands sont ainsi dirigés par Moscou. D’où leur nucléophobie maladive et leur amour pour les éoliennes : pour 10 éoliennes il faut une usine à gaz. Da da, dit Poutine, c’est bon pour moi. Tous ces faits sont établis, et ce n’est pas une guerre qui empêchera l’Allemagne, nouveau prince ,d’Europe, de se chauffer au gaz.

      • Trop fort le KGB !… Pour créer, en 1945, alors qu’il n’existait pas, un parti qui ne verra le jour qu’en 1968 (*)… Et pour faire migrer, dès 1956, des communistes, au parti interdit, vers les mouvements écologistes qui n’émergeront qu’à partir du milieu des années 70, alors que, à ce moment-là, le parti communiste n’était plus interdit depuis des années.
        (*) mais peut-être confondez-vous avec le Parti communiste d’Allemagne qui lui a été créé en 1918…

  • que poutine me paie pour soutenir des idées que j’ai déjà…

    ça ressemble à l’indigantion feinte des européens qui s’aperçoitque les usa les « espionnent » …
    how dare you?
    voyons..il n ‘y pas une histoire de paille et poutre ou de b balayage devant sa porte?

    donc c’est la faute à poutine? et pis la faute des allemands? et pis la faute à l’ue?
    la dernière fois que j’ai parlé à un pro poutine il m' »expliquait « que les députés français été téléguidés par les usa…

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Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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