Ce que la science-fiction peut nous apprendre du métavers

Chercher à comprendre les imaginaires traitant des métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction se révèle à ce titre particulièrement important.

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Ce que la science-fiction peut nous apprendre du métavers

Publié le 18 octobre 2022
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Par Nicolas Minvielle et Olivier Wathelet.

Créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction Le Samouraï virtuel, publié en 1992, le terme de métavers fait son grand retour depuis l’annonce de Meta à l’automne 2021, Mark Zuckerberg étant décidé à investir massivement dans les mondes virtuels.

Cet univers, pour l’instant largement fantasmé, sera-t-il le levier d’une rupture anthropologique, ou restera-t-il un discours total visant à promouvoir une série d’investissements dont les effets seront, au mieux, le prolongement des développements récents des cultures digitales ?

Les débats actuels portent sur le caractère effectif de la transformation annoncée et sur sa possible réalisation ; à l’instar de chaque bulle spéculative récente (voiture autonome, voyage spatial, singularité technologique ou technosolutionniste vert pour nommer les opérations en cours et récentes de l’économie). Et comme pour ces dernières, les imaginaires sont le terrain sur lequel une part importante de la création d’un marché potentiel se joue via un processus de création d’attentes et de vraisemblance. En témoignent les récentes publicités dans les gares françaises de l’entreprise Meta illustrant sous une forme idéalisée un futur positif du métavers pour différentes situations à forte valeur sociale (apprendre la médecine, étudier l’histoire…)

Quels imaginaires ?

Chercher à comprendre les imaginaires traitant des métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction (films, séries, bandes dessinées, comics, animé, mangé, jeux vidéo, œuvres d’art numériques et mèmes), se révèle à ce titre particulièrement important pour clarifier les débats en cours et espérer élaborer un narratif pacifié.

À cette fin, nous avons tenté de comprendre quelles sont les représentations disponibles de cet objet dont les usages et le périmètre sont encore très flous dans la réalité. De Ready Player One à La Matrix en passant par des sources plus artistiques telles qu’Hyper-reality, nous faisons l’hypothèse qu’en l’absence d’une existence formelle des métavers, ce sont les imaginaires qui structurent les visions sociales des possibles consommateurs, mais aussi des concepteurs eux-mêmes, impactant ainsi les développements à venir comme source et comme levier pour promouvoir des narratifs privilégiés par les acteurs en présence.

Quand la réalité rattrape la fiction

Premier élément de preuve : les imaginaires ne sont pas neutres, ils présentent des formes de constance qui balisent un territoire particulièrement limité.

Prenons la couleur du métavers. En identifiant des dizaines de milliers de photos rendues disponibles sur des sites dédiés aux arts visuels (de Artstation à Pinterest) puis en procédant à une analyse de type UMAP afin de classer les photos par couleur, on découvre ainsi que le bleu et le violet sont très majoritaires. Et ceci malgré le fait que rien dans les enjeux d’usage ou techniques réels ne viennent justifier ces couleurs.

Cartographie d’une dizaine de milliers de photos liées au metavers et agrégation par proximité colorielle.
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Le métavers des imaginaires est ainsi structuré et fini, ce qui justifie de s’y intéresser, et ce pour principalement deux raisons.

Tout d’abord, parce que les fictions présentées permettent de créer ce que l’on appelle des « attentions fictionnelles » qui vont ensuite coordonner l’innovation et qui permettent de générer des attentes au sein d’un marché qui n’existe pas encore. Les travaux de Jens Beckert cités plus haut vont dans ce sens. De ce point de vue, les métavers, par l’ampleur du projet et son caractère à bien des égards programmatique, s’inscrit clairement dans cette logique.

Ensuite, il fait partie des domaines où des liens explicites sont réalisés entre la science-fiction et le développement technologique. C’est le principe de ce que nous appelons le loop looping, qui s’applique à de nombreux domaines (par exemple avec la bombe atomique ou la sphère de Dyson en physique), mais qui est rarement mis en avant. Ici, il est explicité par les acteurs du projet même, qui font volontiers référence à cette préhistoire dans la science-fiction comme une source de stimulation positive : la réalité serait en train de rattraper la fiction.

Selon quelles logiques ces imaginaires sont-ils structurés ? Quels « chemins de dépendances » ont-ils créé et comment préciser la nature de ce territoire fini au sein duquel des futurs possibles se dessinent ? Pour tenter d’avancer en ce sens, nous avons collecté 150 sources, du manga au jeu vidéo en passant par les films et les nouvelles, afin de tenter d’appréhender ce qui y est raconté et identifier les aspects les plus structurants.

 

Un métavers spectaculaire

Le premier élément de l’analyse que nous extrayions concerne le type de technologies qui sert à intermédier l’expérience. Là où un blockbuster tel que Ready Player One présente des joueurs immergés grâce à un casque de réalité virtuelle, les imaginaires nous proposent bien plus souvent des mondes extrêmes, à La Matrix au sein desquels le joueur est totalement déconnecté du monde réel.

Viennent ensuite les projections de type holographique ou de réalité augmentée qui ont l’avantage d’être de jolis artefacts lorsqu’ils sont représentés dans des films.

Ce caractère spectaculaire, qui n’est pas sans rappeler les publicités fort esthétiques de Meta, masquent en réalité le long processus de domestication de toute technologie telle que des ajustements devront avoir lieu, quoi qu’il arrive, vis-à-vis de ce modèle particulièrement immersif. Il permet toutefois de poser un certain nombre de questions et débats sur ces lignées d’immersion totale, en particulier au regard de la perte des repères ou de la démultiplication des identités très bien mises ne scène dans le film récent Everything Everywhere All at once.

Lorsque l’on met en perspective les technologies proposées avec le type d’usages qui en sont faits, on se rend rapidement compte qu’elles sont fortement intriquées. Le recours à l’hologramme est principalement utilisé pour communiquer ou partager de l’information, tandis que les propositions immersives servent d’échappatoire à la vie réelle ou sont des propositions de type ludiques. La RA ou la RV ont quant à elles des usages beaucoup plus diversifiés que les deux autres technologies.

En ce qui concerne les usages, on constate que le fait d’offrir une réalité alternative pour y vivre ou aller jouer a toujours été récurrent dans les imaginaires. En ce qui concerne la communication, il s’agit d’une pratique qui arrive sur le tard, mais prend son essor à partir des années 2010, accompagnement le développement dans la vie réelle en imaginant simplement de nouveaux supports et usages.

Évolution des usages avec le temps.
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Que nous racontent ces deux approches ? Du point de vue méthodologique, elles permettent la démarche de comprendre les grandes tendances vers lesquels nos imaginaires nous orientent. À ce titre, elle permet d’éclairer les grandes tendances et leurs évolutions.

Ces éléments, mis en perspective avec les annonces régulières des acteurs du métavers, permettent de mettre en perspective la manière dont ce dernier peut réellement advenir, et notamment les lignées faibles et fortes. Si la vision caricaturale et extrême de Meta se retrouve bien dans les enjeux de communication, de jeu et vie courante présents dans les imaginaires, de nombreux petits usages, pourtant prometteurs dans la réalité sont moins présents dans cette analyse quantitative. Sous remote control, on trouve par exemple toutes les approches visant à mettre en place de la téléopération, du contrôle à distance voire de la production ou de l’apprentissage à distance, qui sont une part moins présentée, mais pour autant clé des usages potentiels du métavers.

Autre limitation de l’approche quantitative : la difficulté à appréhender les contextes et usages présentés de manière fine. À titre d’exemple, le film Virtual Revolution met en scène un monde où des joueurs profitent d’un revenu minimum garanti, et passent leur vie dans le métavers. Ce revenu est payé par les sociétés de production de jeux vidéo qui y trouvent un intérêt et qui remplacent ainsi en partie un état décrépit. Ces spéculations économiques sont passionnantes, mais impliquent de s’immerger totalement pour appréhender les usages et critiques présentés.

On constate aussi des évolutions temporelles en termes d’usages : de la sexualité à la guerre, les métavers imaginaires préfigurent des usages réels encore en gestation. C’est ainsi que l’analyse des récits imaginaires d’un phénomène technologique peut servir de levier aux nécessaires débats sociaux qui devront avoir lieu pour décider de manière informée des défis qui se jouent dans cette course aux attentions fictionnelles : à la fois prendre du recul avec les évidences que certains tentent d’imposer, et la mise au goût du jour de possibles futurs délaissés, pourtant capables de nous aider à inventer de nouvelles perspectives.The Conversation

Nicolas Minvielle, Spécialiste du design et de l’innovation, Audencia et Olivier Wathelet, Chercheur intervenant à La Cambre, Université Libre de Bruxelles (ULB)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

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