Superprofits : les profiteurs de la crise ne sont pas ceux à qui l’on pense

La controverse concernant les superprofits a été largement instrumentalisée.

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Superprofits : les profiteurs de la crise ne sont pas ceux à qui l’on pense

Publié le 20 août 2023
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Au cours des derniers mois, la controverse concernant les superprofits a été largement instrumentalisée par une extrême gauche nupesienne soucieuse de véhiculer en permanence son discours anticapitaliste.

Le problème est systématiquement présenté de façon émotionnelle et caricaturale, comme par exemple celui de grands groupes pétroliers et gaziers profitant honteusement de la guerre russo-ukrainienne au mépris des peuples en souffrance, et distribuant sans vergogne une part de leurs superprofits à des actionnaires tout aussi infréquentables.

Pourtant la réalité est tout autre.

 

Une crise énergétique antérieure au conflit

La crise énergétique remonte à l’été 2021, et elle est bien antérieure au déclenchement du conflit.

Il s’agit d’une crise de l’offre (réduction de l’offre faute d’investissements dans les nouveaux projets pétroliers et gaziers) dont les origines remontent à 2015, et dont les conséquences étaient déjà très palpables sur les marchés dès 2017/2018.

Au cours du second semestre 2021, le prix du MWh gazier avait été multiplié par plus de quatre, passant de 30 euros en juin à 140 euros en décembre. Sur la même période, le baril de pétrole s’enchérissait de 50 %. Il est donc faux et déloyal de relier l’accroissement des prix et les profits pétroliers et gaziers qui en résultent (que personne ne nie) au seul conflit russo-ukrainien. Intervenu que comme révélateur, ce dernier n’a fait qu’accentuer la réduction d’une offre déjà déclinante.

Par ailleurs, 95 % de ces superprofits sont extraterritoriaux, car résultant d’une extraction dans un pays producteur. Si superprofit il y a, ce serait donc aux citoyens de ces pays producteurs, et non aux Européens de réclamer le partage de la manne. Quoi qu’il en soit, déjà lourdement taxés dans leurs pays d’origine et sauf à modifier la législation européenne, ils ne peuvent faire l’objet d’une double taxation.

 

Qui fait des superprofits ?

En revanche, les superprofits réalisés par les producteurs d’électricité renouvelable sur le sol européen semblent pour l’instant exempts de toute critique. Pourtant, ce sont bien ces producteurs, et non les grandes compagnies pétrolières qui profitent aujourd’hui du système électrique européen pour réaliser des profits stratosphériques.

Jadis réservé à des monopoles nationaux assurant 100 % de la production et de la distribution, le marché européen de l’électricité a été ouvert à la concurrence en 1996. Initialement réservé aux industriels, il a été étendu à l’ensemble des particuliers en 2007. Ce marché concurrentiel signifie que dans toute l’Union européenne, toute compagnie publique ou privée peut vendre librement des MWh, et que toute entreprise ou particulier peut librement choisir son fournisseur. Ce libre marché a de facto induit une règle incontournable : le merit order ou règle de la source marginale. Chaque demi-heure, les sources de production électrique (charbon, fioul, gaz, hydraulique, nucléaire et renouvelables) sont appelées dans l’ordre croissant de leur coût marginal, et le prix du MWh est calqué sur celui de la dernière unité de production sollicitée (c’est-à-dire la plus chère). Sans merit order, cette dernière source ne serait jamais mise en œuvre.

Dans le système actuel construit autour d’acteurs multiples et concurrents, le producteur de la dernière source (aujourd’hui le gaz1) n’est bénéficiaire qu’à la marge. En revanche, les autres producteurs appelés, et en particulier ceux d’éolien et de solaire engrangent des superprofits sur le dos du consommateur. Contrairement à une idée reçue, les honteux bénéficiaires de la crise actuelle sont aujourd’hui les producteurs d’énergie renouvelables.

Les producteurs d’électricité renouvelable peuvent parfois se révéler très surprenants.

Ainsi, le champion suédois des meubles en kit Ikéa possède en Europe 920 000 panneaux solaires et 534 éoliennes. En France, il est propriétaire de quatre fermes éoliennes. En partie financées par l’État Français, Ikéa produit dans l’Hexagone 185 GWh d’électricité à un coût moyen de 70 euros/MWh. En se basant sur les prix de gros actuels du marché, Ikéa empocherait près de 400 euros par MWh, soit un pactole annuel de 74 millions d’euros. S’il existe aujourd’hui un mécanisme imposant aux opérateurs ayant bénéficié d’aides de reverser de l’argent à l’État lorsque le prix du marché dépasse le prix garanti, cette rétrocession reste aujourd’hui insuffisante par rapport aux superprofits engrangés.

Face à cette situation devenue insoutenable pour les citoyens européens, les 27 souhaitent mettre en œuvre un mécanisme de contribution spécifique imposant aux opérateurs énergétiques dont les coûts de production sont très inférieurs au marché de rétrocéder une partie de leurs énormes profits. Il ne s’agirait donc pas d’un impôt sur les profits de quelques entreprises emblématiques tel que réclamé par l’extrême gauche française cherchant à imposer son agenda anticapitaliste. Dans ce cas pourquoi s’arrêter là ?

« Les entreprises qui vendent des hélicoptères et des armes réalisent aussi des superprofits » indique la fiscaliste Sophie Blégent-Delapille qui pointe « le manque de cohérence » de l’extrême gauche.

Un article publié initialement le 9 septembre 2022.

  1. Dans la mesure où il faut en moyenne 3 MWh de gaz pour fabriquer un MWh d’électricité, un gaz ayant dépassé les 300 euros/MWh conduit à un MWh électrique proche de 1000 euros
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  • Jusqu’ici j’avais toujours lu que les propriétaires d’éoliennes et de panneaux solaires, vendaient leur électricité à EDF à un prix défini contractuellement pendant une période limitée à 20 ans pour assurer la rentabilité de l’investissement. Ce prix étant de l’ordre de 80€/MWh pour l’éolien, mais beaucoup plus pour le solaire. Heureusement pour les investissements plus récents, les prix de rachats par EDF sont moins élevés (plutôt 60€/MWh).
    Sauf erreur de ma part, tant que la période contractuelle de 20 ans n’est pas terminée, l’électricité produite par les éoliennes et les panneaux solaires ne peut être vendue aux prix du marché. Si c’est le cas, quel est le con qui a pondu de tels contrats outrageusement avantageux pour les escrocs, euh pardon, les industriels de l’éolien et du solaire.
    Par contre si dans certains cas, la période contractuelle est achevée (ça doit commencer à être le cas pour les premières éoliennes installées au début des années 2000), ça ne me choque pas outre mesure que les industriels puisse vendre aux prix du marché.

    • A l’issue du contrat c’est le cas. Jusque a maintenant les opérateurs préféraient raser l’installation et en remonter une plus grosse pour faire du « repowering » et reprendre un contrat aux tarifs garantis.

      Au prix actuel du MWh, c’est sur, il vaut mieux vendre sur le marché. Mais combien de temps ça va durer? Difficile à prévoir mais à ce tarif, il est probable que la crise qui va en découler va remettre les choses en place, mais avec un PIB inférieur!

    • Mon petit point de vue. La « gôche » a raclé le fond des urnes de vote sur ce thème. En France, l’incompétence au pouvoir n’est jamais sanctionnée, car le « peuple de gôche » est béni-oui-oui. Et n’oubliez pas que la « gôche » a aussi raclé les urnes grâce à la très brillante idée des réintroductions du loup et d’ours dont on commence à peine à réaliser les dégâts.
      Pourquoi pas l’acclimatation du tigre tant qu’on y est ?
      La vrai nature de ces gens-là, c’est d’alimenter la pompe à vote par tous les moyens.
      Un moyen supplémentaire par exemple est de satisfaire le besoin de tendresse des couples homosexuels.
      Si t’es pas d’accord avec tout ça, t’es qu’un facho crypto pétainiste. Qu’on se le dise !

  • En France dès qu’une entreprise fait 1 € de profit, c’est un super profit. C’est d’autant plus vrai quand on compare ces sociétés à celles gérées par l’État qui font des méga pertes : EDF, SNCF (50 milliards de perte chacune).

    • C’est ça! Explication. Tout profit fait au dépends des travailleurs est un superprofit. Comme tout profit est au dépends des travailleurs, tout profit est un superprofit.

  • Mince, encore un article réaliste qui nous démontre l’idiotie de certaines idéologies.

  • Dans une analyse de premier niveau, on peut en effet percevoir l’aspect idéologique et incohérent de cette requête. En prenant un peu de recul, on peut y voir un aspect concurrentiel extra sectoriel. Les entreprises sont en concurrence entre elles mais ce n’est pas toujours suffisant c’est à dire efficace. Par exemple en informatique, les hackers apportent une efficacité supplémentaire à la concurrence intra sectoriel. Dans le cas de l’énergie n’est pas du fait des consommateurs ou de progrès technique, la pression sociale, d’ailleurs pas seulement en France, pourrait par exemple pousser les compagnies à agir plus efficacement qu’elles ne le feraient en mode concurrentiel intra.
    C’est une observation et non un jugement !

    -1
  • Il est curieux que personne ne parle des finances publiques qui sont largement gagnantes également, à travers des taxes qui augmentent quand le prix de l’énergie augmente. Le cadeau »royal » d’une remise sur le litre de carburant qui « coûte tant à l’Etat » n’est finalement qu’une partie de l’excédent encaissé avec la hausse des prix.

    • Oui, le « cadeau » de quelques centimes n’est qu’une ristourne partielle sur des taxes largement plus importantes.
      Mais le nigaud voit la ristourne (récente) et ne pense pas aux taxes (« le prix à payer pour une société civilisée » ou un truc dans le goût, insensible puisque cachée dans le prix du bien, comme la TVA).

  • Merci pour ces précisions.
    Je me pose quand même une question : de quel cerveau malade a pu sortir un mécanisme pareil ?
    Une autre question : s’agirait-il de corruption ?
    L’UE telle que nous la connaissions est finie, il va devenir impossible de nous cacher la vérité plus longtemps.
    Une info est passée inaperçue, puisque l’heure est au deuil royal : les USA nous préviennent qu’ils ne seront pas en mesure de compenser le gaz russe.
    On a donc décidé de sanctions contre la Russie, sous a pression des USA, sans savoir comment on pourrait se chauffer cet hiver. C’est du grand art !

    • Non, de l’arrogance doublé d’incompétence. Bruno n’a-t-il pas annoncé une guerre thermonucléaire économique à la Russie ?
      Pour l’instant, ce n’est pas elle qui va se peler cet hiver.

    • Bonjour sur quel site l’info
      de l impossibilité de compenser le gaz russe par les usa? Merci,

  • Très intéressant et merci pour l’explication de la source marginale.
    Ce système de concurrence et de prix fut donc créé par l’UE. OK.
    L’UE a décidé de se passer du gaz russe
    Donc l’UE a créé la rareté du gaz russe
    Qui dit rareté dit coût élevé, principe économique bien connu
    Donc l’Europe est responsable d’une part du coût du gaz russe élevé, du système de prix et par conséquence aussi de la facture d’énergie élevée !

    Et personne pour mettre en avant les inepties de l’UE ?!

  • En économie libre , entre un client et un vendeur responsable, le GROS profit signe un GROS service ..fin de la discussion.

    gros profit, gros service rendu..

    ce qui se passe est juste le révélateur ou une illustration de la connerie abyssale de l’objectif politique de se passer de fossiles… et leur diabolisation en général..

    la bombe a retardement véritable c’est les entraves à la production futures… interdiction de la prospection etc…

  • Ikea.
    Ha ha !
    Les deux principaux producteurs d’énergie éolienne en France sont Engie et EDF. Dont le principal actionnaire est l’Etat.
    Dialogue entre l’Etat et l’Etat :
    – Rends-moi le pognon !
    – ??

    • En effet, mais, comme déjà constaté avec un autre article, M. Charlez ne pointe jamais les taxes, jamais les super-profits de l’Etat.

  • « Ce libre marché a de facto induit une règle incontournable : le merit order ou règle de la source marginale. » Libre marché … vraiment ? Un marché truqué de bout en bout plus exactement, aussi bien en amont à la production avec cette escroquerie qui consiste à donner la priorité aux électrons verts, qu’en aval à la distribution où citoyens et entreprises doivent payer pour des réseaux surdimensionnés pour véhiculer les dits électrons verts.

  • Les commentaires sont fermés.

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