Échecs salutaires : réflexions sur le National Entrepreneurs Day

Les succès dans la vie arrivent souvent au terme d’un long chemin jalonné d’échecs. Quiconque s’est donné la peine d’apprendre à pratiquer un sport ou à jouer d’un instrument de musique sait combien cela peut être vrai. Il en va de même pour ceux qui se sont essayés à l’entrepreneuriat.

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Échecs salutaires : réflexions sur le National Entrepreneurs Day

Publié le 25 août 2022
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Par Dylan Pahman.1

L’un de mes seuls apports clairs à la vision de la vie de mon fils Brendan, âgé de 3 ans, s’illustre probablement par le fait qu’à chaque fois qu’il essaie de construire quelque chose ou de comprendre le fonctionnement d’un nouveau jouet et qu’il se trompe, il se dit à lui-même : « Oups, essaye encore ». Et il recommence.

Je m’en félicite, car depuis qu’il est capable de manipuler des objets avec ses mains, chaque fois qu’il échoue à faire quelque chose, je lui dis : « Essaye encore ». Je ne prétends pas que ces échecs soient synonymes de réussite. Il s’agit de ne pas avoir peur de l’échec. Les succès dans la vie arrivent souvent au terme d’un long chemin jalonné d’échecs. Quiconque s’est donné la peine d’apprendre à pratiquer un sport ou à jouer d’un instrument de musique sait combien cela peut être vrai. Il en va de même pour ceux qui se sont essayés à l’entrepreneuriat.

Cela m’amène au National Entrepreneurs Day (« Journée nationale des entrepreneurs »), une commémoration proposée à la Chambre des Représentants des États-Unis puis adoptée en 2015, et que j’avais personnellement soutenue. Le statisticien probabiliste Nassim Nicholas Taleb nous avait à l’époque fourni un argumentaire complet sur son caractère bénéfique. Dans Antifragile, son livre paru en 2012, Taleb confesse qu’il est « ingrat envers l’homme dont un excès de confiance l’a poussé à ouvrir un restaurant et à échouer, que je profite de mon repas tandis que lui mange probablement du thon en boîte. »

Ce manque de gratitude est une faute morale largement répandue dans la société moderne, nous dit Taleb. D’où son idée selon laquelle :

Pour progresser, la société moderne devrait traiter les entrepreneurs ruinés de la même manière que nous honorons les soldats morts, peut-être pas avec autant d’honneur, mais en partant exactement de la même logique… Car il n’existe pas de soldat raté, qu’il soit mort ou vivant (à moins qu’il n’ait agi avec lâcheté) – de même qu’il n’existe guère d’entrepreneur ou de chercheur scientifique raté.

Selon le concept d’antifragilité de Taleb, les environnements capables de profiter des chocs invisibles sont ceux qui sont décentralisés et en apparence volatils. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’échec n’est pas une mauvaise chose tant qu’il est fréquent.

D’un point de vue économique, plus une économie compte d’entrepreneurs, moins elle place quelques œufs dans quelques paniers (généralement gros). Lorsqu’un événement inattendu vient perturber un acteur important, un autre acteur est prêt à exploiter l’opportunité de gain et l’économie résiste et peut même profiter de la perte, ce qui la rend non seulement robuste mais la place également à l’opposé du fragile, la rendant antifragile. Toutefois, pour que cet autre acteur ait des possibilités d’exister, il est impératif que le plus grand nombre possible de personnes puissent prendre des risques et tenter de réussir, même si cela signifie que la plupart d’entre elles échoueront. Plus les marchés sont libres, mieux c’est.

 

L’importance de l’échec

Le message de Taleb pour la commémoration de le National Entrepreneurs Day est le suivant :

La plupart d’entre vous vont échouer, se voir manquer de respect, s’appauvrir, mais nous vous sommes reconnaissants pour les risques que vous prenez et les sacrifices que vous faites au nom de la croissance économique de la planète et pour extraire les autres de la pauvreté. Vous êtes la source de notre antifragilité. Notre nation vous remercie.

Songez au fait que la fête du travail, née de la Grève Pullman en 1894, était à l’origine destinée à démontrer « la force et l’esprit de corps des organisations commerciales et syndicales. »

Pour le meilleur ou pour le pire, la plupart des Américains ont oublié cela. Nous en avons fait, comme à notre habitude, une occasion individualiste d’obtenir un jour de congé pour boire de la bière et faire des barbecues. Nous pourrions ainsi envisager de rendre hommage aux personnes qui ont créé les emplois de ces travailleurs en premier lieu. Ce à quoi un syndicaliste pourrait répondre : « les propriétaires d’entreprises gagnent plus d’argent que les travailleurs, ce qui fait que la Journée des entrepreneurs, c’est tous les jours de l’année ». Ce serait une erreur que d’affirmer cela, car les start-ups n’affichent pas souvent de profits avant des années, et les propriétaires de petites entreprises ne sont probablement pas plus riches que le représentant syndical d’une usine locale. En réalité, le représentant syndical est payé davantage pour ses heures supplémentaires et a un revenu beaucoup plus stable.

Quoi qu’il en soit, ce débat ne répond pas aux propos de Taleb, qui souhaite rendre hommage non pas à ceux qui ont créé des emplois, mais à ceux qui ont fait faillite et se sont plantés. Soyons clairs à ce propos : les sacrifices des entrepreneurs qui ont échoué ne sont pas comparables à ceux des soldats tombés au combat. Mais la lourdeur du sacrifice de ces derniers ne doit pas nous empêcher d’apprécier celui des premiers. Les soldats protègent le mode de vie que les entrepreneurs contribuent à créer et à faire perdurer en premier lieu. Ils font donc partie de la même équipe.

Il serait peut-être utile de se faire une idée plus claire de la difficulté de l’entrepreneuriat.

Frank H. Knight, l’un des fondateurs de l’École économique de Chicago, a été l’un des premiers économistes à reconnaître l’entrepreneur comme la figure centrale du système de libre entreprise dans son ouvrage Risk, Uncertainty, and Profit (1921). Knight souligne – entre autres choses – que l’entrepreneur doit non seulement être « apte au travail » de gestion d’une entreprise, mais aussi être un excellent juge des risques et des caractères. Pour Knight, toute incertitude pouvant être mesurée ne constitue pas un risque véritable. Mais c’est la volonté d’assumer un risque véritable, non mesurable, qui caractérise le sacrifice de l’entrepreneur.

Par exemple, si une personne sait que pour 100 gadgets valides qu’elle fabrique, dix autres seront défectueux, elle se contentera de fabriquer 110 gadgets pour chaque commande de 100, en tenant compte du coût des gadgets défectueux. Ce qui constitue un risque réel, c’est la fiabilité de ses propres calculs d’incertitude. En effet, il existe d’innombrables facteurs non mesurables qui échappent à notre contrôle. Le bon entrepreneur est capable de les prendre en compte grâce à son jugement intuitif.

En outre, l’entrepreneur doit également être capable de bien apprécier le jugement des autres. C’est une autre façon de dire qu’il doit être un bon juge des caractères. Si un partenaire commercial promet 100 gadgets pour la semaine prochaine, quelle est la probabilité que la projection de ce partenaire soit exacte ? Qu’en sera-t-il de la semaine prochaine ? Et ainsi de suite. Pour réussir en tant qu’entrepreneur, il faut être capable d’estimer avec précision sa propre fiabilité générale et celle de ses partenaires commerciaux.

Le fait que nous soyons capables de formuler des estimations sur la « capacité générale » qui aient une valeur quelconque est l’un des mystères du fonctionnement de l’esprit, écrit Knight, mais le fait que nous en soyons capables est bien sûr indiscutable.

S’ajoute à cela le célèbre concept de « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter, énoncé en 1942 dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie. Selon Schumpeter, les entreprises innovantes perturbent les marchés, supplantant quelques personnes tout en en améliorant le sort de beaucoup d’autres, tout comme l’industrie automobile a remplacé le forgeron mais a amélioré la qualité de vie de la grande majorité des Américains. Selon lui, la destruction créatrice causée par l’innovation est le moteur du développement économique. C’est « le fait essentiel du capitalisme. C’est ce en quoi consiste le capitalisme et ce sur quoi toute entreprise capitaliste repose. »

Tout en étant en accord avec Schumpeter sur le fait que l’entrepreneur est le moteur du développement économique, l’économiste Israel M. Kirzner brosse un tableau différent de la manière dont cela se produit dans son livre Competition and Entrepreneurship, publié en 1973. Pour lui, l’activité entrepreneuriale se caractérise par la vigilance à l’égard des opportunités de profit offertes par des conditions d’information imparfaite (c’est-à-dire le monde réel).

À un moment donné, certaines personnes vendront à un prix inférieur à celui auquel d’autres personnes achètent actuellement. L’entrepreneur intervient alors, achète aux vendeurs à un prix un peu plus élevé et vend un peu moins cher aux acheteurs. En conséquence, malgré l’ajout d’un intermédiaire, tout le monde en profite : les vendeurs gagnent plus, les acheteurs dépensent moins et l’entrepreneur fait des bénéfices. Kirzner écrit :

Ce dont notre décideur sans moyens [l’entrepreneur] a besoin pour arriver à la meilleure décision est simplement de savoir où existent ces opportunités inexploitées, [et par conséquent] pour découvrir ces opportunités inexploitées, il faut de la vivacité.

Si l’on réunit ces éléments, l’on obtient un portrait de l’entrepreneur qui non seulement prend des risques, mais qui le fait sur la base d’un jugement précis, qui stimule la croissance économique par une innovation disruptive et qui stabilise le marché en exploitant les possibilités de profit créées par une information imparfaite.

Un dernier élément peut et doit être ajouté.

Le père Robert Sirico a souligné la théorie de George Gilder selon laquelle « l’esprit d’entreprise est un acte de foi, un acte inéluctablement religieux. » Comme l’affirme l’Épître aux Hébreux, « la foi est la substance des choses qu’on espère, une conviction de celles qu’on ne voit point » (Hébreux 11, 1).

Il n’est pas difficile non plus de voir que cela fait écho à ce qui précède. D’innombrables facteurs invisibles et non mesurables influent sur toute entreprise, qu’il s’agisse de la fiabilité de ses propres prédictions et de celles de ses partenaires commerciaux, de la destruction créatrice qui change la donne, ou du fait d’être au bon endroit au bon moment avec suffisamment de vivacité d’esprit pour repérer l’opportunité que tout le monde rate. La foi donne néanmoins aux individus l’assurance dont ils ont besoin pour prendre un risque et agir, même au cœur de toutes ces incertitudes.

En effet, oser jouer sa propre peau et tenter sa chance demande une énorme dose de courage. Et le courage, bien sûr, est l’une des vertus cardinales. Sa noblesse doit être reconnue, même si, comme le souligne Taleb, la plupart des gens qui tentent de réussir en tant qu’entrepreneurs échouent. Le courage de l’entrepreneur est probablement à situer un cran en dessous de celui du soldat, mais les sacrifices de ceux qui échouent ne sont, au bout du compte, pas moins vitaux pour notre société.

Sur le web

  1. Dylan Pahman est chargé de recherche à l’Institut Acton pour l’étude de la religion et de la liberté, où il occupe le poste de rédacteur en chef du Journal of Markets & Morality. Il est également l’auteur de Foundations of a Free & Virtuous Society (2017)
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  • En France, il y a au moins 50% d’entrepreneurs. 25% de la population active entreprend une carrière dans la fonction publique. Et 25% entreprend une carrière dans la recherche des aides sociales.
    Jamais aucun pays ne s’est autant orienté vers l’entrepreunariat pour créer de la richesse.

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