La crise de Taïwan après la visite de Nancy Pelosi

Quelle situation à Taïwan et en Chine après la visite de Nancy Pelosi ?

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Taïwan By: Chris - CC BY 2.0

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La crise de Taïwan après la visite de Nancy Pelosi

Publié le 13 août 2022
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Il y a un an, j’exposais dans un article les données de l’invasion possible de Taïwan par la Chine, ce qui a malheureusement été confirmé par l’actualité récente.

En effet, le voyage de Nancy Pelosi, troisième personnalité politique des États-Unis, après le président et la vice-présidente, a été considéré comme une insulte par Pékin et a déclenché des manœuvres militaires, ainsi que d’autres représailles.

Commençons par exposer les fondements de cette situation telle qu’elle se présentait dans un calme relatif il y a un an dans cet article qui a récemment été repris par Conflits, la Revue de Géopolitique et par Contrepoints.

 

La réaction chinoise

Lorsqu’il a appris l’annonce du voyage de Nancy Pelosi, le président Xi a lancé :

« Ceux qui jouent avec le feu en mourront » (Those who play with fire will perih by it).

Puis Nancy Pelosi est arrivée le 2 août à Taïwan et en est repartie le 3, sans réaction particulière ces jours-là.

Mais, après son départ, des missiles ont été lancés par-dessus Taïwan. Par ailleurs, des navires de guerre et des avions ont dépassé la ligne médiane du détroit la séparant de la Chine, et ont simulé un blocus en se plaçant tout autour de l’île.

On peut comprendre cette démonstration de force ainsi :

« Vous n’avez plus qu’à capituler, nous avons coupé la route à tout renfort américain, sauf à ce que les États-Unis tirent sur nos navires, déclenchant une guerre nucléaire ».

Parallèlement, et c’est peut-être le plus dangereux, la Chine a rompu les contacts militaires avec les États-Unis, contacts qui étaient destinés à empêcher une guerre en cas d’incident ou de malentendu.

Enfin, la Chine a mis fin à sa participation aux efforts de réduction du réchauffement climatique alors qu’elle est le principal pays pollueur.

 

Une réaction contre-productive ?

Pour Virginie Robert, dans Les Échos du 7 août, la Chine veut effacer « la ligne médiane » qui limite vers le large les opérations de son armée. Il est probable qu’en réaction les Américains, les Britanniques et les Français enverront des navires de guerre dans le détroit.

Par ailleurs, empêcher la circulation des cargos dans ce détroit où passe une grande partie du commerce mondial nuirait d’abord aux grands ports chinois, puis à l’ensemble du commerce international, d’où une hostilité croissante du monde extérieur envers la Chine.

Enfin, une invasion de Taïwan entraînerait la paralysie de ses usines, notamment de semi-conducteurs, et c’est l’économie chinoise qui en pâtirait en premier lieu.

Il est probable que cette action va encore accroître l’hostilité des Taïwanais envers la Chine, d’autant que depuis mon article l’an dernier, la répression s’est intensifiée à Hong Kong, donnant un avant-goût de ce que serait une prise du pouvoir par Pékin.

À l’inverse, l’exemple ukrainien semble montrer qu’un petit pays peut faire face efficacement à un plus grand. D’autant que l’armée chinoise devrait traverser l’océan, puis contrôler une île très montagneuse, contrairement à la plaine ukrainienne sans limites naturelles avec la plaine russe.

 

Le contexte du troisième mandat du président Xi

Il faut dire que cette affaire tombe à un moment très délicat pour le président.

Les principaux notables du parti se réunissent actuellement informellement pour préparer les décisions de l’automne.

La plus attendue est la reconduction du président pour un troisième mandat, ce qui était interdit jusqu’à ce que l’intéressé impose ce changement.

Une sinologue, Jude Blanchette, envisage une solution intermédiaire où il obtiendrait ce troisième mandat, mais sans pouvoirs, du fait de l’opposition des cadres intermédiaires.

Cette opposition a été nourrie par la politique anti covid forcenée menée par le président, avec ses confinements massifs et la paralysie d’une partie de l’économie.

Il est possible également qu’on lui reproche son soutien à la Russie dans l’affaire ukrainienne qui a accentué la coupure avec l’Occident, et donc est une menace de plus pour l’économie chinoise. Or, cette dernière est déjà menacée par une violente crise immobilière, une faillite des principaux promoteurs qui empêche l’achèvement de logements déjà payés.

La violente réaction du président est aussi une raison politique : il cherche à s’appuyer sur le sentiment nationaliste en illustrant la puissance de l’armée. Mais cette réaction ne devrait pas avoir de lendemain. On peut même espérer qu’elle donne des arguments à ses opposants, qui lui reprocheront vraisemblablement de multiplier les choix négatifs pour la Chine.

Le président doit donc à la fois se montrer très ferme, mais ne pas risquer d’entraîner la Chine dans une crise supplémentaire.

Le problème est qu’il a chauffé à blanc le nationalisme chinois sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à laisser croire que la Chine pouvait à tout moment régler le problème par la force.

 

Que faire maintenant ?

Valérie Niquet, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique, estime dans Le Monde daté du 9 août qu’il ne faut surtout pas accepter le discours chinois qui assimile cette visite à une provocation inacceptable, et donc ne pas renoncer à de futures visites à Taïwan.

Ce serait encourager la Chine à agir, non seulement contre Taïwan, mais aussi en mer de Chine du Sud et ailleurs.

Le conflit dépasse sa dimension géopolitique déjà grave, en ce qu’il met en jeu les valeurs occidentales, déjà attaquées par de nombreux autocrates au désespoir de leurs peuples.

Voir les commentaires (12)

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  • Ce n’est pas de l’interet de la chine..mais de celui de Xi et ses affidés..

    L’économie chinoise le nationalisme ne sont pas des fins mais des moyens.
    La guerre que mène poutine est celle de sa « popularité »..

    • L’économie chinoise ou le nationalisme sont des données du problème, des données qui perdurent quelles que soient les gesticulations de Xi ou Biden. Les illusions de Taiwan ne sont pas sans rappeler les yaka fokon écolos et socialos français. Si l’américanisme primaire avait la supériorité qu’ils imaginent, ça se saurait ! Mao est mort, Deng est passé par là, Taiwan aurait tout à gagner à se laisser intégrer et à jouer le ver dans le fruit … si leur modèle économique et sociétal était aussi bon qu’ils le disent. Mais il ne l’est pas.

      -1
  • « …son soutien à la Russie dans l’affaire ukrainienne qui a accentué la coupure avec l’Occident et donc est une menace de plus pour l’économie chinoise. »
    On parie ? Au contraire, la Chine se retrouve dans une position de force en comparaison avec l’Occident, telle qu’elle n’aurait jamais osé en rêver. La Chine n’a pas un besoin démesuré du client occidental, mais l’Occident ne peut pas plus se passer des produits chinois que du gaz ou des céréales et engrais russes… Que Trump et Biden se rejoignent dans la sinophobie n’en fait pas un comportement moins suicidaire.

    • Avatar
      Azoulay.denis@orange.fr
      13 août 2022 at 10 h 52 min

      Poutine a quasi eu ce qu’il voulait
      Il est 2 fois plus riche qu qu’avant il est populaire. Le rouble est devenu une monnaie internationale. La Russie va finir par s asseoir à une table et à demander une partition de l Ukraine. Ce qui lui sera accordé et ce n est pas la France de daladier ou de macron, petit joueur d échec qui vont faire obstacle à des stratégies russes ou des joueurs de go

    • L’économie , c’est comme la santé publique, ‘est pas un but et pas non plus un moyen , c’est un constat.. nul personne que je connais se lève le matin en pesant à l’economie française..sauf le poltique.

      La bonté de l’economie est un prétexte pour spolier ,contraindre et tuer;.

      aucun peuple ne se lancerait dans une guerre si il avait l’economie au coeur..
      la guerre ruine..
      de la même façon défendre une femme agressée par un gang..est « couteuse »… risqué « mieux vaut laisser faire »..

      o

      ce qui nous définit c’est les valeurs..certes le pragmatisme nous pousse à sacrifier un peu de notre liberté pour la sécurité… ou fermer les yeux sr telle ou telle oppression ou agression..

      on doit poser les question avec un forme de hiérarchie..

      en premier lieu que dit le droit international..

      en second lieu si lil ne permet de ne rien résoudre…devons nous user de la force… pour défendre des valeurs, si nus laissons un innocent victime sans réagir qui nous viendra en aide le temps .. le système de valeur ne tient plus.. il faut oublier la liberté et le concept de droit international.

      au contraire de l’ukraine le statut de la république de chine est ambigu…

  • Toutes ces gesticulations américaines sont séniles.

  • Globalement, je ne suis pas du tout d’accord avec cet article. La vision qu’il décrit me paraît du genre logique simpliste des lecteurs du Monde, et coller aux Chinois un mode de pensée et des comportements occidentaux qui ne sont pas les leurs. Par exemple, lors de mon dernier voyage en Chine il y a une douzaine d’années, j’avais été frappé du peu d’importance de la personnalité du Président. Les Chinois semblaient avoir 3 lignes directrices : l’ambition millénaire « impériale » pour le long terme, la révolution économique voulue par Deng pour le moyen terme, et les directives du Président (on sentait la majuscule, mais on oubliait son patronyme) pour le court terme. Leurs listes de priorités personnelles me paraissaient très différentes de celles qui prévalent en Occident : améliorer leur situation personnelle, voir leur enfant réussir, apporter joie et bonheur à leurs parents, suivre les préceptes éternels de la supérieure culture chinoise. La pollution, les épidémies, ce sont des maux « tombés du ciel » qu’on cherche à éviter, mais pas des déterminants politiques. Nous voyons Taiwan comme supérieure parce qu’on y fait des référendums sur le mariage gay ou les choix énergétiques, l’immense majorité des 1.4 Mds de Chinois la voit comme des frères et soeurs égarés par la pernicieuse propagande occidentale, et certainement pas comme des précurseurs dans une voie vers le progrès dont on pourrait s’inspirer. Les donneurs de leçons américains et européens sont donc totalement hors sol. Les Taïwanais eux-mêmes semblent adorer le Dieu Occident comme les Ukrainiens adorent le Dieu UE pour bénéficier de ses bienfaits, et ces dieux les exploitent, comme ça s’est toujours fait, pour faire oublier leurs échecs domestiques. Soyons pragmatiques, si l’on veut infléchir la trajectoire de la Chine, ça ne se fera pas par des provocations à la Pelosi, ni par un conflit Chine-Taiwan, mais bien plus insidieusement.

    • Bonjour Monsieur

      J’apprécie beaucoup de lire votre commentaire qui dans son contenu exprime une opinion bien trop rare.
      Autant je suis en partie d’accord avec Mr. Montenay sur le fait que les relations de pouvoir en Chine ne sont plus vraiment en faveur du pouvoir actuel même si pense qu’il sera réélu en octobre car pas d’alternative crédible pour le moment.
      Les provinces et en particulier les deux qui forment la puissance économique de la Chine sont sur des positions différentes bien moins conflictuelles.

      Là où je vous rejoins totalement est sur la description de la société Chinoise et au travers de mes équipes à Taiwan, cette description s’applique aussi à la société taiwanaise qui culturellement est Chinoise ce qui rend le fait de croire que la situation actuelle pousse la population Taiwanaise dans les bras des US est une fable. Les Taiwanais s’accommodent parfaitement de la situation actuelle et ne supporte aucune partie qui pourrait remettre en cause le status-quo.

      L’Europe et les US sont effectivement hors sol à vouloir regarder la Chine à travers le prisme de ces soi-disant valeurs qui devrait leur être supérieur.
      Les Chinois font partie d’une civilisation bien différente de la notre et surtout bien plus pragmatique et résiliente.

      Bonne Journee

  • À l’inverse, l’exemple ukrainien semble montrer qu’un petit pays peut faire face efficacement à un plus grand.

    Il est certain que les Awacs, dont la portée est de 640km ou plus, sont une aide inestimable qui a fait changer d’avis la Russie et abandonner l’offensive sur Kiev. Sans compter les ouvre-boites, ainsi que les Stingers et similaires améliorés…

    Donc votre « petit » pays n’est seul, il est aidé activement par l’OTAN. Attendez que des contre-mesures efficaces soient mises en oeuvre, et le gros bras de Z fera moins le héros mais clairement la victime.

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