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Lors d’un précédent article, nous avons analysé la pénurie des semi-conducteurs par le prisme d’une contraction de l’offre des moyens de production.
En effet, l’industrie est passée d’entreprise comme Intel qui détient ses propres usines, ses propres moyens de production à des entreprises comme Apple, qui n’ont pas d’usine et se tournent vers des géants asiatiques tel TSMC pour fabriquer leurs produits. Ainsi, les entreprises d’électroniques ont toutes besoin d’usines.
Or l’offre de fabrication n’est pas élastique, chaque usine nécessite des milliards de dollars d’investissement et des années de conception. La production de semi-conducteurs se retrouve donc avec un goulot d’étranglement autour de Taïwan, toute la supply chain mondiale est sous tension.
L’offre est un des facteurs provoquant la pénurie. Nous allons maintenant analyser les changements brutaux sur la demande en semi-conducteurs.
Toute entreprise devient une entreprise d’électronique
Plus le temps passe, plus les entreprises deviennent toutes des entreprises d’électroniques. Les exemples abondent.
Une entreprise horlogère dans les années 1970 était uniquement une entreprise mécanique. Puis avec la crise du quartz, l’électronique est apparue dans les montres. D’abord en y ajoutant un simple oscillateur quartz et une bobine. Ensuite l’affichage digital y a fait entrer le premier semi-conducteur. Enfin, nous sommes actuellement à l’ère des montres connectées dans lesquelles nous trouvons un microprocesseur, des antennes Wifi/Bluetooth, un écran tactile et une batterie, que des semi-conducteurs de très haute technicité.
Ainsi, une montre classique n’a besoin que de pièces mécaniques fabriquées par plein d’entreprises horlogères. Une montre connectée à besoin de composants électroniques maîtrisés par une poignée d’entreprises asiatiques. La montre connectée voit donc sa production coincée en Asie.
Pareil pour les fabricants de trottinettes, de vélos, de lampes et d’énormément d’objets devenus connectés. Il y a encore quelques années, seul l’acier était indispensable pour faire une trottinette. Aujourd’hui, il faut une batterie (lithium et cobalt), un circuit électronique (silicium), et un moteur électrique (cuivre et néodyme). La production de trottinettes modernes est donc elle aussi coincée en Asie.
Encore un bel exemple avec les voitures, et avant même l’épineux problème des voitures électriques. Nos usines se retrouvent à l’arrêt pour moins que ça. Les constructeurs ont changé leurs tableaux de bord à aiguille par des écrans pour faire plus joli. Les tableaux de bord à écran sont aussi coincés en Asie.
Que faire ?
Vu la pénurie, les constructeurs reviennent aux tableaux de bord à aiguilles, sage décision. Avons-nous vraiment besoin de tous ces objets connectés ? En tant que développeur, je peux vous dire qu’ils sont remplis de failles de sécurité. Votre montre, téléviseur ou même frigo deviennent une menace pour votre vie privée. Sans même parler de l’obsolescence programmée.
Heureusement, nous ne serons pas obligés de revenir aux montres à gousset. Car le groupe Swatch ne connaît pas de pénurie, et pour cause : toute sa production est en Suisse. Swatch a ses propres usines pour réaliser ses circuits électroniques, c’est encore une sage décision.
Il y a peu de chance que des entreprises intégrées comme Intel ou Swatch redeviennent la norme. Mais pour autant, on peut très bien refaire revenir de Chine des entreprises européennes comme STMicro ou Siemens, afin qu’elles fabriquent pour les autres entreprises européennes. STMicro prévoit d’ailleurs de construire une usine à Grenoble. Nous pouvons aussi, a minima, financièrement faire venir TSMC en construisant une de ses usines en Europe.
Les entreprises tendent toutes à devenir des entreprises d’électroniques, mais aucune d’entre elles ne souhaite gérer la fabrication de leur propre produit. La pénurie de semi-conducteurs est donc écrasée entre une offre limitée, entre les mains de quelques entreprises autour de 500 km de Taïwan, et une demande exponentielle.
Mise à jour 18/07/2022
“On peut faire revenir les usines”…
On pourrait surtout créer en Europe des conditions telles qu’elles aient envie d’y venir d’elles-mêmes. Au lieu de coûter, si c’était généralisé à tous les secteurs, ça rapporterait une fortune.
Conditions fiscales, réglementaires, environnementales, syndicales … qui supposent une vraie révolution culturelle.
…et surtout les licences de fabrication que nous n’avons pas, faute de n’avoir jamais voulu fabriquer des CI. Toute l’informatique européenne a depuis disparu ou elle a été asservie à des fabricants asiatiques.
Exact.
MichelO a raison. Les usines ne sont pas des décrets. Les usines d’Etat sont des étrons d’Etat dans les univers compétitifs. La seule chose à faire c’est de supprimer l’IS, supprimer toutes les subventions à la presse, le CSA, Les chambres d’agriculture, 75% des ministères, ouvrir le monopole de la sécu, virer les profs qui n’enseignent pas, dissoudre les dréals et les lois qu’ils font appliquer supprimer les privilèges des SAFER, abolir 80% des normes de consommateurs abolir toutes les taxes de production, supprimer les privilèges des syndicats dits “représentatifs”, etc… Et il faut tout faire d’un coup. Tout d’un seul coup. Comme ça on en fait un seul combat. On ne peut faire qu’ne manif à la fois…
Les fabricants de semi conducteur ne manquent , la matière première est en quantité suffisante, l’offre serait- elle inferieur à la demande.
Ma foi, vous avez raison, l’électronique, cela ressemble assez à une course contre la montre.
La montre, parlons-en, puisqu’on en a parlé.
S’il y a beaucoup de marques, il n’y a pas tant de fournisseurs de mouvements de montres mécaniques qu’on croit : Miyota et Seiko au Japon, le groupe suisse Swatch ainsi que Sellita. C’est à peu près tout si l’on passe sous silence le Made in China pour se concentrer sur les montres qui donnent l’heure.
C’est donc bien l’instabilité d’un marché électronique en plein essor qui crée la tension, non pas le petit nombre de fournisseurs.
goulet d’étranglement
Pour s’installer en France, une entreprise doit respecter des normes antipollutions draconiennes et s’installer sur une friche industrielle qu’elle doit préalablement dépolluer (écolo), ne pas faire de profit (Mélanchon), sur-payer sa main d’oeuvre non qualifiée (Martinez CGT), être racketté par des taxes communales, départementales, régionales, nationales pour payer un tas de fonctionnaires à ne rien faire et enfin risquer de se faire nationaliser.
Quel entrepreneur est prêt à investir en France autre chose que du service qui ne nécessite aucun investissement matériel ?
Aucun, sauf quand les subventions qui lui sont proposées couvrent la totalité des investissements matériels. Ce qui fait que ces entreprises n’investissent rien et peuvent délocaliser à tout moment une fois les subventions encaissées.
Et nos élus et syndicats de s’indigner lorsque l’entreprise délocalise….
Si la France était si attractive comme le disent nos politiciens, il n’y aurait pas déjà eu de délocalisations.
Il reste bien sûr la difficulté de créer en France une grosse entreprise. Mais le problème des semi-conducteurs vient d’un retard technologique incommensurable . On construit selon les ingrédients qu’on veut bien nous fournir. On ne pouvait penser un smartphone, on peut simplement le fabriquer en générique, comme beaucoup de choses. Même des centres data comme Atos se trouve à la peine.
Mais on se moque bien de la nationalité des multinationales, si elles s’installent pour produire en France ! Et si on veut en profiter, il faudrait qu’on ait aussi des jeunes compétents qui puissent intégrer d’éventuels centres de recherche en France…
Comme plus avant, en matière de composants, je parle de l’industrie européenne. Au-delà, nous perdrions une certaine indépendance et on ne va pas se refaire un “gaz russe”.
Finalement la Chine en menaçant Taïwan nous rend un grand service .
Il me semble que c’est Pierre Suard , ancien PDG d’Alcaltel qui avait dit:
“Nous allons construire une entreprise sans usine”
Bel réussite car aujourd’hui nous ne fabriquons plus rien
Il me semble que Suard était surtout un grand commis de l’Etat.
Non c’est Serge Tchuruk quand il était PDG d’Alcatel et qu’il prônait l’entreprise “fabless” mais ça ne change rien au fond du problème.
zypos
ne serait-ce pas plutôt l’ineffable Serge Tchuruk: Mister “fabless”