Le Mexique et les Mexicains dans le western

Retour sur la vision du Mexique et des Mexicains dans les westerns américains.

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Le Mexique et les Mexicains dans le western

Publié le 17 juillet 2022
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Un drapeau en haut d’un mât, une petite maison en briques et un enfant nu marquent la frontière. Nous sommes au Mexique et la surveillance de la frontière est déléguée au fils du policier. La scène mêle ainsi pittoresque et pauvreté, ces deux caractéristiques fondamentales du Mexique dans le western américain. Dans ce petit western de série tourné en noir et blanc, (The Ride Back, 1957, d’Allen H. Miner), Anthony Quinn reprenait le personnage de bandit mexicain qu’il avait joué dans Ox-Bow Incident et Viva Zapata.

 

Le Mexique ou l’autre frontière

Le Mexique offre une image inversée des États-Unis, sa frontière étant l’autre frontière qui hante le western. La première se déplace sans cesse vers l’ouest, refoule la sauvagerie en exterminant les Indiens comme je l’avais évoqué dans une série d’articles. L’autre frontière, au sud avec le Mexique, oppose le monde anglo-saxon à la latinité, le protestantisme conquérant au catholicisme de la résignation, la société démocratique à l’héritage aristocratique, l’esprit d’entreprise à la fainéantise.

Avec ses anciennes missions franciscaines en ruines, ses fiestas colorées, sa société profondément inégalitaire le Mexique offre un contraste saisissant avec le rêve américain.

À la différence avec la frontière toujours mouvante de la conquête de l’Ouest, elle paraît figée, en tout cas matérialisée dans l’espace. Le plus souvent, le passage d’un fleuve en est obligatoire : c’est le cours d’eau aux deux noms qui ont servi de titre à deux fameux westerns, le Rio Grande ou Rio Bravo.

 

Le Mexique, un Eldorado ou un refuge

Le passage du Rio Grande est d’ailleurs au cÅ“ur du dernier western de Gordon Douglas, Barquero (1970). Bandit mégalomane coiffé d’un sombrero, Jake Remy (Warren Oates) rêve de construire un empire au Mexique mais se heurte au farouche et taciturne barquero Travis dit Å’il de braise (Lee van Cleef) qui possède le bac indispensable. Pour les hors-la-loi, le Mexique est en effet un Eldorado où ils peuvent échapper à toute poursuite.

En tout cas c’est un endroit « où on peut se la couler douce » (Wild Rovers, 1971, de Blake Edwards). C’est aussi un refuge pour ceux qui refusent l’ordre yankee. Les Indiens s’y réfugient pour échapper à la cavalerie (Rio Grande, 1950, de John Ford ; A Distant Trumpet, 1964, de Raoul Walsh) tout comme les sudistes vaincus qui n’acceptent pas la défaite (The Searchers, 1956, de John Ford ; Rio Conchos, 1964, de Gordon Douglas ; The Undefeated, 1969, d’Andrew McLaglen).

 

L’impérialisme ce sont les autres au Mexique

Pourtant ici et là est rappelé que le Mexique fut plus étendu. Monterey avec sa mission, ses vignes, sa torpeur et ses aristocrates aux noms interminables (Two Flag West, 1950, Robert Wise) est le symbole d’une époque révolue. La Californie hispanique, à la fin de la période espagnole (les divers Zorro) ou pendant la période mexicaine (Passion, 1954 d’Allan Dwan), sert parfois de cadre au western. L’indépendance du Texas arraché aux Mexicains a inspiré de nombreuses variations sur l’épisode Alamo dont une colossale production dirigée et interprétée par John Wayne en 1960.
L’impérialisme yankee, qui inspirait à Porfirio Diaz une fameuse formule sur un Mexique si loin de Dieu, si proche des États-Unis, est rarement dénoncé. La guerre d’agression de 1846-1848 est très rarement évoquée (One’s Man Hero, 1999, de Lance Hoole) tout comme les interventions pendant la révolution mexicaine (The Wild Bunch, 1969, Sam Peckinpah).

Le western préfère mettre l’accent sur des aventuriers américains qui se rangent aux côtés des révolutionnaires pour lutter contre l’empire de Maximilien soutenu par les Français (Vera Cruz, 1954 Robert Aldrich ; The Undefeated ; Two Mules for Sister Sara, 1970, Don Siegel). Le même schéma est repris pour l’époque de la révolution où ce type de personnage est interprété notamment par Robert Mitchum (Villa Rides, 1968, Buzz Kulick ; The Wrath of God, 1972, de Ralph Nelson) ou plus original, le policier noir joué par Jim Brown (100 riffles, 1969, Tom Gries).

 

Le Mexicain, une figure de l’Autre

Comme l’Indien, le Mexicain est une figure souvent répulsive et péjorative de l’Autre dans l’univers westernien. Anthony Quinn jouait son premier rôle mémorable dans Ox-Bow Incident (1943, William Wellman). Trois hommes sont soupçonnés à tort de meurtre et vont être victimes d’une justice expéditive. Mais le trio compte un Mexicain qui rassemble en sa personne tous les clichés attachés à ce type de personnage : sournoiserie, fierté, fatalisme et catholicisme.

Sournois, il prétend ne pas comprendre l’anglais, dissimule sa véritable identité. Comme il est déjà soupçonné d’avoir commis un meurtre sous un autre nom, il tente de s’échapper. Fier, il adopte une attitude de défi, voire de dédain. Fataliste, il accepte la mort inévitable et sera le seul des trois condamnés à boire de l’alcool avant d’être exécuté. Catholique, il récite ses prières et se confesse à un compatriote, à défaut de prêtre. Un second personnage mexicain complète le tableau, stéréotype du joyeux rondouillard, il contribue involontairement au drame, ayant vu les trois suspects. Pourtant, Anthony Quinn, s’il était d’origine mexicaine, va camper relativement peu de bandits pittoresques à l’écran.

 

Les figures du Mexicain

Le Mexicain se décline en effet en quelques figures récurrentes, toutes des variations sur le thème de la décadence latine.

La plus fréquente est le vaquero dans les westerns se déroulant aux États-Unis. Toute troupe de cow-boy encadrant un troupeau se doit de compter un Mexicain dans ses rangs. Il peut être aussi le fidèle compagnon, voué au registre comique, du héros dans de nombreux petits westerns de série. C’est le cas du métis irlando-mexicain Chito Jose Gonzalez Bustamonte Rafferty, personnage créé par Richard Martin, qui assiste Tim Holt (dans 29 films !) ou Robert Mitchum (Nevada, 1944, West of the Pecos, 1945, les deux d’Edward Killy).

Le Mexique pour sa part est peuplé de pauvres péons, généralement indien ou métis, subissant la domination des grands propriétaires ou subissant les exactions des bandits (The Magnificent Seven, 1960, de John Sturges) mais qui sont aussi des révolutionnaires en puissance (Viva Villa, Vera Cruz, Viva Zapata). Le péon n’est d’ordinaire qu’un personnage secondaire et surtout collectif.
Tout aussi secondaire est le padre, moine franciscain honnête et dévoué, toujours connoté positivement à la différence du pasteur. L’anticléricalisme n’a pas sa place dans le cinéma hollywoodien classique, les personnages négatifs étant exclusivement des pasteurs plus ou moins escrocs.

En revanche, le grand propriétaire, de pur sang espagnol, présente toutes les tares de l’aristocratie, plus rarement ses qualités. Mais les deux aspects nous sont montrés dans Passion de Dwan. À ses côtés, le militaire est quasi systématiquement un personnage douteux et cruel, oppresseur du peuple, l’antithèse même du soldat américain.

Le Mexicain est beaucoup plus rarement une Mexicaine. Dans ce cas, elle est jeune, belle et a le sang chaud comme il convient à toute latine qui se respecte dans l’univers anglo-saxon.

 

Le bandit mexicain aussi pittoresque que dangereux

Mais bien sûr c’est avant tout le bandit mexicain haut en couleurs, rigolard mais aussi dangereux qu’un serpent à sonnette, qui retient l’attention. Il a connu bien des incarnations, de l’improbable Omar Sharif qui tente (vainement) de nous persuader de sa férocité (McKenna’s Gold, 1969, de Jack Lee Thompson) aux extravagantes compositions, hors concours, d’Eli Wallach aussi bien dans Les Sept Mercenaires que dans Le Bon, la Brute et le Truand.

Citons aussi Martinez-Rodriguez (Tony Franciosa) qui change d’identité comme de chemise dans Rio Conchos. Soigneux de sa personne, se faisant les ongles et s’inquiétant de conserver une allure juvénile, il est très galant avec les femmes (surtout mariées). Il sait parler français à l’occasion ou l’apache selon les circonstances, mais en bon Latin il est de toute façon volubile.

Les bandits mexicains sont innombrables dans les westerns mais voués très souvent aux petits rôles. Mince et sournois, Johnny Sombrero (Duel at Silver Creek), au surnom significatif, abat un vieil homme dans le dos et n’ose pas affronter en face le marshall de Silver City. Il le défie cependant le jour où il apprend que le représentant de la loi ne peut plus appuyer sur la gâchette en raison d’une blessure. Dans The Hangman, 1959, de Michael Curtiz, le joyeux mexicain, petit bonhomme inséparable de sa guitare, tente d’abattre le marshall adjoint dans la boutique du barbier.

 

Bandit ou révolutionnaire ?

Arthur Kennedy, grimé pour se donner un air mexicain, devait donner une subtile variation du bandit traditionnel dans The Naked Dawn,1955, d’Edgar G. Ulmer. Ex-révolutionnaire sans illusion, Santiago est un ancien péon qui a compris que l’on changeait simplement de maître.

En fuite suite à une minable affaire de vol et de contrebande, il fait prendre conscience de la médiocrité de leur existence à un couple de jeunes paysans qui l’hébergent. Le mari, en proie à l’avidité, envisage un moment d’assassiner son hôte pour s’emparer de son argent. La femme est prête à tout quitter pour suivre le séducteur qui sait si bien parer le monde extérieur de couleurs chatoyantes. Mais après avoir sauvé les jeunes gens du pétrin dans lequel il les a précipités, le bandit au bout du rouleau reste seul pour mourir, comme il a vécu.

Du banditisme à la révolution, il n’est en effet qu’un pas. Quelques figures historiques ont retenu l’attention d’Hollywood. Viva Zapata (1952) est signé par un réalisateur aussi fameux que controversé, Elia Kazan et interprété par un Marlon Brando presque sobre.

 

Viva Zapata d’Elia Kazan ou l’échec des révolutions

Le Mexique de Porfirio Diaz, au pouvoir depuis 34 ans, est un pays où règne l’arbitraire. Les droits des paysans, autrefois garantis par la Couronne espagnole, sont désormais bafoués par de grands propriétaires protégés par l’armée. Emiliano Zapata, paysan d’origine indienne, bien qu’analphabète, se révolte contre les injustices. « Tu n’es pas la conscience du monde » lui reproche un grand propriétaire qui le protège.

Le film dépeint sans complaisance l’échec des révolutions du Mexique. Sous les dorures du palais présidentiel, les hommes passent sans que rien ne change pour les paysans. À l’autocrate patriarcal Diaz succède le médiocre et gris Madero. Il se fera abattre comme un chien, par une nuit pluvieuse, au profit du général Huerta.

Le bien-être peut-il naître du mal et la paix émerger de tant de tueries ? Telle est la question posée à Zapata par un de ses anciens compagnons désormais considéré comme un traitre. À l’euphorie initiale de la révolte a succédé le visage sombre d’une Révolution qui dévore ses enfants.

 

Zapata, figure christique du Mexique

Dans l’ombre de la Révolution, Fernando (Joseph Wiseman) incarne le fanatique, l’intellectuel dogmatique obsédé par la Cause. « Détruire est votre seule passion » finit par comprendre notre héros tourmenté.

Emiliano Zapata rencontre Pancho Villa. Mais Villa est fatigué : « ai-je l’air d’un président ? »  Et Zapata, arrivé au pouvoir, accueillant des paysans de sa province natale, se retrouve dans la position de Porfirio Diaz, reprenant même ses mots : « mes amis, que puis-je pour vous ? »

Et voilà qu’un jeune paysan lui jette à la figure les reproches qu’il adressait au vieux dictateur. Peut-on mieux illustrer l’échec des révolutions ?

« Un peuple fort n’a pas besoin d’homme fort » comprend Zapata.

Figure christique aux yeux des paysans, il va connaître sa Passion. Un colonel félon lui donne le baiser de Judas avant qu’il ne périsse dans une embuscade.

 

Viva Villa de Jack Conway

Zapata est sans doute une figure trop austère, en décalage avec l’imagerie traditionnelle. Aussi le cinéma s’est-il plus volontiers penché sur la figure haute en couleurs de Pancho Villa. On est d’ailleurs frappé de l’étonnante ressemblance du schéma narratif entre Viva Villa (1934) et Viva Zapata (1952).

Fils de pauvre paysan dépossédé par les grands propriétaires, Villa, révolté analphabète, finira lui aussi abattu dans une embuscade. Le scénario du premier film a visiblement largement inspiré le second. N’y cherchons pas la vérité historique comme nous l’indique un carton initial. Très fantaisiste, le film de Jack Conway prend pourtant paradoxalement une dimension documentaire, lié au tournage sur place en décors naturels, dans plusieurs séquences.

 

Mais loin de la triste figure du Zapata de Brando, Wallace Beery cabotine sans retenue ce qui lui valut un prix d’interprétation à la Mostra. Il campe un type de personnage qui lui est familier depuis Long John Silver, la canaille au grand cÅ“ur. Madero, petite souris grise affolée dans le film de Kazan, incarne ici une figure christique qui veut libérer le petit peuple de l’esclavage. Il est piquant que le rôle ait été confié à l’ancien acteur fétiche de Griffith, Henry B. Walthall, le chef du KKK dans Naissance d’une Nation !

 

Pancho Villa ou le Mexicain pittoresque et barbare

Pancho Villa, impitoyable dans la conduite de la guerre se heurte au général Huerta ici rebaptisé, on ne sait pourquoi, général Pascal, le cauteleux Joseph Schildkraut. Le Code ne s’étant pas encore imposé, certaines séquences sont très violentes pour l’époque. Pour économiser les balles, le second de Villa fait ainsi ligoter et aligner les prisonniers par groupes de trois pour les abattre d’un seul coup.

Devenu maître de Mexico, Pancho Villa se propose de résoudre les problèmes budgétaires avec une recette infaillible : il suffit d’imprimer des billets. Est-il naïf n’est-ce pas ? La trajectoire de Villa, bandit capable de faire régner la terreur mais incapable de gouverner le Mexique s’achève misérablement. Il est abattu par un grand aristocrate qui veut venger sa sÅ“ur, tuée accidentellement alors qu’il tentait de la violer.

Yul Brynner reprendra le personnage dans Villa Rides (1968) sur un scénario de Peckinpah, entretenant l’image du Mexicain pittoresque, bigame et barbare ; mais ce type de rôle ne convenait pas nécessairement à l’acteur. Surtout, le film, tourné en Espagne et non au Mexique, était d’une grande médiocrité en dépit de bons interprètes (Robert Mitchum, Charles Bronson, Herbert Lom), les scènes de combat étant aussi mollassonnes que mal filmées.

Mais péon ou bandit, ou bien péon devenu bandit, notons combien ces clichés perdurent dans le cinéma hollywoodien contemporain. Après tout, l’immigré clandestin tentant de franchir la frontière tout comme le trafiquant de drogue reprennent, sans les renouveler, les figures complémentaires et antagonistes du péon et du bandit chères au western le plus traditionnel.

 

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  • présence russe, française, espagnole sur le continent nord américain..image des esclaves..

    le cinéma participe au mythe national.. mais aussi à sa déconstruction…

    nos ancêtres les gaulois…

  • L’éternelle histoire de la propagande du cinéma US, la classe dominante des Wasp au 19 et 20 siècles qui considèrent le mexicain ou Chicanos cet Hispanique, latinos, métis, un sous homme, l’ennemie de toujours , cette être sous développé vivant dans un pays du tiers monde, ce qui n’empêche pas au mois de mars, les étudiants des universités US d’aller se rincer la gueule, de copuler entre eux, se droguer dans ce pays sous développés

    -2
  • Votre anti-américanisme est décidément fascinant. Pas étonnant que les Français soient perçus à l’étranger comme un des peuples les plus arrogants du monde…

    -1

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