Les sophismes économiques du dernier épisode des Simpson

Beaucoup d’erreurs se sont glissées dans le dernier épisode des Simpson.

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Screenshot 2022-05-31 at 16-42-03 Robert Reich sur Twitter

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Les sophismes économiques du dernier épisode des Simpson

Publié le 1 juin 2022
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Par Patrick Carroll.
Un article de la Foundation for Economic Education

Dans le dernier épisode de la saison des Simpsons de dimanche, l’ancien secrétaire d’État au travail Robert Reich s’est associé à Hugh Jackman pour faire un numéro musical sur l’économie. Le numéro portait sur les inégalités et la disparition de la classe moyenne, et affirmait que les « riches avides » étaient responsables de la baisse des salaires et du niveau de vie.

Quelques jours auparavant, Reich avait tweeté un aperçu du spectacle.

[Traduction : « Je suis reconnaissant de pouvoir partager cette avant-première de @TheSimpsons où @RealHughJackman et moi faisons équipe pour lutter contre les inégalités et la disparition de la classe moyenne. Voici un aperçu de l’épisode. Ne manquez pas le reste de l’épisode à 20 h. » ]

Bien que beaucoup soient d’accord avec Reich, la vérité est que cet extrait est rempli d’erreurs économiques. Décortiquons-les un par un.

 

Erreur n° 1 : les profits élevés sont le résultat de la cupidité

La vidéo commence par cette phrase de Reich :

« Le déclin des syndicats, la cupidité endémique des entreprises, les malversations de Wall Street et la montée des politiques à courte vue ont tous contribué à accroître les inégalités économiques, à généraliser le chômage réel, à faire stagner les salaires et à abaisser le niveau de vie de millions d’Américains. »

Lorsque Reich parle de « cupidité endémique des entreprises », il montre un graphique illustrant l’augmentation des bénéfices des entreprises. L’implication semble être que l’avidité excessive est la cause de ces profits élevés.

Le raisonnement est généralement le suivant : les employeurs cupides paient moins leurs salariés et font payer plus cher leurs clients afin d’augmenter leurs marges. Le problème de ce raisonnement est qu’il suppose que les dirigeants ont beaucoup plus de pouvoir pour fixer les salaires et les prix qu’ils en ont en réalité.

En réalité, les propriétaires d’entreprises sont soumis à la discipline du marché. S’ils essaient de payer leurs salariés moins que le tarif en vigueur pour leur travail, ceux-ci iront tout simplement travailler pour quelqu’un d’autre. S’ils essaient de faire payer leurs clients plus cher que le tarif en vigueur pour le produit, ces derniers iront acheter ailleurs.

Ainsi, un propriétaire d’entreprise peut théoriquement vouloir arnaquer ses salariés et ses clients pour augmenter ses marges, mais la réalité est qu’il ne peut pas le faire, du moins pas longtemps.

Donc, si les entrepreneurs ne peuvent pas progresser en étant particulièrement avides, qu’est-ce qui distingue ceux qui réussissent de ceux qui échouent ? En réalité, il s’agit d’une combinaison de chance, d’une bonne anticipation des conditions du marché, de bonnes compétences de gestion et, très franchement, de la mesure dans laquelle vous pouvez convaincre l’État de truquer le marché en votre faveur (cela arrive bien plus souvent que la plupart des gens ne le réalisent).

 

Erreur n° 2 : les Américains connaissent une stagnation des salaires et une baisse du niveau de vie

Dans la deuxième partie de son introduction, Reich affirme qu’il y a « une stagnation des salaires et une baisse du niveau de vie pour des millions d’Américains ».

Cette affirmation est au mieux trompeuse. Si nous parlons des salaires nominaux (le chiffre sur le bulletin de paie), ils ont clairement augmenté. Mais même en regardant les salaires réels (ce que votre salaire peut acheter), il est difficile de dire qu’ils ont stagné. Comme l’explique Marian L. Tupy pour Human Progress, même si le salaire horaire moyen n’a pas beaucoup changé lorsqu’il est corrigé de l’inflation, ce chiffre ne tient pas compte d’autres facteurs importants tels que les avantages non salariaux (qui ont considérablement augmenté) et l’amélioration de la qualité des biens.

L’affirmation selon laquelle le niveau de vie diminue est également problématique. Considérez un ménage américain typique dans les années 1970 par rapport à aujourd’hui. Pensez à l’évolution de l’accès aux appareils électroménagers, aux téléphones, aux ordinateurs, aux téléviseurs, aux caméras, etc. L’intuition montre clairement – et les données le confirment – que le niveau de vie augmente effectivement dans tous les domaines.

Si vous n’êtes toujours pas convaincu, demandez-vous simplement si vous préféreriez vivre dans les années 1970 – avant l’internet, les smartphones et les services de streaming – ou aujourd’hui.

 

Erreur n° 3 : l’économie est un gâteau fixe

Le petit clip musical continue avec la déclaration suivante :

« Ils ont rogné les salaires pour augmenter le prix des actions, ils ont découpé le gâteau et ont gardé toutes les parts. »

La deuxième partie de cette phrase fait référence à l’idée qu’il n’y a qu’une quantité limitée de richesses à distribuer, et que les travailleurs n’obtiennent qu’une petite partie de ces richesses, alors que la plupart d’entre elles vont aux riches et aux puissants. Le problème ici est que Reich part du principe que la richesse est un gâteau fixe, ce qui signifie que les riches s’enrichissent en gardant des parts pour eux au lieu de les distribuer aux autres.

En réalité, le gâteau n’est pas fixe. Il peut s’agrandir. Dans un modèle de gâteau fixe, la seule façon de s’enrichir est de le faire aux dépens de quelqu’un d’autre. Une personne doit perdre pour qu’une autre puisse gagner. Mais dans l’économie réelle, la plupart des transactions se font sur un mode gagnant-gagnant. Lorsqu’une entreprise échange un produit avec un consommateur, les deux parties sont gagnantes. La taille du gâteau augmente. Personne ne garde des parts de quelqu’un d’autre. Bien sûr, certaines personnes peuvent être plus productives et se retrouver avec plus d’argent, mais dans un marché libre, vous gagnez de l’argent en profitant des autres, et non en leur prenant de l’argent.

 

Erreur n° 4 : la théorie du ruissellement a été démystifiée

La phrase suivante de l’extrait vidéo est celle-ci :

« Les réductions d’impôts sont allées aux PDG, sans jamais retomber sur le commun des mortels. »

Il s’agit d’une attaque claire contre la théorie du ruissellement, qui est essentiellement l’idée que lorsque les riches deviennent encore plus riches, leur argent supplémentaire ruisselle sur la classe inférieure, ce qui améliore la situation des pauvres.

La gauche adore utiliser ce terme dans les débats. Dès que quelqu’un suggère de réduire l’impôt sur les sociétés ou de ménager les riches, ils affichent immédiatement un sourire en coin et disent « en fait, la théorie du ruissellement a été démystifiée ».

Le problème de cette affirmation est très simple : la théorie du ruissellement n’existe même pas vraiment. Aucun économiste sérieux ne prétend que l’argent des riches se déverserait d’une manière ou d’une autre sur les classes inférieures si seulement elles en avaient davantage.

En bref, la raison pour laquelle les économistes préconisent de ménager les riches est que, contrairement à l’État, les riches ont tendance à investir dans des entreprises qui font croître l’économie, ce qui entraîne une plus grande abondance et un meilleur niveau de vie pour tous. Mais ce n’est pas de l’économie de ruissellement. C’est juste de l’économie. Et vous avez du pain sur la planche si vous voulez démystifier cela.

 

Ce qu’ils ont oublié de mentionner

Si les erreurs présentées dans cette vidéo des Simpson sont suffisamment flagrantes, ce qui rend cet épisode inexact, c’est ce qu’ils n’ont pas dit. Ils ont complètement laissé de côté l’impact négatif des réglementations étatiques sur l’économie. Il n’a pas été fait mention des barrières commerciales, du copinage ou de toutes les autres choses que l’État fait et qui rendent la vie difficile aux pauvres.

Malgré l’augmentation de notre niveau de vie, l’économie connaît toujours de réels problèmes. Mais nous ne pourrons pas les résoudre tant que nous ne nous serons pas débarrassés des sophismes économiques et que nous n’aurons pas pris le temps d’apprendre ce qui en est réellement la cause.

Traduction Justine Colinet pour Contrepoints.

Sur le web

 

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  • Le « ruissellement », traduction approximative du « trickle down » évoquant le gros riche qui pisse ses excédents sur la plèbe, devrait être remplacé par la « percolation » qui évoque assez bien la diffusion vertueuse à travers le corps social des valeurs qui ne sont pas confisquées par l’État glouton.

    • L’image de la percolation retourne bien celle du ruissellement – propagande faite aux ignorants et homme de paille fait aux libéraux – dont l’illustration que vous faites m’a bien fait marrer.
      C’est l’échange qui crée de la valeur. La « diffusion vertueuse » serait alors le marché libre si j’ai bien compris votre retournement ?
      L’Etat glouton, je n’ai pas besoin d’un dessin.
      Après ce n’est pas nous qui donnons les noms aux théories farfelues qu’on nous prête.

  • Le souci est d’avoir commencé l’article avec l’erreur n°1. Un adversaire du libéralisme n’ira pas lire plus loin. En effet, ce dernier dira que les dirigeants ont bel et bien la possibilité de fixer les salaires en-dessous du seuil légal en délocalisant. La désindustrialisation et la pression sur les salaires qui en découlent sont parmi les causes de la disparition de la classe moyenne.
    Bien sûr les adversaires du libéralisme passeront sous silence que cela permet d’obtenir des biens à des prix bien plus bas que s’ils étaient produits ici.
    Les tenants du libéralisme diront que d’autres jobs remplaceront ceux qui ont été perdus : ils prétendent que le progrès ne tue pas les jobs mais les fait évoluer. Le souci est de savoir ce que nous allons faire de la masse des inaptes à ces nouveaux jobs. Je me rappelle les cancres indécrottables de mon école primaire : on les envoyait casser des cailloux à la carrière locale ou nettoyer les chaudières des locomotives à vapeur du dépôt qui a fermé depuis maintenant longtemps. Ceux d’aujourd’hui se retrouvent au chômage et comme l’oisiveté est la mère de tous les vices…
    Bref, ce point met les uns et les autres devant les effets pervers de ce qu’ils défendent. Cela mériterait un article à soi tout seul.
    Dommage car les points suivants sont démontés de façon magistrale, jusqu’à la conclusion très à-propos elle aussi.

    • La délocalisation n’est pas un problème, c’est plutôt un avantage.
      Le chômage endémique n’est pas dû aux délocalisations, mais plutôt à la politique anti économique de la France qui multiplie les taxes et les réglementations.
      Les cancres peuvent aussi travailler et créer des richesses, il y aura tjs des petits boulots.

    • Il y a 230000 jobs saisonniers non pourvus cet été. Aucune qualification requise. Donc je sais que ça ne suffit pas pour supprimer le chômage en France, mais c’est déjà pas mal de travail pour « les inaptes » (mot tout à fait insultant d’ailleurs, ils ne sont pas aptes à tout, mais ils sont aptes à certaines choses, à moins que vous ayez fait vos études dans un internat psychiatrique). Le problème, c’est que l’oisiveté paye mieux.

  • Ce qui sous entendrait que les créateurs des Simpsons, s’en mettent plein les fouilles et que leur dessinateurs sont sous payés…

  • Les commentaires sont fermés.

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