L’inflation a menti, elle n’a pas fait ce qu’elle avait promis. Alors qu’elle devait s’essouffler, elle a accéléré de plus belle. Hier, c’était la hausse des prix de l’énergie, puis des prix des biens durables, aujourd’hui les prix de l’alimentaire, et demain les salaires ? Certes, Poutine n’était pas prévu, ni le reconfinement chinois. D’une manière générale on avait naïvement cru que l’offre s’empresserait de s’ajuster à la demande une fois le monde déconfiné, afin d’éviter des tensions sur les prix des biens trop rares. Résultat, l’inflation se trouve aujourd’hui désinhibée après 40 ans de mutisme marmoréen.
D’un autre côté, il y a le Banquier central bien élevé, qui use de la formule pour raisonner l’inflation sauvage. Comme si le fond pouvait convaincre la forme qu’elle exagère. Le Banquier central ne compte pas se laisser emporter par l’émotion de l’Homme de la rue. Il propose de raison garder et d’avancer tel monsieur Homais. Ainsi, le Banquier central nous parle d’une normalisation progressive des conditions monétaires qui jusqu’alors étaient ultra-accommodantes. Au risque de faire bailler, il parle même de taux nul revenant vers un taux neutre, ce qui n’est pas la même chose du tout : le taux nul fait référence au coût de l’argent gratuit (nul donc), alors que le taux neutre se dit d’une politique monétaire ni trop ni trop peu accommodante ou restrictive, juste ce qu’il faut.
A priori, il y a donc comme un décalage entre la sauvagerie inflationniste et la retenue monétaire. Cela peut faire penser au mythe des guerres en dentelles où la pratique de la trompette était jugée aussi importante que le maniement des armes pour gagner la guerre. Comme un symbole, il a fallu attendre le siècle des Lumières pour réaliser que la trompette c’est sympa, mais les armes c’est mieux si on veut gagner. La Banque centrale mènerait-elle une guerre en dentelle contre l’inflation ? On pourrait le croire au vu des oripeaux monétaires proposés pour lutter contre l’agresseur : une hausse des taux directeurs de la BCE peut-être en juillet, de moindres achats de titres… Certes, on ne discute pas cuisine avec un cannibale, comme dirait l’autre. Autrement dit, ce n’est pas à la Banque centrale de se comporter comme l’inflation sauvage, mais à l’inflation d’obéir enfin aux canons des règles de politiques monétaires.
La Banque centrale mène une politique monétaire en dentelle
Mais en vérité, si la Banque centrale mène une politique monétaire en dentelle, ce n’est pas par snobisme, c’est une nécessité.
En effet, pour freiner efficacement l’inflation galopante, le Banquier central se voit contraint de tirer vigoureusement sur la bride économique. En langage économique, on doit alors comprendre que puisque l’offre a échoué à s’ajuster à la demande, c’est la demande qui va faire l’effort. Or, le risque est alors de casser une croissance économique en porcelaine à peine remise de la covid, et de faire exploser des marchés financiers à fleur de peau. Il faut donc de la mesure, du dosage, il faut le juste nécessaire, voire presque moins pour ne pas provoquer le destin. En fait, il faut faire preuve de doigté, savant mélange de fermeté et de délicatesse. Or, le doigté est une pratique qui ne s’invente pas, il faut avoir usé de la chose pour maitriser son geste. Problème, cela fait tellement longtemps que la Banque centrale n’a pas vu le loup inflationniste.
Pourtant, il faudra bien à un moment que la Banque centrale montre elle aussi les dents. Même si au fond d’elle, elle se rêve en loup gentil, ce loup qui souffle sur la maison de pierre afin de ne pas laisser notre cochon sans toit, qui éradique l’inflation sans casser la croissance.
Hé oui, l’inflation n’en fait qu’à sa tête. J’ai voulu la supprimer… alors j’ai essayé d’acheter une arme, mais je n’avais pas assez d’argent. J’ai voulu appeler les pompiers pour arrêter la flambée des prix. Ceux-ci m’ont répondu que c’était du ressort de la banque centrale…. et comme leur alarme « incendie » est en panne, il faut attendre…. En dernier ressort je me suis tourné vers le gouvernement…et là je n’ai trouvé que des pompiers pyromanes… Ben oui le « quoi qu’il en coûte » ne coûterais rien… (ce que certains continuent de croire) sauf que la planche à billet marche à fond….
Pour maintenir le pouvoir d’achat, la planche à billet va continuer à alimenter une masse monétaire qui est déjà excédentaire : on n’est pas sortie de l’auberge. (l’auberge s’appelle Titanic)
Alors politique monétaire en dentelle ? je ne sais pas. mais à chaque fois : c’est une fuite en avant parce que le vrai sujet c’est le risque d’explosion sociale. Et les mesures prises sont les plus faciles, pour laisser à penser que la situation est maitrisée. ( de toutes façons, les décideurs sont toujours en retard d’une guerre avec un manque d’imagination chronique.)