Déclaration de patrimoine des candidats : la foire aux apparatchiks

Au final, sur les 12 candidats à la magistrature suprême, seuls 2 sont réellement représentatifs de la situation financière de leurs électeurs.

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Déclaration de patrimoine des candidats : la foire aux apparatchiks

Publié le 15 mars 2022
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L’histoire adore les coïncidences. Alors que le pouvoir d’achat des Français subit de plein fouet la guerre russo-ukrainienne avec l’explosion du prix des carburants, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a dévoilé mardi 8 mars les déclaration de patrimoine et d’intérêts des 12 candidats à la présidentielle. L’occasion de faire un rapide tour d’horizon du portefeuille de ceux qui s’affronteront dans les urnes dans moins d’un mois.

Ces déclarations montrent une déconnexion criante entre les candidats et leurs électeurs potentiels qui n’est pas pour rassurer sur l’état de notre démocratie.

 

Un patrimoine moyen 6 à 7 fois supérieur à celui des Français

239 900 et 117 000 euros. Ce sont respectivement les patrimoines moyens et médians des Français en 2018 selon l’INSEE.

Les candidats ont déclaré en moyenne et en médian respectivement un patrimoine 7 et 6 fois plus élevés que leurs électeurs. Le patrimoine moyen des candidats s’élèvent ainsi à 1,77 million d’euros et leur patrimoine médian à 602 500 euros.

Ce nombre est gonflé par celle qui se place largement en tête du panier : Valérie Pécresse. La « Dame du faire » qui se prétendait cet été « deux tiers Merkel et un tiers Thatcher » mais qui est parvenue depuis son investiture à devenir trois tiers Ségolène Royal disposerait selon la HATVP d’un patrimoine net de 9,7 millions d’euros fort de 4,1 millions d’euros répartis entre trois maisons, de 6,5 millions d’épargne et 60 000 euros d’œuvres d’art ; mais amputé de plus de 800 000 euros de dette immobilière et de 174 000 euros dus au Trésor public. Ainsi, si la candidate LR peine à conserver une troisième place, elle serait largement élue si ce scrutin était fonction de son portefeuille puisque celui-ci représente 45,7 % du patrimoine total des candidats.

Le deuxième de la liste dispose d’un patrimoine plus de deux fois inférieur. Éric Zemmour, son adversaire d’un débat pénible mené sur LCI jeudi soir est régulièrement attaqué pour son patrimoine de 4,2 millions d’euros également répartis dans l’immobilier ainsi que ses actions dans sa maison d’édition.

 

L’immobilier sur-représenté

Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont respectivement quatrième, cinquième et huitième de la liste. Fait notable, le président de la République aurait un patrimoine essentiellement constitué de comptes bancaires et d’instruments financiers. Fait notable puisqu’il ne partage cette caractéristique qu’avec deux de ses concurrents : Yannick Jadot et Philippe Poutou. A contrario, près de 80 % du patrimoine des candidats à la présidentielle est constitué de biens immobiliers. À titre comparatif, toujours selon l’INSEE, l’immobilier correspondrait à 61 % du total du patrimoine des Français.

Si les Français votaient selon leur proximité financière avec les candidats, il est vraisemblable que le second tour opposerait Nathalie Arthaud et Fabien Roussel, actuellement visé par une enquête pour emplois fictifs faisant suite aux révélations de Mediapart.

En termes de représentativité dans la répartition du patrimoine, les 81 % d’immobilier de Nathalie Arthaud se battraient avec les 42 % de Valérie Pécresse.

 

Douze candidats, 9 apparatchiks

Après les stocks, qu’en est-il des flux ? Il est en effet intéressant de s’interroger sur les revenus des candidats et en particulier de savoir qui, parmi eux, s’est enrichi sur le dos du contribuable français.

Si les colonnes de nos confrères de 20 Minutes notent que Nicolas Dupont-Aignan « tire l’essentiel de ses revenus de ses fonctions électives », les autres candidats ne sont malheureusement pas en reste.

Parmi les plus gourmands d’argent public, on retrouve Marine Le Pen. Cette dernière tire l’essentiel de ses revenus de fonctions politiques et en particulier de présidente du FN devenu RN en 2018. Suivent donc Nicolas Dupont-Aignan puis Jean-Luc Mélenchon. Même chose pour Anne Hidalgo, dont le conjoint travaille également pour l’Insee, l’école des ponts et la région Île-de-France, ainsi que pour Yannick Jadot, dont les revenus dépendent exclusivement de son mandat à Strasbourg, Fabien Roussel, dont la conjointe travaille à l’eurométropole lilloise et au PCF du département du Nord. Les revenus sont également largement électifs pour Jean Lassalle et évidement pour Emmanuel Macron. Ces déclarations ne remontent en effet que jusqu’à cinq années en arrière, ce qui explique que le chef de l’État ne doive ses revenus qu’à ses fonctions présidentielles et à de l’épargne tels que des actions.

Pour sa part, Nathalie Arthaud doit ses revenus à ses fonctions de professeur agrégé et ceux de son concubin à un emploi à la Sorbonne.

Première du classement en termes de volume, Valérie Pécresse doit elle aussi la plupart de ses revenus de ses fonctions électives et ses démembrements, en particulier au sein du conseil d’administration d’Aéroport de Paris. Son livre d’entretiens avec la journaliste doublement primée Marion Van Rentergheim intitulé Et c’est cela qui changea tout paru en 2019 chez Robert Lafont lui aurait également rapporté plus de 15 000 euros de droits d’auteur. Son époux, Jérôme Pécresse, est haut cadre chez General Electric.

Éric Zemmour doit, lui, l’essentiel de son patrimoine des 5 dernières années à ses fonctions de journaliste et d’écrivain. Cette situation est à relativiser notamment lorsqu’on prend en compte les subventions à la presse. En effet, contrairement à Contrepoints, qui refuse catégoriquement ce type de financements, la plupart des titres français sont subventionnés. Selon les données du ministère de la Culture, Le Figaro et ses démembrements percevraient ainsi 8 millions d’euros d’aides annuelles.

Enfin, la majorité des revenus du candidat NPA Philippe Poutou est issue de ses salaires puis de ses indemnités de licenciement de l’usine Ford de Blanquefort qui a fermé en 2019. Depuis 2020, il perçoit également des indemnités d’élu à la Métropole bordelaise.

Près de 9 candidats sur 12 sont donc ni plus ni moins que des apparatchiks.

 

Une représentation factice

Au final, sur les 12 candidats à la magistrature suprême, seuls deux sont réellement représentatifs de la situation financière de leurs électeurs.

Mais plus dramatique encore est l’origine de ces patrimoines. Sur les 12 candidats, 9 doivent leurs revenus récents à leurs fonctions électives, un à son emploi dans la fonction publique, un à des emplois intellectuels en partie subventionnés et un à son emploi dans le secteur privé alors que ce secteur représente aujourd’hui 8 emplois sur 10.

Deux comparaisons qui n’aident pas à être optimiste sur l’état démocratique de l’Hexagone à moins de 4 semaines du premier tour.

Voir les commentaires (16)

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Créer un compte Tous les commentaires (16)
  • Le patrimoine des candidats ne nous regarde pas.
    Le droit à la vie privée devrait s’appliquer à tout le monde.

    • Ce qui en a été constitué avec l’argent public, désolé, ça nous regarde. Le reste, en effet, n’est pas vraiment notre affaire, sauf qu’on peut estimer que celui qui aura su faire fructifier ses talents à des fins personnelles, au moins, dispose de talents dont le pays pourrait à son tour profiter. Celui qui n’a manifestement su que vivre aux crochets de l’état, par contre, …

      • Parfaitement d’accord: les élus sont nos employés et nous devons savoir au moins combien ils nous coûtent à défaut de le décider. Il s’agit du revenu de leur charge qui nous est débité.
        Pour le reste, placements judicieux, gains aux jeux, héritages, trésors, c’est leur vie privée et en dehors d’éventuels conflits d’intérêt ou connivence cela ne nous regarde pas même si eux tentent parfois un peu trop de nous espionner.

      • Ça ne me regarde pas ce que fait un fonctionnaire ou un élu de ses émoluments qui une fois dans sa poche deviennent son argent.
        Pire cela ne m’intéresse pas.
        Ce qui me regarde et m’intéresse énormément c’est ce qu’il fait de l’argent public et qu’il rende des comptes ( art. 15 de la ddhc ) sur ses actions. Bref qu’ils soient responsables.
        Par contre je suis choqué que Nathalie Arthaud soit prof agrégé d’économie, là est le véritable scandale révélé dans cet article. ?

        • Sauf erreur, Sandrine Rousseau aussi.
          Ce qui tendrait à donner du crédit à la boutade « On a inventé les économistes pour que les astrologues aient l’air sérieux ».

        • il y a pas si longtemps , certains élus, et même beaucoup , se sont enrichis avec l’ indemnité de frais de mandat ( environ 6000 euros par mois ) : ils ont acheté une maison, l’ ont déclaré comme local parlementaire , et au bout de 5 ans , voire plus , se sont retrouvé à la tête d’ un joli patrimoine : les exemples foisonnent…

    • Dans un monde idéal, les revenus sont affaire privée, mais on est assez loin d’un monde idéal… En pratique, qu’ils constituent des fortunes à nos frais directs, en s’attribuant mutuellement prébendes, primes et défiscalisations, nous regarde grandement; qu’ils « pantouflent » en revendant leur entregent dans le secteur connivent (public ou « privé »,) y compris en ce qui concerne leurs conjoints, ça nous regarde aussi beaucoup.
      Il y a un rapport direct entre l’emprise de l’état et la qualité de la soupe servie à ses « serviteurs ».

  • Et si on regarde du côté de leur parc automobile, la situation est encore plus dramatique.

  • Pourquoi ne pas parler des anomalies de ces déclarations?
    La fortune du conjoint?
    Le très faible patrimoine de Macron s’explique-t’il par le patrimoine de son épouse? Ou par ses dépenses capillaires?

  • Pour ne prendre que deux exemples qui rendent ces déclarations sujettes à caution: Mme Pécresse déclare un patrimoine détenu en communauté avec son époux, M. Macron déclare un patrimoine personnel sans tenir compte de celui de son épouse. Cela fait une grande différence.

    • Oui, ça fait une grande différence, surtout au vu du métier de monsieur Pécresse – même si en regard, il n’est pas sûr que la retraite de madame Macron soit mirobolante… Mais il n’y a peut-être rien d’irrégulier ici, monsieur Macron est peut-être marié sous le régime de la séparation de biens, alors que madame Pécresse serait mariée sous un quelconque régime communautaire (aux acquêts ou universelle)…?

  • La non représentativité est récurrente. la plupart du temps les candidats émargent à la fonction publique ou aux fonctions électives (bien payées au demeurant). C’est la raison pour laquelle on n’a que des nuls et des gens qui pensent tous (au trotskisme près) la même chose. Aucun grand manageur du privé ne se présente. Ils préfèrent tous leurs revenus très confortables aux miettes de la République. Cela veut dire surtout que nos élites économiques se foutent de la France (sauf quand il s’agit de recueillir des subventions). Aussi, l’article est incomplet. La bonne question est de savoir pourquoi des gens qui réussissent dans le business laissent le pouvoir aux énarques et autres technocrates.

  • Je me suis pincé en lisant cet article. On est sur Libé? sur l’Huma? ou sur Contrepoints? Vous voudriez peut être avoir pour candidats à la présidence une floppée de SDF, de RMIstes, de ZADistes, et de quoi encore! Bon, vous me ferez fusiller si vous voulez, mais j’assume, je préfère un président (ou une présidente) qui sait ce que c’est que d’avoir accumulé un peu de patrimoine, plutôt qu’un qui ne sait pas.

    • J’aurais rêvé d’un candidat libéral qui déclare un patrimoine manifestement bidon pour bien signifier que cela ne regarde personne.

    • « je préfère un président (ou une présidente) qui sait ce que c’est que d’avoir accumulé un peu de patrimoine, plutôt qu’un qui ne sait pas. »
      Vous ne devez donc pas aimer E.Macron qui après avoir gagné des millions en tant que banquier d’affaire (ce que je ne lui reproche pas) et occupé un poste rémunéré 150 K/annuels tous frais payés ne déclare que 500 K de patrimoine.
      Ou il ne sait pas gérer son argent ou il se fout de nous.
      Les deux hypothèses m’agacent.

    • @AlainR
      Bonsoir,
      En quoi un sdf ou un Rmiste serait moins compétent qu’un aparatchik ?
      Combien de précaires, de smicards, Rmistes, de chômeurs et de sdf en France VS 600 000 élus ? Il y a 10 millions de pauvres en France. Qui les représente eux sous les ors de la « République » ?

      « Bon, vous me ferez fusiller si vous voulez »
      Ça, c’est chez la gauche que ça se fait, pas chez les liberaux qui, eux, vous laissent vous exprimer.

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