L’Europe économique est passée de la lumière à la pénombre

Du Traité de Rome à la mise en place de l’euro, l’Union européenne a voulu apporter la prospérité économique à sa population. Si cela fonctionna bien dans un premier temps, la machine s’est depuis grippée.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 1
Parlement européen de Strasbourg le 25 novembre 2014 lors de la visite du Pape François (Crédits : Claude TRUONG-NGOC, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’Europe économique est passée de la lumière à la pénombre

Publié le 28 janvier 2022
- A +

Par Bernard Landais.1
Un article de Conflits.

Le Traité de Rome de 1956 instituant le marché commun pour les six pays fondateurs (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) a inauguré une ère de grande prospérité pour ces pays et plus récemment pour la plupart de ceux qui ont adhéré, même tardivement. Les principes économiques sous-jacents sont la valorisation des avantages comparatifs et l’extension des marchés des entreprises, qui leur garantissent des gains de productivité liés aux économies d’échelle. L’opération du marché unique entamée par Jacques Delors au milieu des années 1980 allait dans la même direction, au moins en apparence. Mais ce fut un faux semblant.

On peut constater  le changement dès les années 1980. Le volet économique s’étant bien établi et la plupart des avantages qui lui étaient liés étant déjà complètement acquis pour les « anciens pays » qui dirigeaient l’Europe d’alors, vint le moment d’une grande bifurcation.

 

La bifurcation fut idéologique

Les socialistes se convertissaient en masse aux lois du marché tout en ayant à l’idée qu’après la planification nationale, il convenait d’imposer ces lois de façon rationnelle à coups d’organisation et de règlements.

Conformément à leur ADN, il fallait donc et paradoxalement « planifier le marché ». Les commissaires européens, en oligarques fiers de leur science toute neuve, se mirent donc à pratiquer un « socialisme de marché » qui perdure encore, appuyé sur les milieux financiers et les organisations internationales et judiciaires. Les vrais libéraux en furent pour leurs frais, eux qui, tels l’économiste français Pascal Salin, souhaitaient en rester aux mesures de libération des entraves au commerce et de circulation des facteurs.

La bifurcation fut aussi géographique

Le Royaume-Uni (tout comme l’Irlande) ne jouait pas ce jeu, profitant seulement de son entrée tardive pour engranger les bénéfices de l’ouverture, tout en rejetant le socialisme de marché qui s’amorçait.

De Margaret Thatcher à Boris Johnson, il y a une continuité réelle dans une  attitude de résistance qui a abouti au Brexit. Le Royaume-Uni qui dans son Histoire n’a jamais dominé l’Europe et qui garde les yeux fixés sur le « grand  large », considéra d’emblée que l’aventure politique européenne ne pouvait profiter qu’aux grandes puissances continentales et surtout à l’Allemagne.

Par sa seule présence, le Royaume-Uni a servi temporairement de pôle modérateur pour freiner la dérive européenne vers le socialisme. Il a notamment épaulé les pays de l’Est. Puis il s’en est allé…

La bifurcation fut ainsi le déplacement de l’économie vers le politique

L’arrivée de la monnaie unique fut d’emblée une aventure politique voulue comme telle presque dès ces années 1980. La théorie du couronnement, c’est-à-dire celle de l’apparition de la monnaie unique en couronnement final du processus d’intégration économique, fut abandonnée au profit du passage immédiat et forcé vers une zone monétaire. Celle-ci, qui fut donc décidée par les politiques et pour les politiques, et néanmoins vendue aux peuples comme un espoir de croissance économique supplémentaire.

« Un Marché-Une Monnaie » fut alors le nouveau slogan employé pour convaincre des votants plutôt réticents. Le traité de Maastricht fut difficilement ratifié et en particulier en France. Le traité de Nice, rejeté par referendum fut réintroduit en catimini, marquant ainsi le mépris de la caste politique pour le peuple.

À l’usage, si les promesses de croissance ne furent pas tenues, le pire n’advint pas pour tous les pays de la zone euro, sinon pour quatre d’entre eux : Grèce, Portugal, Espagne, Italie. Ils payèrent d’une crise financière gravissime les débordements financiers associés à la mise en œuvre de l’union monétaire, de 1999 à 2008. La France et les autres pays de la zone ne se portèrent pas mieux et probablement un peu moins bien que s’ils avaient gardé une monnaie indépendante. Aucun pays n’a connu de croissance accrue du fait de l’euro depuis sa création. Les choix politiques et donc fatalement dirigistes depuis le début du siècle, ont donc porté des fruits amers ou à tout le moins insipides.

Sur le temps long et depuis 1975, beaucoup de ressorts nationaux se sont aussi passablement détendus ! De son côté, l’intégration européenne a épuisé ses effets économiques bénéfiques et ne promet plus rien de tangible pour redresser la situation. L’Europe économique est passée de la lumière à la pénombre !

Sur le web

  1. Bernard Landais est l’auteur de Réagir au déclin ; une économie politique pour la droite française, VA éditions, 2021.
Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa est décédé à Lima au Pérou, dimanche 13 avril 2025 à l'âge de 89 ans. Je vous propose de redécouvrir son "voyage intellectuel du marxisme au libéralisme" (article écrit initialement en 2016 et mis à jour).

J'ai découvert le Pérou en 1984. Just married, mon mari et moi nous envolions vers Lima pour dix-huit mois, lui comme coopérant affecté à la chambre de commerce franco-péruvienne, et moi dans ses bagages. À l'époque, un coopérant qui allait de la France au Brésil vivait un dépaysement incroyable... Poursuivre la lecture

Suite de notre recension, après les leçons 1, 2 et 3 sur le capitalisme, le socialisme et l’interventionnisme… L’inflation

Cette quatrième leçon porte pour l’essentiel sur l’idée de création monétaire. L’histoire se répète et a montré depuis longtemps, notamment lors de l’épisode de la découverte des réserves massives d’or et d’argent en provenance d’Amérique au XVIème siècle, à quel point la quantité de monnaie ou l’émission massive qui en est faite est source de montée des prix et constitue à ce titre une très mauvaise solution pour tenter ... Poursuivre la lecture

Economie, Capitalisme, Socialisme, Interventionnisme, Inflation, Liberté d’entreprendre, Libertés individuelles

Une lecture rafraîchissante, très concrète et abordable.

Ce recueil reprend une série de six conférences du célèbre économiste et penseur autrichien face à un public estudiantin en Argentine en 1959, sur des thèmes intemporels. L’intérêt de cette parution est de ne rien perdre, en les restituant, du caractère pédagogique et toujours parfaitement instructif aujourd’hui, de ces leçons.

Le capitalisme

Dans sa première leç... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles