James Bond : une saga qui s’est adaptée aux époques

La saga a su s’adapter aux époques tout en conservant ses forces. Les thèmes abordés changent, mais l’esprit de James Bond demeure.

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James Bond : une saga qui s’est adaptée aux époques

Publié le 6 octobre 2021
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Par Alexandre Massaux.

Le célèbre agent secret britannique revient dans Mourir peut attendre (No Time to Die) au début du mois d’octobre (le 6 en France). Initialement prévu pour le 8 avril 2020, le film a été reporté plusieurs fois à cause de la pandémie.

 

Daniel Craig reprendra son rôle de James Bond, alias l’agent 007, pour la dernière fois dans le film le plus long de la saga cinématographique. Cette dernière, qui a débuté en 1962 avec James Bond contre le docteur No, a traversé les époques jusqu’à nos jours.

C’est l’occasion de faire une rétrospective de ce phénomène cinématographique.

Une œuvre britannique

Avant d’être un héros du grand écran, James Bond est un personnage des romans d’Ian Fleming. Avant d’être écrivain, le père de l’agent 007 fut… agent secret britannique pendant la Seconde Guerre mondiale pour le renseignement maritime. C’est en 1952 que Ian Fleming donnera naissance au personnage de James Bond depuis sa maison en Jamaïque baptisée Goldeneye (qui deviendra le titre de l’un des films). L’auteur anglais écrira plus d’une dizaine d’aventures de l’agent 007 jusqu’à sa mort en 1964.

Ainsi les premiers films de James Bond (tous ceux de la période de Sean Connery et certains de Roger Moore) sont des adaptations des livres de Ian Fleming. Néanmoins, peu à peu des scénarios originaux ont été créés pour les films.

Ce ne sont pas moins de 6 acteurs qui ont incarné jusqu’à présent James Bond : l’Écossais Sir Sean Connery, l’Australien George Lazenby, les Anglais Sir Roger Moore et Timothy Dalton, l’Irlandais Pierce Brosnan et finalement l’Anglais Daniel Craig. Un choix d’acteur qui couvre une très large partie de la Grande-Bretagne.

Les scénarios des James Bond : des marqueurs du contexte politique de leur époque

L’une des forces de la saga a été de s’adapter au contexte dans lequel les films sont sortis. En effet, chacun des acteurs ont eu des styles différents qui se sont greffés sur des scénarios qui sont révélateurs de l’environnement politique de l’époque.

L’ère Sean Connery/Georges Lazenby : un Royaume-Uni gardant de sa superbe

Les films avec Sean Connery sont parmi les plus appréciés. Et pour cause, outre le charisme de l’acteur, ils se déroulent à une époque où le Royaume-Uni conservait une influence certaine. Ainsi, l’agent secret dégage une grande classe, le tout dans un contexte de guerre froide (Bons baisers de Russie) avec le SPECTRE, l’organisation criminelle fictive, ennemie jurée de Bond, qui cherche à faire chanter les superpuissances (Opération Tonnerre  et On ne vit que deux fois).

Le film de Georges Lazenby Au service secret de Sa Majesté (On Her Majesty’s Secret Service) s’inscrit dans cette ambiance. Ce film souvent oublié permet d’explorer l’aspect sentimental de James Bond avec son seul vrai amour, Teresa di Vicenzo (jouée par Diana Riggs). Il est un des rares films de Bond dont la fin est tragique. Ce thème sera réutilisé des décennies plus tard avec Casino Royal en 2006.

L’ère Roger Moore ou la période (volontairement) « kitsch »

Si la période Connery était plutôt sérieuse, celle de Roger Moore dénote une ambiance beaucoup plus détendue et kitsch. Les méchants sont plus comiques, comme Requin (particulièrement dans Moonraker) et les scénarios plus légers.

Ces films étant sortis pendant la décennie 1970 et au début des années 1980, il est aisé d’y voir un reflet de l’ambiance post-guerre du Vietnam, mais aussi d’une époque marquée par un divertissement plus décontracté.

L’ère Timothy Dalton : le retour des tensions

Timothy Dalton n’aura participé qu’à deux films dans la seconde moitié des années 1980. Néanmoins, Permis de tuer (Licence to Kill) en 1989 est l’un des James Bond les plus violents de la saga qui traite non pas d’un ennemi mégalomane voulant conquérir le monde, mais d’un dirigeant d’un trafic de drogue.

Inversement, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights) sera beaucoup plus oubliable. Et surtout, le propos politique a très mal vieilli compte tenu de l’évolution du pays et de la future prise de pouvoir des talibans. L’action se passe en partie pendant la guerre d’Afghanistan lors de l’invasion soviétique. Et Bond s’allie avec des Moudjahidines.

L’ère Pierce Brosnan : la période post-guerre froide de l’incertitude

Sortis pendant la décennie des années 1990 et le début des années 2000, les films de Pierce Brosnan s’inscrivent dans le contexte post-guerre froide, ce qui est parfaitement visible dans son premier film Goldeneye en 1995 mettant en scène la Russie post-soviétique d’Eltsine.

Cette période traite aussi de thèmes émergents comme le rôle des mass médias dans Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies).

Les films de cette période furent eux-mêmes marqués par cette incertitude. Le dernier film de Brosnan en tant que James Bond fut Meurs un autre jour (Die Another Day) et a reçu un accueil plus que mitigé. Le film avait choisi un biais axé sur les nouvelles technologies et tournait à la science-fiction.

L’ère Daniel Craig : les nouvelles menaces contemporaines

Les films avec Daniel Craig incarnent un renouveau. La trame développée par ces films est un reboot de la saga pouvant s’affranchir des films précédents. Mais surtout, l’ambiance est beaucoup plus sombre et réaliste. Casino Royal, une adaptation du premier livre de Fleming sur James Bond, est une réussite.

Mais surtout, les thèmes contemporains sont d’actualité, qu’il s’agisse des réseaux d’influence dans Quantum of Solace, du terrorisme dans Skyfall ou de la surveillance de masse dans Spectre.

James Bond girls et ennemis : deux aspects phares de la saga

Les James Bond girls et les adversaires de Bond sont des personnages clés de la franchise qui ont contribué au succès de la saga.

Les James Bond girls sont souvent considérées comme étant juste des faire-valoir amoureux de Bond. Pourtant, en y regardant de plus près il est intéressant de voir qu’elles vont rapidement prendre de la place.

Tout d’abord, les femmes ayant un fort caractère et résistant à James Bond vont gagner en importance. Nous avons déjà mentionné le personnage de Diana Riggs dans Au service secret de Sa Majesté qui deviendra madame Bond. Son personnage est l’une des premières James Bond girls à résister à Bond.
D’autres vont suivre comme le major Anya Amasova (incarnée par Barbara Bach) dans L’Espion qui m’aimait ou Melina Havelock (incarnée par Carole Bouquet) dans Rien que pour vos yeux.

Mais l’exemple le plus intéressant de la femme à forte personnalité sera le personnage de M incarné par Dame Judi Dench. Si elle n’est pas une James Bond girl à proprement parler, son rôle dans Skyfall a contribué à ce qu’un certain nombre de fans la considère comme la principale James Bond girl du film. On constatera que le M de Judi Dench (qu’elle incarnera de Goldeneye à Skyfall) a davantage de place dans les films que les M des périodes précédentes.

Mais il y a aussi un autre type de James Bond girl : les ennemies de Bond. Celui-ci va très rapidement être confronté à des femmes fatales qui vont chercher à le séduire pour l’éliminer. Ainsi pendant la période Connery, plusieurs agents féminins du SPECTRE ont affronté Bond, qu’il s’agisse de Fiona Volpe (incarnée par Luciana Paluzzi) dans Opération Tonnerre ou de Helga Brandt (incarnée par Karin Dor) dans On ne vit que deux fois. Suivront MayDay (incarnée par Grace Jones) dans Dangereusement vôtre, Xenia Onatopp (incarnée par Famke Janssen) dans Goldeneye ou Elektra King (incarnée par Sophie Marceau) dans Le Monde ne suffit pas.

Ainsi le rôle de James Bond girl a rapidement évolué à travers les époques.

Blofeld et le SPECTRE : une évolution liée aux enjeux politiques

Les ennemis de Bond ont eux aussi changé à travers les époques. Ils ont toujours alterné entre les mégalomanes voulant contrôler le monde et ceux cherchant à s’enrichir (Goldfinger étant le meilleur exemple).

Le personnage de Ernst Stavro Blofeld est néanmoins le plus célèbre et le plus emblématique de la saga. Il a été incarné par plusieurs acteurs au fil des films : Donald Pleasence, Telly Savalas, Charles Gray et Christoph Waltz sont ses principaux interprètes. Mais c’est le visage de Pleasence qui est désormais le plus associé à Blofeld, car le premier à l’avoir incarné à visage découvert.

Il est néanmoins intéressant de comparer les objectifs du Blofeld original de On ne vit que deux fois de 1967 à celui de SPECTRE de 2015.

En effet, le SPECTRE, l’organisation qu’il dirige est différente et révélatrice de la période des films. Le SPECTRE original est davantage intéressé par l’extorsion et le déclenchement de conflits entre les grandes puissances de la guerre froide.
Pour le SPECTRE de 2015, la guerre froide n’existe plus et le risque de guerre nucléaire n’est plus autant présent. De ce fait, c’est le contrôle des données qui attire l’intérêt de Blofeld. L’objectif est ainsi de déclencher des attentats pour inciter les agences gouvernementales à mettre en place des systèmes de surveillance de masse, systèmes contrôlés en sous-main par le SPECTRE.

Ainsi, finie la guerre nucléaire et bienvenue au contrôle des masses.

En conclusion, la saga qui a débuté il y a 60 ans a su s’adapter aux époques tout en conservant ses qualités et ses forces. Les thèmes abordés changent, mais l’esprit de James Bond demeure. De plus, si l’agent 007 est Britannique, les films sont internationaux. Bon nombre d’acteurs viennent de pays européens comme la France ou l’Italie. Pour cela, il faut espérer que les films James Bond continuent.

 

Un article publié initialement le 20 septembre 2021.

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  • Je les ai tous vus et revus. Pour ma part, s’ils sont le reflet d’une époque, et bien je regrette que l’époque devienne beaucoup plus sombre. les anciens avaient de l’humour et une certaine dérision qui a disparue sur les derniers films joués par Craig ( que je ne trouve pas très bon et qui ne sourit que quand il se fait mal…)

    • Daniel Craig est une brute épaisse. Il ne dégage que très rarement la finesse et l’élégance qu’on attend du personnage.
      Il porte de beaux costumes, oui. Comme n’importe quel videur de discothèque chic.

    • C’est vrai qu’il ne sourit que quand il se fait mal, mais le recentrage nécessaire sur la virilité après les minets gominés était voulu et nécessaire.

      J’aime bien Craig pour la crédibilité qu’il apporte. J’aimais bien Moore pour le style British, mais il n’exprime l’instinct du tueur justifiant son matricule qu’en de rares occasions. (Qui sont d’autant plus intéressantes – comme serait un Craig souriant).

      • Le cinéma regorge déjà de héros d’action rustres et brutaux. James Bond est un personnage à part, qui aime le luxe, déploie un savoir-vivre et des connaissances le distinguant des autres. Avec Daniel Craig, James Bond est devenu un héros d’action parmi tant d’autres, pas ce personnage suave, toujours distingué, toujours bien habillé et toujours supérieur à ses ennemis.

    • Si vous prenez le personnage de « John Steed », tel que créé par Patrick Macnee, il est cohérent : Steed est cérébral, nonchalant, ne porte pas d’armes et n’est pas un tueur. James Bond doit exprimer une dualité. Intéressant et difficile pour un acteur.

  • « l’une des premières à résister à James Bond »

    Résister… Oui, c’est-à-dire faire les malines jusqu’à ce que le charme supérieur du bonhomme s’impose tout seul.

  • james bond n’etantpas « mon truc ».. je me gratte la tête, je m’attendais que justement on m’explique que les » forces conservées » étaient libérales ou quelque chose du genre..

    à la rigueur je suis curieux de voir si james bond va résister au wokisme.. et si go woke go broke..

    en gros le prochain héro une femme obèse transgenre lesbienne aux cheveux violets..

    si ça se vend c’est que le monde aura changé profondemment..

    • Les studios étaient furieux au moment de la sortie du film « Au service secret de sa majesté » : pour la promotion du film, Georges Lazenby paradait avec des cheveux longs et une grosse barbe, en clamant qu’un personnage comme James Bond ne pourrait pas survivre à la révolution culturelle qu’était mai 68.

      Il s’est grandement trompé, par bonheur. On peut donc espérer qu’à terme, James Bond survivra à la fièvre woke.

      • mais qu’est ce que ça peut vous faire que ça survive ou pas??? je ne comprends pas..

        quelles sont les « valeurs » défendues dans ces films???

        j’ai pu juste voir quelques minutes…

  • Timothy Dalton nunuche? À côté de Daniel Craig, tout le monde a l’air maniéré mais tout de même…

    • Par ailleurs il est né au Pays de Galles, ce qui avec un Ecossais, des Anglais et un Irlandais fait bien le compte des 4 Nations britanniques.

    • En fait, en revoyant les Bond avec T. Dalton bien après leur sortie, je me suis rendu compte après coup qu’il était parfait dans le rôle.

      Il a ce côté élégant et charmeur que l’on attend de James Bond, mais aussi le regard inquiétant et un peu fou du sociopathe capable de tuer sans la moindre émotion; il n’y a pas la moindre empathie dans ses yeux, en accord total avec ses actes d’une extrême violence.

      Si vous avez l’occasion de le revoir, pensez y; ce gars est flippant…

  • James Bond est ce qu’il manque au cinema français un personnage alpha, vainqueur absolu, beau, riche et fort et qui n’en fait aucun complexe. C’est important car ca conditionne l’image que l’on se fait d’un pays. Imaginez, vous êtes brésilien ou thaïlandais et vous voyez James Bond dans son Aston Martin ou Depardieu en train de boire du rouge. Angleterre ou France?

    • Analyse intéressante, mais en quoi voyez vous rouler Gégé, en Zoé ?

      • On avait Facel Vega, Bugatti est toujours là (même si sous capitaux Allemands mais est-ce un problème, Aston à appartenu à Ford)… Et plutôt que Gégé, on aurait pu avoir Delon.

      • Moi je le vois rouler en fourgon HY ‘Tube’ avec le panneau ‘viande’ en haut du pare-brise !

        Ok, je sors…

    • Absolument. Il appartient à chaque pays de créer ses propres héros, ses propres légendes, et de façonner son image.

      De plus, ça peut susciter des vocations. Je me demande combien de jeunes anglais s’engagent dans l’armée ou le renseignement en voulant un peu imiter James Bond.

  • J’accepterai un James Bond rénové lorsque Superfly et John Shaft seront incarnés par Jet Lee ou Brad Pitt.
    Sinon, je pense que Pierce Brosnan avait un beau potentiel. En tout cas il collait a l’image du personnage.

  • Les commentaires sont fermés.

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