Police : rétablir la confiance demande un retour au régalien

La confiance des citoyens dans la police dépend de la confiance qu’ils peuvent avoir en MM. Macron et Darmanin pour assurer sérieusement leur sécurité tout en garantissant leurs droits civils.

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French Police by MatHelium (creative commons) (CC BY-NC-ND 2.0)

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Police : rétablir la confiance demande un retour au régalien

Publié le 12 février 2021
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Par Nathalie MP Meyer.

Pris en tenaille entre, d’un côté, la dénonciation récurrente des violences policières et l’opposition au projet de loi de Sécurité globale qui limite en son article 24 la possibilité de filmer la police en action, et de l’autre, le ras-le-bol de forces de l’ordre épuisées et dégoûtées d’être trop régulièrement la cible de violences, Emmanuel Macron a lancé un vaste Beauvau de la sécurité dans l’espoir « d’améliorer les conditions d’exercice » de la police tout en consolidant le « lien de confiance entre les Français et les forces de l’ordre. »

Décliné en huit ateliers auxquels participeront jusqu’à fin mai des experts, des élus, des membres des forces de l’ordre et des représentants des syndicats de police, le Beauvau s’intéressera successivement à la relation police-population, à l’encadrement, à la formation, aux relations avec le judiciaire (thème ajouté à la demande du syndicat Alliance), au maintien de l’ordre, à la captation de vidéos, au contrôle interne avec projet de réforme de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) et aux conditions matérielles d’exercice.

Les résultats de ces travaux sont censés alimenter la future loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure (Lopsi) programmée pour 2022 et pourraient déboucher à court terme sur 1,5 milliard de crédits supplémentaires pour le ministère de l’Intérieur.

Sachant que depuis 2015, année de la vague d’attentats islamistes, les recrutements et les revalorisations salariales n’ont pas cessé. L’évolution de ces dernières est même qualifiée de « ni soutenable ni maîtrisée » par le rapporteur du Sénat sur le Projet de loi de finances 2020 relatif aux forces de sécurité, tandis que les investissements dans les outils de fonctionnement se faisaient plus rares, au détriment du moral des troupes.

La première réunion, celle des relations police-population, a eu lieu lundi 8 février dernier. À lire les divers commentaires de presse, il semblerait qu’elle n’ait pas débouché sur des décisions fracassantes.

Pour commencer, on y cherchait vainement des policiers de terrain et des représentants des citoyens. Ensuite, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est contenté de gloser sur la société de l’image et sur la nécessité d’améliorer la communication de la police via les réseaux sociaux afin qu’elle puisse mieux faire connaître son travail, notamment auprès des jeunes et dans les quartiers populaires.

De leur côté, les syndicats sont arrivés à cette table ronde à reculons car ils estiment qu’il n’existe pas de problème majeur entre la police et la population, seulement des cas isolés qui sont traités. Du reste, à leurs yeux, le comportement des forces de l’ordre repose largement sur leur formation et sur le comportement de leur hiérarchie, sujets qui ne seront traités que plus tard dans le déroulé du Beauvau.

Il leur semble beaucoup plus important de parler des conditions de travail dégradées et des suicides dans la police – points soulevés dans le rapport du Sénat cité plus haut (§ 4) – ainsi que de la réponse pénale qui ne suit pas toujours les efforts déployés en amont par les policiers et des attaques dont ceux-ci sont l’objet dans les cités ou au cours des manifestations.

De fait, si l’on en croit un sondage IFOP réalisé fin janvier pour le JDD en prévision du Beauvau de la sécurité, 61 % des personnes interrogées expriment de la confiance ou de la sympathie pour les forces de l’ordre :

Question : Que vous inspire spontanément la police ?

Il est à noter cependant que les 27 % exprimant de l’inquiétude ou de l’hostilité représentent un bloc incompressible d’environ 10 millions de personnes une fois le résultat du sondage étendu à l’ensemble de la population, ainsi que l’a souligné le sondeur de l’IFOP Jérome Fourquet qui participait à la réunion.

De plus, l’opinion publique est extrêmement sensible à certaines affaires de violences policières et de discrimination. Par exemple celle de Michel Zecler, ce producteur de rap frappé par quatre policiers dans le cadre d’un contrôle pour absence de masque à Paris en novembre 2020.

Tombant au moment où le gouvernement tentait de faire passer un ajout restrictif à la loi de 1881 sur la liberté de la presse sous la forme de l’article 24 du projet de loi de Sécurité globale qui vise à réprimer la diffusion d’images des forces de l’ordre en action, avec le risque de permettre à des cas de violence policière de ne jamais apparaître au grand jour, elle a contribué à hisser la part des inquiets et hostiles à 41 % des personnes interrogées au mois de décembre 2020.

Pour sa part, l’ONG Amnesty International dénonce des arrestations et des détentions arbitraires lors de la manifestation du 12 décembre dernier contre l’article 24. Gérald Darmanin s’est vanté sur twitter d’avoir protégé les commerçants des agissements des casseurs et/ou des membres du black bloc, mais au final, il s’avère que 80 % des interpellations n’ont donné lieu à aucune poursuite.

Le gouvernement voudrait décourager le droit de manifester et non pas les casseurs qui resurgissent invaincus à chaque nouvelle manifestation qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

On se rappellera également que le même Darmanin, tout imbu d’une fermeté policière qui s’évapore complètement dès lors qu’il s’agit de courir après les vrais fauteurs de troubles, était trop heureux d’énumérer complaisamment devant les caméras les milliers de contrôles et de PV que les policiers ont infligé aux Français sans raison sanitaire valable depuis le début de l’instauration du couvre-feu à 18 heures.

Dans une démocratie libérale, les forces de l’ordre1 sont censées assurer la protection des personnes et des biens conformément aux droits naturels des individus qui sont la liberté, la propriété et la sécurité. Elles sont donc en principe au service de la population, pas au service du pouvoir.

Dès lors, la confiance des citoyens dans leur police ne peut exister que si ses actions semblent dictées par une juste répression des crimes et délits et non par une injuste répression des droits des individus, et si les plus hautes autorités de l’État régalien, le président de la République, le ministre de l’Intérieur, le garde des Sceaux, adoptent une politique en rapport.

Or trop d’interventions policières concernent des crimes sans victime qui dépendent beaucoup de normes qui sont régulièrement durcies comme ont pu s’en apercevoir les automobilistes quand la limite de vitesse sur route est passée de 90 à 80 km/h.

Trop d’interventions gouvernementales en matière de sécurité relèvent de l’affichage d’un semblant de fermeté qui érode considérablement les libertés publiques (la loi anti-casseurs de Castaner, heureusement retoquée par le Conseil constitutionnel, par exemple) et laissent de côté la juste répression des atteintes aux biens et aux personnes.

Trop de discours politiques oscillent entre le soutien sans condition aux forces de l’ordre et la dénonciation permanente de leur racisme et de leur violence, le gouvernement n’étant pas le dernier à ce petit jeu qui brouille le message.

Autant il est délirant et malfaisant de penser d’un côté que All cops are bastards, autant il est tout aussi délirant et malfaisant de penser de l’autre que l’institution policière forme un tout parfait qui n’a jamais tort et devant lequel les individus doivent plier.

Peu avant de céder son poste à Darmanin, Christophe Castaner s’était justement illustré en imaginant un concept fleurant bon le « en même temps » cher à Emmanuel Macron, celui du « soupçon avéré » de racisme qui suffirait à ses yeux pour suspendre un policier.

Quant au Président lui-même, il admettait récemment que les policiers pratiquaient les contrôles d’identité au faciès (d’où d’ailleurs la froideur des syndicats pour le Beauvau annoncé peu après).

Et pourtant, dans le même temps, il était question de protéger les policiers via les dispositions de l’article 24 qui reviennent à limiter le droit d’informer et donc à empêcher les citoyens d’exercer un contrôle parfaitement légitime sur le service public de la police qui est rendu en leur nom.

Que les policiers et gendarmes (ainsi que les pompiers et d’autres représentants des pouvoirs publics) soient la cible récurrente de violences, personne ne le nie. Mais la réponse ne consisterait-elle pas plutôt à se montrer intraitable sur le respect de la loi tant du côté des citoyens que des policiers, à veiller à l’application des peines décidées par la justice, à augmenter le nombre de places de prison, à redéployer les effectifs policiers vers les opérations de maintien de l’ordre public plutôt que vers la chasse aux automobilistes et aux citoyens qui, en cette période de pandémie, ont oublié leur masque ?

Autrement dit, la confiance des citoyens dans la police dépend dans une très large mesure de la confiance qu’ils peuvent avoir en MM. Macron et Darmanin et plus généralement dans leurs dirigeants pour assurer sérieusement leur sécurité tout en garantissant leurs droits civils.

C’est très loin d’être gagné. Si l’on en croit l’issue du Grenelle de l’éducation ou celle du Ségur de la santé, à quoi l’on peut maintenant ajouter l’intérêt limité de la première concertation du Beauvau, il y a fort à parier que ce dernier se soldera comme d’habitude par un regain de dépenses publiques sans amélioration notable du rôle régalien de l’État.

  1. La France dispose aujourd’hui de 150 000 agents de la police nationale et de 100 000 gendarmes auxquels il convient d’ajouter quelques 30 000 policiers et agents de surveillance municipaux, ce qui la place dans une honnête moyenne européenne de 4,2 membres des forces de l’ordre pour 1000 habitants.
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  • Le premier soir du couvre-feu à 18 heures, quand j’ai vu le déploiement de policiers devant les quelques restaus qui vendaient des soupes ou des vins chauds à emporter, j’ai pensé au nombre de fois où j’aurais apprécié la présence de seulement deux policiers dans les environs que je traversais.

    • Le comportement des gendarmes et des policiers a été d’une brutalité envers la population, criant sur les honnêtes gens qui avaient le malheur de les rencontrer. J’ai vu leur vraie nature, agressive et perverse.
      Je ne sais s’ils avaient des ordres ou s’ils faisaient du zèle, mais c’est inquiétant de voir ces individus armés agir sans aucun discernement.

      • C’est le risque qu’ils fassent du zèle quand les ordres donnés par leur hiérarchie agressive et perverse vont dans le sens naturel de la volonté de pouvoir qui sommeille en chaque être humain. Ils obéissent à des ordres imbéciles, vous n’imaginez quand même pas qu’ils vont tous agir intelligemment? ( certains le font mais ils sont extrêmement rares!)

      • Padamlgam. Ah non, ça ne marche pas pour « les violences policières ».

      • Vous un éminent psychologue pour avoir déterminé au travers d’images leur nature agressive et perverse. Bravo !
        L’agressivité des forces de l’ordre ne se manifeste que lorsqu’ils montent au créneau. Vous semblez concevoir que dans un affrontement ils se fassent laminer par une bande de sauvages ? Quand à la perversité, expliquez vous, vous voulez dire quoi ?

  • la loi…

    le fait est que dans un pays où les règles sont si nombreuses
    et absurdes que tout le monde contrevient à la loi, on ne peut qu’avoir peur de la police sinon la detester.

    le type le plus honnête est vraisemblablement dans l’illégalité…

    • Plutôt que détestation de la police, je dirais détestation du gouvernement et de la justice. Cette justice qui nous montre une facette de plus en plus politique là ou on la veut totalement impartiale…

  • l’état régalien n’est plus ; nous sommes le seul pays d’Europe ou la racaille fait la loi ;

  • J’aime beaucoup l’image d’illustration: la police qui roule en Peugeot J5, ou Citroën C25, un véhicule commercialisé dans les années 1980. Je trouve cela très représentatif de l’état de la police dans ce pays. A comparer aux policiers Allemands qui roulent en Mercedes de dernière génération.

  • La police sera respectée le jour où elle arrêtera plus de malfrats qu’elle n’en emploie…

  • Et là, On va se Régaler !

  • Pas compliqué: la police est un outil contondant. Cet outil peut être mis au service du bien, du régalien, de la justice; ou il peut être mis au service du mal, du gauchisme, de la tyrannie.
    Le problème est dans la relation de la population avec le Moloch: tant que la masse de la population n’est pas prête à lui nier ses privilèges exorbitants, la police sera au service d’une mafia.
    Que cette soumission à la mafia soit de gaieté de cœur ou non est finalement accessoire – on sait que le métier nécessite des individus ayant une relation rigide à l’autorité, quoique l’on soit en droit de se demander quel genre de personnes s’oriente aujourd’hui vers une organisation qui se montre chaque jour plus forte avec les faibles et plus faible avec les forts.
    La réponse de la mafia à sa population humiliée, mais encore trop conditionnée pour prendre le mors aux dents, est, bien entendu, de faire une opération de com’ qui a l’avantage de bien nommer ses cibles: de beaux veaux.
    Je m’inclus volontiers dans le panier bovin: meuh.

  • Le problème majeur est que l’état a abandonné ses fonctions régaliennes, alors que ce devrait être sa seule activité. Si on supprimait la moitié des ministères, si on abrogeait 90% des textes qui brident les énergies de ce pays, on pourrait mieux payer les policiers et se concentrer sur la mission première de tout état qui se respecte: assurer la sécurité de ses citoyens.
    Mais on préfère payer des retraités algériens de 120 ans et plus, et laisser les intégristes gérer Trappes avec la bénédiction du Maire et du préfet. S’occuper de sa clientèle électorale, fut-elle de mouvance terroriste, plutùôt que des citoyens ordinaires qui veulent qu’on leur fiche la paix et qu’on les protège réellement.

  • Quel drôle de pays la France !
    Quand il y a des morts sur les routes, c’est toujours de la faute des automobilistes…
    Quand les hôpitaux sont surchargés de patients Covid, c’est encore de la faute de ces irresponsables de Français…
    Mais les bavures policières, c’est jamais de la faute de la police !

    Ceci étant, bien d’accord qu’une condition nécessaire à la confiance police-administrés est la fin des crimes sans victimes : que l’Etat arrête de poursuivre les fumeurs de joints, les automobilistes qui oublient leur ceinture, les attestations Covid non conformes, etc. Et alors peut-être que…

    • J’aimerais bien que les contrôles d’identité soient abandonnés, car je n’en vois pas l’intérêt.

      • Vous avez raison. La police n’a pas à vérifier nos identités. Qu’elle s’occupe des voleurs.. mais là ils ne sont pas là.
        En fait on est devenu un pays du tiers monde, les forces de police protègent les hommes d’état.

  • Police et justice ne sont plus respectables dans cet état en déliquescence et faillite. Police spécialisée dans le maniement du carnet à souche, et une justice marquée idéologiquement par des magistrats sortis de l ENM, et qui savent à peine lire et compter comme à science Po ou L’ENA….
    Seule l’armée a encore un peu de dignité et encore je préfère ne pas trop « gratter »

  • je dirais 50/50..que la justice et les politiques n,e soient pas à la hauteur on est d’accord, mais aussi que la police a choisi la facilité en devant une police d’Etat et pas une police nationale qui défend les citoyens honnêtes.

    • en devenant..pardon

    • Ah bon ! Vous y seriez vous feriez quoi vous ? Facile de gloser de l’extérieur. J’aimerais assez être une petite souris et vous observer en tant que policier…

      • j’avais voulu devenir gendarme et j’ai eu la chance de ne pas être pris (souci oculaire) quand je vois ce que c’est devenu .. vous pouvez recevoir des ordres et ne pas y obéir , ça s’appelle le libre arbitre vous devriez essayer.

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