Julian Assange, Chelsea Manning : deux destins tragiques dans un monde kafkaïen

Le rapporteur des Nations unies sur la torture demande le 5 janvier que Julian Assange soit libéré.

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Free Assange BY Antonio Marin Segovia(CC BY-NC-ND 2.0)

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Julian Assange, Chelsea Manning : deux destins tragiques dans un monde kafkaïen

Publié le 11 janvier 2021
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Par Yannick Chatelain.

Il faut sauver la soldate Chelsea Manning avais-je écrit le 11 avril 2019, lorsque le 8 mars 2019 un juge fédéral avait osé de nouveau placer la lanceuse d’alerte Chelsea Manning en détention jusqu’à ce qu’elle accepte de témoigner dans une enquête visant WikiLeaks.

Julian Assange : 10,2 milliards de dollars contre la vie d’un homme ? avais-je à nouveau écrit le 15 avril 2019 ! Lorsque le 11 avril 2019 le droit d’asile avait été bafoué par l’Équateur et son président.

Le 4 janvier 2021 la justice britannique à rejeté la demande d’extradition des États-Unis visant le fondateur de WikiLeaks.

Retour sur les dates principales d’une histoire sans fin à l’issue improbable

2006 : création de Wikileaks pour « dénoncer les abus des États »

2010 : publication de la vidéo de la « bavure » américaine à Bagdad, intitulée  Collateral Murder durant laquelle un hélicoptère Apache américain a ouvert le feu au chain gun M230 30 mm sur un groupe de civils, comprenant notamment deux reporters de l’agence Reuters

2011 : publication par Wikileaks d’une série de documents accablants sur les maltraitances endurées par les prisonniers de Guantanamo

19 juin 2012 : Julian Assange se réfugie à l’ambassade d’Équateur

Août 2013 : Bradley Manning est condamnée pour avoir publié des documents secrets défense

2016 : publication par Wikileaks d’e-mails d’Hillary Clinton

Avril 2019 : Julian Assange est arrêté à l’ambassade d’Équateur par des agents anglais du service de la police métropolitain

Mai 2019 : la justice suédoise annonce la réouverture de l’enquête pour viol contre le fondateur de WikiLeaks

Mai 2019 : déterminée à défendre ses principes Chelsea Manning est de nouveau emprisonnée à la suite de son refus de témoigner dans l’enquête concernant WikiLeaks

Octobre 2019 : Assange n’est plus poursuivi pour viol en Suède

Décembre 2020 : un rapporteur de l’ONU sur la torture adresse une lettre ouverte à Donald Trump lui demandant de gracier Julian Assange

Janvier 2021 : si la justice anglaise s’est opposée le 4 janvier 2021 à l’extradition de Julian Assange, le 6 janvier 2021 elle a décidé de maintenir le fondateur de WikiLeaks en détention, en attendant que soit examiné l’appel formé par les États-Unis contre ce refus.

Assange : le maintien en prison comme porte de sortie

La justice britannique a rejeté le 4 janvier 2021 la demande américaine d’extradition du fondateur de WikiLeaks en avançant, entre autres, la crainte que ce dernier n’attente à sa vie.

Cette posture humaniste est aussi louable que paradoxale dans la mesure où c’est cette même justice britannique qui a contribué (cf. interpellation en 2019 par des agents du service de la police métropolitaine) à rendre la situation de Julian Assange encore un peu plus inextricable.

Le 6 janvier 2021, les avocats représentant les États-Unis ayant fait appel, la justice britannique a alors décidé – dans l’attente de la décision de la Haute Cour de justice – de maintenir le fondateur de WikiLeaks en détention.

Si l’expression « tourner en rond » peut prendre tout son sens, la situation s’y prête :  si tant est que cette instance maintienne la position « humaniste » initiale, cela ne laissera toutefois pas entrevoir de porte de sortie définitive pour l’homme, à moins, naturellement que les États-Unis, sous la nouvelle présidence de Joe Biden, ne se décident, in fine, à le gracier, une hypothèse qui demeure pour le moins incertaine eu égard aux déclarations du nouveau président qui avait qualifié en 2010 Julian Assange de terroriste high tech. Un sentiment qui n’est pas partagé par les Nations unies, loin s’en faut.

« M. Assange n’est pas un criminel et ne représente aucune menace pour quiconque » rappelait Nils Melzer le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture dans un communiqué en date de décembre 2020, demandant instamment aux autorités britanniques de libérer immédiatement Julian Assange de prison.

Dans ce communiqué de presse, le rapporteur avait d’une part rappelé que les  autorités britanniques avaient « initialement détenu Julian Assange sur la base d’un mandat d’arrêt délivré par la Suède en relation avec des allégations d’inconduite sexuelle qui ont depuis été officiellement abandonnées faute de preuves. Aujourd’hui, il est détenu à des fins exclusivement préventives, pour assurer sa présence pendant le procès d’extradition américain en cours, une procédure qui pourrait bien durer plusieurs années » et d’autre part « les souffrances de plus en plus graves infligées à Julian Assange, du fait de son isolement cellulaire prolongé, équivalent non seulement à une détention arbitraire, mais aussi à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Nous ne pouvons que constater que ce communiqué est resté lettre morte, devant ces faits qui se jouent de la vie d’un homme, en assumant des décisions qui manquent cruellement de base juridique, tant et si bien qu’il devient difficile de discerner qui sont désormais les criminels.

Le 5 janvier 2021, les propos de Nils Melzer étaient à nouveau sans ambages :  « M. Assange doit maintenant être immédiatement libéré, réhabilité et indemnisé pour les abus et l’arbitraire auxquels il a été exposé ».

Ce nouvel appel à la raison de la déraison sera-t-il entendu ?

« Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire ». Orwell.

 

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  • Autant je vois Chelsea Manning en vraie « whistleblower », autant Assange m’a toujours paru suivre un agenda politique en sélectionnant quelles informations il allait publier et quand il les publierait, ce qui, pour moi, lui ôte ce satut.
    Je n’aime pas l’indignation sélective.

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D’abord, rappelons-nous. Onze ans après les révélations WikiLeaks, Julian Assange finit par être interpellé à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il est immédiatement livré à la justice britannique et placé en détention provisoire. Les États-Unis réclament alors son extradition.

Le lanceur d’alerte avait de sérieux espoirs d’y échapper pour trois raisons :

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