Élections en Géorgie : Donald Trump met la droite américaine sous pression

Les élections en Géorgie sont l’occasion pour le Parti républicain de s’interroger sur leur loyauté politique à l’endroit du président Donald Trump. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

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Million MAGA march, washington DC, by Victoria Pickering (creative commons) (CC BY-NC-ND 2.0)

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Élections en Géorgie : Donald Trump met la droite américaine sous pression

Publié le 6 janvier 2021
- A +

Par Frédéric Mas.

En cherchant à faire pression sur les élections sénatoriales en Géorgie, Donald Trump a pris un énorme risque politique, qui pourrait même se transformer en poursuites judiciaires.

Cependant, ce n’est pas seulement la victoire des démocrates ou le respect des formes de la Constitution américaine qui entre en jeu ici. Le Parti républicain lui-même est pris entre deux feux et joue son avenir.

La droite américaine s’interroge en effet sur l’attitude à adopter face à un président convaincu de l’illégitimité de sa défaite à l’élection présidentielle, et qui n’hésitera pas à punir les dissidents qui ne feront pas allégeance à sa quête éperdue de justice électorale.

La bataille de Géorgie

Le démocrate Raphael Warnock a remporté un des deux sièges à pourvoir pour le Sénat, et nous sommes toujours en attente des résultats pour le second siège. Pour beaucoup, le moment est décisif, car c’est la majorité au Sénat qui est en train de se jouer.

En effet, si les deux sièges reviennent aux démocrates, la chambre sera suffisamment équilibrée entre droite et gauche pour que la vice-présidente Kamala Harris puisse officier en tant qu’arbitre, et donc faire pencher la balance en faveur du parti de Joe Biden.

Punir les traîtres

Durant un meeting en faveur des deux candidats républicains, le président Donald Trump a promis de faire campagne contre le sénateur sortant Brian Kemp, lui aussi républicain. Donald Trump a ainsi montré qu’il chercherait à se venger de ceux qui à droite n’ont pas choisi de soutenir ses positions.

Brian Kemp comme le secrétaire d’État Brad Raffensperger, qualifié de « fou » par D. Trump lors de ce même meeting, ont tous deux repoussé les allégations du président des États-Unis concernant une fraude électorale généralisée invalidant le résultat de l’élection présidentielle.

La stratégie populiste de Donald Trump en question

Les Républicains ont-ils encore intérêt à soutenir Donald Trump ? La question divise les militants et surtout les élus. Pour Dan McLaughlin de la National Review, le magazine phare du mouvement conservateur américain, l’attitude des élus républicains, en particulier au sein du Congrès, reste gouvernée par la peur de perdre leur siège pour anti-trumpisme :

« De nombreux républicains élus, même ceux qui se soucient peu de Trump lui-même, craignent encore son pouvoir apparent de retourner les électeurs républicains contre eux. Malheureusement, cela a conduit un nombre croissant de républicains à la Chambre, et maintenant une douzaine au Sénat, à jouer le jeu de la mascarade consistant à tenter de rejeter les résultats des élections dans plusieurs États remportées par Joe Biden. »

Donald Trump n’a jamais fait beaucoup de cas de l’appareil partisan républicain, qu’il a utilisé ou rejeté en fonction de son propre agenda politique. Il a misé sur une stratégie personnelle, à la fois plus pragmatique, voire chaotique, et délibérément anti-establishment, dans le sillage de l’aile droite du GOP et du Tea Party1.

Le pari trumpiste des républicains

Pour les républicains, suivre la stratégie anti-establishment de Donald Trump est aujourd’hui un pari risqué.

À court terme, cela permet de conserver le soutien d’une partie d’un électorat conservateur radicalisé qui en majorité ne reconnait pas la légitimité de Joe Biden.

À long terme, le soupçon sur le bon fonctionnement des mécanismes électoraux de la démocratie américaine pourrait autant atteindre la droite que la gauche. En devenant une pratique ordinaire transcourant, la contestation des élections affaiblit le bon fonctionnement d’un constitutionnalisme américain qui repose essentiellement sur le respect des formes du droit.

Comme l’a rappelé Walter Berns dans son livre Taking the Constitution Seriously (1987), les Américains continuent aujourd’hui d’assimiler les formes constitutionnelles non seulement à la légitimité, mais aussi, selon les termes du juge Felix Frankfurter, à la sagesse.

Dans la guerre culturelle qui l’oppose à un Parti démocrate radicalisé, bien décidé à transformer les États-Unis en social-démocratie à l’européenne, pilotée par ses franges diversitaires les plus tyranniques, le Parti républicain post-Trump a l’occasion de se réinventer. Sera-t-il le parti de la Constitution portée par toute l’histoire américaine du libéralisme classique ?

  1. E. J. Dionne, Why the Right went Wrong. Conservatism from Goldwater to Trump and Beyond, Simon and Schulster, 2016.
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  • Le trumpisme is dead…Au GOP de se sortir de ce piège populiste assez pervers… il a de beaux jours devant lui s’il s’appuie sur des hommes et des femmes ayant pris de la distance avec ce « moment » peu glorieux de l’histoire de leur pays…

  • Excellent article qui remet l’église au milieu du village. La défense de la démocratie libérale doit passer avant les intérêts personnels. Il est temps pour le GOP de retrouver ses racines.

    • Sans vouloir faire du trumpisme ce n’est pas parce que le GOP a vu Trump gagner les primaire qu’il a perdu ses racines mais parce qu’il a perdu ses racines non interventionnistes avec des cronies comme Bush père et fils (sans oublier les Rumsveld, Gingrich, et compagnie) que Trump a été élu.
      Au contraire, les démocrates vont vers leur tendance naturelle au stalinisme (avec Sanders) et l’ochlocratie (avec Biden/clinton/Obama). Comme les Démocrates font finalement ce qu’ils ont toujours voulu faire depuis Roosevelt (du socialisme) ils paraissent plus honnêtes intellectuellement que des Républicains qui ont pris goût aux petits fours de Washington et aux flatteries envers leur égo par l’augmentation du pouvoir étatique lorsqu’ils ont les rennes.

      • Tout à fait sur l’interventionnisme étranger. Trump a plutôt été meilleur que les autres là-dessus.

        Ce qui ne change malheureusement pas grand chose à un bilan désormais lourdement négatif alors qu’il aurait pu partir sur le succès du vaccin.

        Trump n’a fait que creuser sa propre tombe depuis l’élection (et je suis gentil sur le timing).

      • Le GOP a continué sa longue tendance de baisse massive des impôts pour les plus riches qui n’a jamais donnée de résultats si ce n’est une augmentation des déficits.

        Ce parti plaide pour toujours plus de dérégulations, moins de lois anti-trusts, la suppression de Glass–Steagall et à la fin; le résultat attendu est obtenu. Des entreprises gigantesques avec de plus en plus de situation de monopole, une oligarchie qui dirige le pays, une concentration de la richesse et toujours moins pour les autres. Si c’est ça le modèle libéral à suivre, c’est pas terrible

        • Cela a permis aux plus pauvres de trouver du travail et de voir leurs salaires augmenter de 19% ! Ce qui est déjà pas mal. Comme dit le proverbe chinois: quand les riches maigrissent les pauvres meurent. L’inverse est tout aussi vrai, plus les riches investissent, et c’est le cas aux USA où il est impensable de planquer son pognon comme font les français, plus les pauvres sortent de la misère!

        • @Fred: Les racines historiques du GOP c’est pas la baisse des impôts mais la baisse des dépenses. Or c’est précisément qu’ils ont oublié (Sauf R.Paul Père et Fils).
          Le Modèle libéral n’existe pas. Le libéralisme est une théorie du droit, pas un modèle économique.
          Régulation=Initiation de la violence physique
          Lois anti trust= Inititation de la violence physique
          Grosses entreprises= Personne n’est obligé d’acheter.

          Si par ailleurs vous pensez que les régulations ne profitent pas aux grandes entreprises au détriment des petites c’est que vous ne comprenez pas comment ça fonctionne. Les normes sont des augmentations de charges et de complexité qui profitent au gros qui peuvent les absorber et posent des barrières non tarifaires à l’entrée des marchés. La régulation favorise les monopoles bien plus que les lois anti trust ne les amenuisent. Réguler et faire des lois anti trust en même temps c’est la parfaite recette du pompier pyromane.

      • les rênes, plutôt.
        Les rennes, c’est en Laponie.

  • Il est 22H17 et je lis avec consternation les nouvelles venues des USA où la démocratie est mise à rude épreuve par les pro-Trump et Trump lui-même.

    • Les démocrates ont déjà bafoué la démocratie en tentant de virer Trump par un impeachment inventé!

    • Scandale d’état ..Souhaitons juste que les républicains se reprennent et destituent Trump , ce psychopathe est dangereux et il entraine derrière lui des extrémistes armés anciens combattants qui sont capables du pire…C’est effrayant…!!!

      • pas plus effrayant hélas que la façon dont fonctionnent bon nombre d’administrations américaines…

        • c’est sûr, des hystériques qui se baladent avec des fusils d’assaut dans les rues; c’est réconfortant. Mais je suis d’accord, il y a plus effrayant; la prise de pouvoir par une oligarchie et la régression de la classe moyenne

  • Sortie de scène pitoyable du clown jaune !

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