TFBoys, le boys band du Parti communiste chinois

La propagande nous en apprend beaucoup sur les mutations de la dictature au pouvoir. Pour survivre, elle est prête à tout, y compris reprendre et subvertir les codes de la popculture occidentale.

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TFBoys, le boys band du Parti communiste chinois

Publié le 17 septembre 2020
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Par Frédéric Mas.

Pour vous la K-pop, c’est d’abord, musicalement, des tonnes de sucre dispensés par des boys band au look d’ados des années 1990 ? C’est que vous ne connaissez pas encore la Mandopop, et leur star incontestée, TFBoys qui surpasse par sa popularité et sa mièvrerie tout ce que vous avez entendu.

TFBoys, ou The Fighting Boys, ne vous dit sans doute rien, c’est pourtant le groupe pop le plus populaire en Chine. Ses followers se comptent en dizaines de millions sur Weibo, le Twitter chinois. Depuis 2013, date de leur création, ils enchaînent les récompenses musicales à travers le pays.

Comme le rappelle Kai Strittmatter dans son dernier essai, Dictature 2.0. Quand la Chine surveille son peuple (et demain le monde) (2020) :

Le post Weibo le plus diffusé de tous les temps remonte au mois de septembre 2014 : « Aujourd’hui, j’ai 15 ans, et tant d’entre vous sont à côté de moi. Merci d’avoir été auprès de moi ces dernières années. » Il s’agit même probablement du message le plus diffusé au monde sur les réseaux sociaux, ou en tout cas du premier à avoir dépassé les 100 millions de retransmissions. Son auteur était Wang Junkai, l’un des TFBoys.

Des popstars continentales en somme.

Des jeunes gens modernes

De prime abord, rien de subversif dans leur message qui plaît aux jeunes comme aux moins jeunes et séduit au-delà des frontières chinoises. Des jeunes gens bien sous tout rapport, qui en plus s’engagent pour défendre de grandes et nobles causes humanitaires. Ses membres soutiennent des organisations éducatives pour les régions rurales du pays et pour la protection de l’environnement.

Seulement, TFBoys n’est pas un groupe comme les autres. C’est un montage créé de toutes pièces par et pour la propagande du Parti communiste chinois pour assurer l’encadrement idéologique du Peuple.

Le gouvernement soutient le groupe, ses vidéos sont relayées sur Weibo par la ligue de la jeunesse communiste et en 2015 ils ont repris à leur compte l’hymne des jeunes pionniers, l’une des plus grosses organisations de jeunesse du pays. Son titre ? « Nous sommes les héritiers du communisme ».

Le bourrage de crâne s’est adapté aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies.

Depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, la propagande du parti s’est intensifiée pour asseoir le retour pur et dur du marxisme-léninisme à la tête du pays. Harmoniser les opinions, éliminer les dissidents et modeler l’opinion publique est désormais prioritaire.

Seulement, ce durcissement se double d’une évolution des méthodes de propagande, qui désormais cherchent aussi à modeler les esprits de manière plus subtile en surfant sur les modes sociales du moment.

David Bowie et le plan quinquennal

Le ton « pop » avait été donné dès le 27 octobre 2015, quand l’agence de presse Xinhua avait révélé sa vidéo de promotion du 13e plan quinquennal (2016-2021). « Dans le clip d’animation, des personnages (David Bowie) et des motifs (un minivan Volkswagen) inspirés de la culture populaire occidentale interpellent le spectateur et un chœur chante en anglais l’importance du plan quinquennal dans le développement économique et les réformes politiques à venir en République populaire de Chine (RPC). », décrit Léo Kloeckner dans un article de Géoconfluences de 2016.

La propagande nous en apprend beaucoup sur les mutations de la dictature au pouvoir. Pour survivre, elle est prête à tout, y compris reprendre et subvertir les codes de la popculture occidentale. Un nouveau paravent aux couleurs chatoyantes pour cacher la répression brutale des dissidents, la persécution des Ouïghours et l’écrasement de Hong Kong.

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  • Parce que pour reprendre et subvertir les codes de la culture occidentale à son profit, il faudrait être prêt à tout ? Il faudrait une grande naïveté pour ne pas s’attendre à ce que les dirigeants, chinois ou pas, fassent ce qui les arrange au détriment de « codes » dont ils n’ont pas grand chose à cirer.

  • Heureusement, dans nos bienheureuses démocraties, la propagande et l’uniformisation des esprits, on ne sait pas ce que c’est. Ouf!

  • Moi j’y vois les ‘Pionniere’ de DDR dans les années 70-80 (même le salut), comme je les ai rencontrés au bord du ‘Plauersee’ , encadrés par des monitrices belles comme des coeurs… 🙂

    http://cgtrda.free.fr/22f-fdj.htm

  • Je trouve l’analyse assez simpliste. Que pense l’auteur des nombreux groupes kpop sud coréens ?
    Les membres des TFBoys participent régulièrement à des télé-réalités à travers la Chine, sponsorisés par des produits chinois (ça me fait toujours rire les placements publicitaires des émissions chinoises pour ceux qui ont déjà vu).
    Je ne vois pas en quoi il y a « propagande du gouvernement central » : en Chine, il y a des règles, un peu comme dans tout pays en fait… Sauf que là bas, bah les gens les respectent, car s’ils ne les respectent pas, ils sont sanctionnés… Contrairement en France qui en a une bonne palanquée de règle mais que tout le monde s’en fout. Résultat : Shanghaï est très certainement plus propre que Paris…

    • Les chinois respectent les règles?
      C’est une fable: un groupe de touristes chinois, vous verrez que ça part dans tous les sens, contrairement aux japonais.
      Et les différents scandales en Chine sont sans doute dû un un manque de compréhension des textes de lois?
      Non, du pas vu pas pris d’un cynisme incroyable (genre, mélanger de la farine de blé à de la poudre de lait pour le lait infantile, qui a entrainé de nombreux décès de nourisson. On n’en a pas beaucoup parlé en occident car farine de blé = bon, mais pour les nourrissons, c’est très très moyen…).

  • La vous vous plantez grave, les chinois n’ont besoin d’aucune idéologie pour faire du chinois.. On n’a eu nos boy’s band.. Ils rattrapent l’occident tandis que l’occident se dirige vers du maoisme décervelé voir côtoyer les kmers cambodgiens.

  • La Chine marxiste-léniniste ? Absolument pas. Cette grille de lecture est largement dépassée et n’a jamais vraiment collé à la politique chinoise.
    La propagande par la culture date de longtemps ! Hollywood a été (et est encore) depuis les années 20 une machine à laver les cerveaux. Anti-communiste, anti-nazi, anti-japonais, anti-russe, anti-arabe, pro-israelien, etc, nationaliste, avec un puissant appareil de censure, fabriquant à tour de bras de la mythologie américaine, tout ça au pays de la liberté (lol).
    La Chine le fait moins discrètement et à un degré plus élevé, c’est sûr. Les capitalistes ont ouverts des boulevards à la Chine, et qui payent les pots cassés maintenant ? Les libéraux (qui sont bien embêtés, car comment résister individuellement à l’ogre chinois sans force nationale/transnationale ?) et le reste du monde en général en fait…

    • Les libéraux ? Comment résister ?

      Les libéraux, ils s’en battent le steak, ils sont par définition libre, hors du système. Probablement pour çà qu’un parti libéral a peu de sens

      • arf, vous montrez là une des caractéristiques des « mauvais » libéraux, qui se pensent hors système, incapable/ne désirant pas faire société, et qui réduisent dès lors le libéralisme à une utopie entre libertarisme et anarchie (qui sont d’excellents terreaux pour les autoritarismes locaux).
        Vos libéraux sont égoïstes, pas individualistes.

        • Il peut y avoir des tendances ou points de vues différents chez les libéraux. Mais pas plus de « bons » libéraux que de « mauvais » libéraux que de bons ou mauvais socialistes.

          Le classement ou le jugement d’autrui est ce que je rejette – en particulier dans la « bien-pensance ». Il y a juste un contrat social à respecter (réduit au plus simple et indépendant du pouvoir en place).

          • Je suis bien entendu pour la pluralité des opinions (ce qui est mal vu sur CP, défenseur d’une ligne autrichienne dure). Quand je dis « mauvais », ce n’est pas un jugement, c’est parce que ce qu’ils appellent libéralisme aboutit à la diminution des libertés.

            • Pour établir un contrat social minimum – qui ne sera pas interprété au bon gré de groupes de pression – il faut avoir une définition forte mais minimaliste de la société et la liberté.

              Disons qu’il y a liberté fondamentale et société fondamentale. Chacun peut se sentir « étriqué » dans cette primauté au fondamental. Mais il est nécessaire de justifier toute extension du concept dans l’optique des fondements et montrer que ces extensions ne vont pas à l’encontre des principes.

              Si vous pouvez montrer que le capitalisme (par exemple de connivence) ou la menace globale (sanitaire) vont à l’encontre des principes de base, c’est recevable. Sinon pas.

              • J’ai dû relire 2X… C’est pas bête ce que vous dites, j’avoue.
                Cependant, le capitalisme ne va à l’encontre de rien du tout en lui-même s’il reste un outil (je l’ai déjà maintes fois expliqué), mais il peut être extrêmement liberticide s’il est utilisé à cette fin (esclavagisme par exemple) ou s’il est laissé sans surveillance (abus de position dominante).

  • Difficile de se mettre dans la tête d’un dirigeant chinois. Mais le marxisme-léninisme est passé d’idéologie à méthode de gouvernance.

    Alors pourquoi ne reprendrait-ils pas toutes les modes occidentales qui fédèrent quand ils peuvent les contrôler pour qu’elles ne soit pas en opposition avec la doctrine officielle.

    Les « grandes idées » sur le monde, les causes humanitaires ou l’environnement ne sont que du vent pour le PC chinois, comme pour n’importe quel groupe visant à contrôler un pays.

    En revanche, pour parler de « survivre », il faudrait peut-être établir que l’existence du PC chinois est menacée. Quels sont les critères objectifs qui vont dans ce sens ?

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