Comment un bon journaliste doit parler des inégalités

Si un enseignement avait été donné aux journalistes pour traiter des inégalités comme ils le font comment aurait-il été rédigé ?

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Comment un bon journaliste doit parler des inégalités

Publié le 9 juin 2020
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Par Hadrien Gournay.

Les inégalités sont un thème de propagande qu’il est indispensable d’inclure dans vos articles pour favoriser une politique de redistribution. Nous verrons comment le faire avec les deux principales : les inégalités économiques et les inégalités devant l’impôt.

Inégalités économiques

Deux thèmes affleurent : le type d’inégalités économiques que vous devez mentionner et la variation des inégalités.

Quelles inégalités préférer ?

Inégalités de patrimoine, de revenus et de consommation sont les principaux types d’inégalités économiques. Avec les deux dernières, différentes périodes de références peuvent être prises en compte (mois, année, décennie, vie).

Si la pertinence était votre critère de choix, vous devriez mettre en avant les inégalités de revenus sur le long terme plutôt que sur le court terme et les inégalités de revenus plutôt que les inégalités de patrimoine.

Ainsi, entre deux personnes aux revenus très inégaux mais au patrimoine égal, qui conclurait à l’égalité économique ? Le fait qu’une starlette ait dilapidé son argent est de sa responsabilité. À l’inverse, en quoi la cohabitation de deux personnes aux revenus égaux et aux patrimoines inégaux démontrerait une inégalité ? Elles auraient simplement, sauf cas d’accident, utilisé différemment leur argent.

Enfin, les inégalités de long terme devraient être mises au premier plan.

Si A gagne trois fois plus que B l’année 1 et que le rapport de la première année est inversé la deuxième année, l’inégalité se trouve sinon anéantie, du moins largement relativisée.

La règle à suivre est simple : l’important est que le critère choisi maximalise les inégalités. Or, les inégalités de patrimoine sont plus importantes que les inégalités de revenus et les inégalités de court terme sont plus élevées que les inégalités de long terme. Les critères qui doivent prévaloir dans vos articles seront à l’exact opposé de leur ordre de pertinence. 

Néanmoins, comme vous aurez toujours à évoquer les inégalités de revenus, vous devrez traiter de leur évolution.

— La variation des inégalités

Selon les périodes ou les années, les inégalités s’accroissent ou se réduisent. Or, dans vos articles elles doivent toujours augmenter. La technique la plus simple est de relater les montées en « oubliant» les descentes ; mais pourquoi s’arrêter là quand on dispose de techniques plus sophistiquées ?

Travaillons à partir des données suivantes :

  • la première année, le riche gagne 4000 euros, le pauvre 1000 euros ;
  • la deuxième année le riche ne gagne plus que 3500 euros, le pauvre 950 euros ;
  • la troisième année le riche et le pauvre gagnent la même somme que la première année.

Question : comment laisser entendre que les inégalités s’aggravent d’année en année alors que nous sommes revenus au point de départ ?

La méthode est simple :

  • la deuxième année vous affirmerez que la crise touche plus durement les plus pauvres. Et après tout, c’est en grande partie vrai ! La perte de 50 euros pour qui en gagne 1000 peut être plus durement ressentie que la perte de 500 euros pour qui en gagne 4000. Il est inutile voire contreproductif de précisez que vous adoptez une méthode subjective. De toute manière, personne ne vous reprochera de faire preuve de compassion.
  • la troisième année, vous en reviendrez à la logique chiffrée et soulignerez que les plus hauts revenus sont ceux qui profitent le plus de la reprise.

Contrairement à l’égalité de revenu, critère à implication directement socialiste, l’inégalité devant l’impôt, parce qu’elle oriente vers un impôt proportionnel, est plutôt l’auxiliaire d’un discours libéral. Cela ne devra pas vous empêcher de la mettre au service de politiques visant l’égalité des revenus.

Inégalités face à l’impôt

Pour atteindre vos objectifs, deux principes doivent vous guider : préférer aux niveaux d’imposition leurs variations et présenter habilement ces variations.

— Variation contre niveau d’imposition

Certes, le niveau d’imposition est par lui-même un critère bien plus valide de la justice fiscale que ses variations. Ces dernières ne montrent une injustice qu’à condition de présumer la justice des taux précédents.

Par exemple, si pour une tranche de revenus donnée le taux d’imposition des hommes passait de 25 à 30 % et celui des femmes de 45 à 40 % c’est bien dans le niveau d’imposition final et non dans sa variation que nous trouverions le critère de la justice et de l’injustice. Néanmoins, ce n’est pas ainsi que vous devez présenter les choses.

Soit un impôt sur le revenu avec une première tranche à 5 % jusqu’à 3000 euros et une tranche à 95 % à partir de 3000 euros. Le pauvre gagne 1000 euros et paie 50 euros d’impôt tandis que le riche gagne 10 000 euros et paie donc 6800 euros d’impôt. Pour les revenus supérieurs à 3000 euros la tranche passe à 93 %. Vous ne devrez pas vous attarder sur les niveaux d’imposition de chacun mais constater que les baisses d’impôt bénéficient aux plus riches.

— Habile présentation des variations

Mais comment ferez-vous si dans le même temps, les taux d’imposition du pauvre diminuaient de 5 à 3 points ? Nul ne songerait je pense à commettre l’étourderie de calculer pour chacun une baisse d’impôt en pourcentage de l’impôt précédent. La présentation convenable des données est en réalité très simple. Dans notre exemple, la baisse d’impôt du pauvre en valeur absolue est de 20 euros (2 % de 1000 euros), celle du riche 140 euros (2 % de 7000 euros). Il vous suffit de souligner le fait que le plus riche a été bénéficiaires de 87,5 % des baisses d’impôt.

Vous serez ainsi parvenus à créer l’illusion que les baisses d’impôts ont favorisé les plus riches. Vous aurez ainsi rendu n’importe quelle diminution d’un impôt progressif politiquement impossible. Or, si dans le même temps les hausses sont encouragées, on arrive inéluctablement à un impôt confiscatoire préparant une égalité des revenus.

Ce n’est pas un mince exploit car l’égalité devant l’impôt n’est pas un thème socialiste. Mais pour cette raison, elle se présente à l’opinion sous un jour plus raisonnable que celle de l’égalité des revenus. Tout le monde ne souhaite pas l’égalité des revenus mais personne ne comprend que les riches puissent payer moins d’impôts que les pauvres. Aussi parvenir à inverser la lecture que l’opinion peut avoir des taux d’imposition est une question cruciale.

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  • Il n’est de « bons » journalistes que de gauche (les bien-pensants) ! Cet article est excellent sauf à ne rencontrer aucune audience, ni action, ni répercussion de la part des sus-nommés . . .

  • Pour faire simple : les inégalités engendrent les échanges : si mon voisin a les mêmes choses que moi dans les mêmes quantités, ni besoin ni désir d’échanger avec lui. Les échanges (libres) engendrent la richesse.
    Conclusion : les socialistes avec leur passion de l’égalité ont engendré la pauvreté et l’isolement nécessaires à leur fond de commerce politique. Et ça ne date pas d’hier.
    Vivent les inégalités.

    •  » si mon voisin a les mêmes choses que moi dans les mêmes quantités,  »
      Pas seulement.
      Il faut également que votre voisin ait exactement les mêmes besoins, envies et désirs que vous. Dans ce cas, il n’y aura effectivement aucun intérêt à échanger et donc pas d’échange in fine.
      Si vous et votre voisin avez des envies, désirs, projets différents, vous pourrez échanger même si vous avez les mêmes choses dans les mêmes quantités. Vous aurez besoin d’un peu plus pour certaines choses et votre voisin aura besoin d’un peu plus d’autre chose que vous avez vous.

      In fine l’égalitarisme ne consiste pas seulement en une égalité des biens matériels, mais nécessite une uniformité et un formatage des esprits afin d’éviter tout esprit « déviant » de la norme acceptable au risque de fissurer le bel édifice promu et entretenu par des dirigeants « éclairés » mais, évidemment, non soumis à ce formatage…

  • Heureusement que les inégalités économiques (au sens large) existent! Déjà pour récompenser des inégalités d’investissement personnel dans son travail, puis pour récompenser ceux qui ont la meilleure stratégie économique. Et enfin heureusement que les inégalités économiques existent pour que ceux étant défavorisés sur d’autres aspects comme la beauté, ou de force physique par exemple puissent compenser un peu. Être désavantagé sur le plan intellectuel doit cependant être bien difficile à compenser sur le plan économique.
    Mais dans la tête de certains l’inégalité n’est pas justifiable et il n’y a que l’inégalité économique qui compte.

    • Les inégalités vous montrent aussi un chemin.

      Si mon voisin gagne trois fois plus que moi, je peux l’observer et comprendre ce qu’il fait que je ne fais et ce qu’il fait de mieux que je fais mal. Ça force à s’améliorier. La concurrence toujours.

  • L’égalité est un fantasme qui a toujours porté la « gauche »..
    Rien dans la nature ne repose sur un tel axiome! donc si l’égalité n’est pas un fondamental « naturel » les verts marxistes sont donc bien une construction qui n’a rien de naturel ( je sais que çà va leur faire plaisir),,, a partir de là ils devraient avoir
    la conscience de leurs erreurs!
    Si l’égalité prônée par l’humanisme socialiste , ne justifie pas les avantages éhontés dont leurs organisations bénéficient,de quoi parle t’ on?
    Si l’égalité chantée par les syndicats marxistes étaient l’objectif , que ne dénoncent ils pas les avantages du statut de la fonction publique versus le statut des précaires qui payent leur condition..

    On voit bien là l’utilisation des mots , qui permet de vendre aux pauvres un monde meilleur toujours repoussé aux calendes ,comme jadis l’église avec des évêques couverts d’or , vendaient aux pauvres le monde d’après..

    L’égalité c’est faire manger de l’herbe aux tigres

    • De base, l’égalité voudrait que TOUS aie le même taux d’imposition, donc que TOUS paie cet impôt en fonction de ses ressources (un peu comme les autoentrepreneurs en quelque sorte). Mais bon… Cette définition de l’égalité est tellement fachiste, climatosceptique et raciste qu’elle est inacceptable 🙂

  • Excellente analyse ! Ouf… Maintenant, nous savons comment se préparer à devenir un « bien-pensant »… Après, serons nous accepté quand même (même en étant blanc cisgenre…) ? 🙂

  • Brillante démonstrtation! Chaque fois que je fais ce genre de c

    • calcul pour démontrer que les affirmations des médias sont mensongères, les gens ont du mal à suivre. Il faut dire que la culture mathématique du plus grand nombre est faible, grand merci à l’EdNat.

      • Malheureusement à ce niveau là, ce n’est plus de la simple inculture.

        Je suis attéré que même des gens diplômés et compétents dans leur domaine n’ont même plus le début d’un commencement d’un raisonnement. Je ne sais trop quoi penser. Lavage de cerveaux? Paresse?

  • Nous étions censés malgré nos différences être tous égaux devant la loi et l’impôt.
    Il fut un temps où l’on disait que nul n’était censé ignorer la loi.
    Nous pouvions nous poser la question: mais comment faire?
    La réponse était: il suffit de vous comporter en bon père de famille.
    Mais qu’est ce que se comporter en bon père de famille?
    Il vous suffit de respecter quelques valeurs qui étaient à la base d’un enseignement certes religieux qui ont servi de base à l’établissement des codes civils et pénal.
    Il est vrai que m’en respectant ce principe on vivait sans ennui.
    Puis on a amoncelé les lois en visant un objectif « d’égalité sociale » ce qui est une utopie d’apparence généreuse et ce à un tel niveau que même les juristes s’y perdent. Le résultat est que même de toute bonne foi il peut nous arriver de se mettre hors la loi. Sauf que contre toute attente quand cela vous arrive plusieurs fois vous vous habituez à devenir hors la loi.
    Le socialisme est pervers, et sa méthode est de faire croire à une égalité potentielle entre les citoyens par la spoliation de ceux qui se sont le plus investi pour enrichir leur nation.
    Les journalistes sont devenus la courroie de transmission de cette méthode.
    Il ne leur viendrait jamais à l’idée que le gain résulte aussi de l’effort, de prise de risques, d’une volonté individuelle, de sacrifices familiaux, de nuits blanches, de WE ou vacances annulées. Et j’en passe… mais tout cela n’est pas quantifiable et n’est pas correct…
    Alors les socialistes ont trouver la pierre philosophale: le revenu universel.
    Voilà ce qui sera la base d’une égalité parfaite mais comme tout reste inégal par ailleurs nous risquons de plus en plus de devenir des hors la loi pour espérer exister.

  • Excellent article. Très didactique. Il devrait être lu au collège.

  • Les commentaires sont fermés.

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