Par Philippe Alezard.
En début de semaine dernière, Robert Ophèle était interrogé sur la possibilité d’une fermeture des marchés financiers pour enrayer la chute inexorable de ceux-ci. Sa réponse fut « on ne ferme pas un marché qui fonctionne ». Et cependant, juste après cette déclaration, mercredi la décision est prise d’interdire la vente à découvert sur un certains nombre de titres.
Quel est l’intérêt d’une telle décision alors que le marché fonctionne ?
Avant tout, définissons ce qu’est un vendeur à découvert. On a pour habitude de définir un profit comme étant la différence entre un achat et une vente. Mais on peut raisonner en sens inverse. Si je peux vendre quelque chose et le racheter à un prix inférieur, je réalise également un profit. Pour que cela fonctionne, il ne faut pas détenir l’actif le jour où la vente est négociée, mais être en mesure de le posséder le jour du rachat.
Lorsque votre analyse vous laisse penser qu’un titre est surévalué, vous empruntez ce titre à un courtier, moyennant le paiement d’un intérêt, afin de le vendre sur les marchés financiers. Ce courtier détient le titre ou l’a lui même emprunté à un autre courtier ou client.
Si votre analyse a été correcte, vous rachetez ensuite vos titres à un prix inférieur, générant ainsi un profit diminué du remboursement de votre prime d’intérêt. Le prêteur, de son côté, a pu bénéficier d’une source de revenu, l’intérêt.
Par exemple, un hedge fund emprunte un volume d’actions à un fonds de pension et s’engage à le lui restituer dans un temps défini augmenté d’un lending fee, un intérêt. Le hedge fund va vendre ces actions sur le marché en espérant les racheter avant le terme à un prix inférieur. Au terme du contrat, il restitue le volume d’actions au fond de pension en lui versant le lending fee.
Une opération où tout le monde est gagnant
Dans cette opération tout le monde est gagnant. Le hedge qui réalise un profit, le fonds de pension, qui dans tous les cas aurait gardé ses actions quel que soit le prix, qui perçoit un lending fee. Mais également le marché qui voit la liquidité maintenue. Le seul à prendre un risque, mais c’est son métier, c’est le hedge fund qui peut être obligé de racheter à un prix supérieur à sa vente.
La vente à découvert peut en outre s’effectuer au travers des produits dérivés. Soit en vendant des contrats futurs ou en vendant des options d’achat, short call. Tous les actifs du marché sont négociables à la vente à découvert, devises, matières premières, actions, index, etc.
Intuitivement on peut penser que limiter les flux vendeurs peut être un élément qui pourrait stopper la baisse des marchés. Mais c’est oublier un certain nombre points cruciaux du fonctionnement des marchés.
Le premier, c’est qu’un vendeur à découvert sert de régulateur de prix, évitant certaines bulles spéculatives. Il permet à l’investissement de revenir se loger dans des actifs qui ont été réévalués au bon prix. C’est également un « lanceur d’alerte » sur certains disfonctionnements sur le titre. Il attire l’attention des investisseurs en lançant un signal de distorsion. En deuxième lieu, tout vendeur est un acheteur potentiel, qui participe donc à la reprise du marché.
Enfin, et c’est un point clé, la vente à découvert est un outil fondamental de gestion du risque.
Tout acteur financier, qu’il soit gérant actions, indiciel, de taux ou autre, a besoin de couvrir ses positions acheteuses lors de krach tel que celui que nous connaissons. Pour cela il doit pouvoir vendre des actifs pour stopper la propre hémorragie de son portefeuille. Il doit pouvoir réaliser son arbitrage tel qu’il avait été prévu dans sa stratégie.
Dès lors qu’on le lui interdit, le gérant ne contrôle plus son risque. Il lui reste donc deux options :
- il doit liquider tout ou partie de ses positions, amplifiant ainsi la baisse des marchés
- s’il possède suffisamment de fonds disponibles, il patiente, ne prend plus de position et dans ce cas il participe à amplifier le manque de liquidité.
Il est indéniable que certains spéculateurs vautours ont su exploiter les brèches ouvertes par la vente à découvert.
L’exemple le plus célèbre fut « l’attaque » de Georges Soros sur la livre sterling en 1992. En vendant à découvert plus de dix milliards de dollars contre la livre, Soros prend ce risque car sa propre analyse lui montre une anomalie de marché lui laissant penser que la livre est surévaluée.
C’est pourquoi la régulation, tant nationale, européenne, qu’internationale, encadre la vente à découvert par des règles strictes et très lourdes.
La littérature académique à propos de l’interdiction de vente à découvert est riche et les conclusions vont toutes dans le même sens : cela ne fonctionne pas.
Cela n’a pas empêché l’AMF de prendre cette décision pour le moins surprenante mercredi dernier. L’effet a été immédiat sur la volatilité intraday et la liquidité. Les volumes d’échanges qui se maintenaient sur le CAC 40 à hauteur de 10 milliards par jour chutent de moitié. Les spread entre l’achat et la vente sur les contrats futures passent de 0,5 point à 4 points.
Décision stupide
Cette décision est d’autant plus stupide qu’elle n’est pas coordonnée entre les différentes places boursières, a minima européennes, voire mondiales. De plus elle ne concerne qu’une liste de 90 actions. Donc les volumes fuient Euronext pour se reporter sur l’Eurex, par exemple, où il n’existe aucun bannissement, ou peuvent se concentrer sur d’autres titres.
En 2008 la SEC, Securities and Exchange Commission, le gendarme de la bourse américaine, avait introduit pour trois semaines le mécanisme d’interdiction de vente à découvert, ban of short selling. Son président, Christopher Cox, avait déclaré devant une commission spéciale du Sénat, que cela avait été la plus grande erreur de son mandat.
L’interdiction de la vente à découvert est une décision politique prise par des personnes qui ne connaissent pas le fonctionnement des marchés financiers. C’est un nuage de fumée destiné à pointer du doigt certains acteurs de la finance, que l’on définit comme de méchants spéculateurs, mais dont les conséquences sont désastreuses pour tout le monde.
« L’interdiction de la vente à découvert est une décision politique prise par des personnes qui ne connaissent pas le fonctionnement des marchés financiers. »
Cette affirmation à elle seule est tellement choquante qu’elle suggère un caractère partisan, uniquement à charge contre cette décision, de l’argumentaire.
Qu’y a t’il de choquant à critiquer des décisions unilatérales de hauts fonctionnaires? Ophèle est un haut fonctionnaire de carrière. Il a passé sa vie à déblatérer sur le marché alors qu’il n’y a jamais été lui même. C’est un homme qui a vécu toute sa vie des impôts payés les autres et qui n’a jamais produit un kopek de sa vie. J’ose le dire: ce mec ne connait rien au marché. Il n’est jamais allé l’expérimenter. Sur ce point je suis parfaitement d’accord avec l’auteur.
vous n’avez sans doute pas lu l’article ?
@ Mitch
Cette afirmation A ELLE SEULE est choquante, pas la critique.
@ breitz
Je l’ai lu suffisament pour constater que l’auteur décrit la vente à découvert essentiellement comme un mécanisme de régulation des marchés, et me poser la question de l’utilité de cette régulation dans une période où les marchés risquent rapidement de ne plus refléter la réalité économique des entreprises cotées, ce qui me semblait jusqu’à présent constituer une des raisons d’être essentielles de ces marchés.
J’ai constaté aussi le jugement négatif de l’auteur sur les arguments que « le marché fonctionne », et que « tout le monde est gagnant ». Autrement dit : « Laissez nous faire nos salades, puisqu’on est tous gagnants ».
Ils font comme en 2008…
Pour ce qui est des personnes qui agissent sans maîtrise du domaine qui leur est confié, c’est malheureusement pareil pour tout le reste, c’est même devenu leur marque de reconnaissance. Il suffit de voir la gestion de la crise sanitaire…
Personnellement, je ne pense pas que ces gens haïssent l’argent, ils haïssent ceux qui en ont, et surtout ceux qui en ont plus qu’eux sans être de connivence pour autant.
Le problème n’est pas l’argent, mais la façon dont il est gagné.
Le problème est la façon dont il peut être pris par force à ceux qui l’ont gagné.
@MichelO
Le problème qui se profile,avec encore plus de précision que lors de la crise de 2008, est celui du fonctionnement à plein régime de la planche à billet mondiale,dont il conviendrait de ne pas trop oublier les conséquences quant à l’atterrissage « post » crise…
Il est exact que , depuis cette décision d’interdiction des ventes à découvert, on a vu les cours de certaines actions évoluer de facon incroyable à la hausse ou à la baisse. Pouvait on imaginer il y a un mois l’action total baisser de 10% en une journée ! Ou celle de Société Générale perdre 15% un jour et regagner 10% le lendemain !
Ceci dit on ne peut pas affirmer que ces mouvements « aberrants » n’auraient pas eu lieu avec les ventes à découverts. Cette interdiction est une demi mesure entre les partisans de laisser les marchés financiers continuer comme avant et ceux qui demandaient la fermeture pure et simple de ces memes marchés financiers pour stopper la « dégringolade ».
Une partie de ces mouvements a eu lieu pour des raisons techniques liées à la promulgation de l’interdiction, à 2 jours de la journée des 4 sorcières.
« à 2 jours de la journée des 4 sorcières »
Pourriez-vous nous en dire davantage ? 🙂
La journée des 4 sorcières, qui devrait d’ailleurs s’appeler des 4 ensorcellements, est celle où se retrouvent chaque trimestre le 4e vendredi du mois les débouclages des contrats à terme sur indices et sur actions, et des options sur indices et sur actions. Changer les règles à 2 jours de ce débouclage oblige les opérateurs à des acrobaties sans nom pour respecter leurs obligations contractuelles. C’est comme un particulier ou une entreprise à laquelle on annoncerait, là deux jours de la fin du mois à laquelle le paiement des factures émises va compenser les salaires et fournisseurs payés, que son autorisation de découvert est supprimée immédiatement.
… le 3e vendredi du mois…
Merci
Les promesses de vente et d’achat à terme font partie du fonctionnement normal des marchés. C’est vrai que certains spéculateurs gagnent et que d’autres perdent. Cela ne me choque pas tant qu’ils le font avec leur propre argent honnêtement gagné. Là où cela devient choquant c’est quand certains spéculateurs ont un accès direct à la création monétaire débridée des banques centrales. L’avantage indu que cela leur donne (un joueur à moyens illimités finit toujours par gagner) leur permet finalement de capter la propriété de tout ce que des épargnants malheureux vendent dans l’affolement. La propriété du capital se concentre ainsi dans les mains de financiers improductifs. De tous les dysfonctionnements financiers, celui des banques centrales (poussées par les politiciens) est le pire.
La « VADe » devrait être interdite, tout simplement : c’est une ouverture que l’on donne à des « fonds vautours » pour spéculer à la baisse.
Quand je lis « Cette décision est d’autant plus stupide qu’elle n’est pas coordonnée entre les différentes places boursières, a minima européennes, voire mondiales. De plus elle ne concerne qu’une liste de 90 actions. Donc les volumes fuient Euronext pour se reporter sur l’Eurex, par exemple, où il n’existe aucun bannissement, ou peuvent se concentrer sur d’autres titres. »
cela signifie bien que les « fonds vautours » savent se déplacer non ?
il faut donc interdire la vade partout ! les pays doivent se concerter pour cela !
L’emprunt devrait alors être interdit : c’est une autorisation qu’on donne à certains de dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas, et de spéculer qu’ils l’arracheront à d’autres avec leurs serres de vautours.
Cet article est truffé d’erreurs, de fausses informations et d’éléments non maitrisés par son auteur. Un florilège non exhaustif ci-dessous. Quand on maitrise aussi peu son sujet, pas la peine de rédiger un article pour exciter les foules.
– Le premier, c’est qu’un vendeur à découvert sert de régulateur de prix, évitant certaines bulles spéculatives.
==> les bulles peuvent aussi avoir lieu à la baisse, provoquées par le short sell
– Dès lors qu’on le lui interdit, le gérant ne contrôle plus son risque.
==> FAUX la prise de position short ou sur des dérivés pour couvrir une position longue n’est pas interdite.
– C’est pourquoi la régulation, tant nationale, européenne, qu’internationale, encadre la vente à découvert par des règles strictes et très lourdes
==> IMPRECIS à quelle règlementation faites-vous référence pour les qualifier de très lourdes ?
– Les volumes d’échanges qui se maintenaient sur le CAC 40 à hauteur de 10 milliards par jour chutent de moitié.
==> IMPRECIS un volume de 10 milliards n’a été atteint que sur quelques séances et n’est pas représentatif, les volumes d’échanges actuels restent supérieurs à une séance habituelle à Paris. Il n’y a pas vraiment de problème de liquidités sur les marchés actuellement ni depuis les 10 dernières années !!
– Donc les volumes fuient Euronext pour se reporter sur l’Eurex,
==> INCOHERENT et HORS SUJET, l’Eurex est un marché de dérivés, pas d’action
– Cette décision est d’autant plus stupide qu’elle n’est pas coordonnée entre les différentes places boursières, a minima européennes, voire mondiales.
==> FAUX la plupart des régulateurs ont adopté la même mesure sous l’égide l’ESMA
– De plus elle ne concerne qu’une liste de 90 actions.
==> FAUX, tout le marché est désormais concerné
@Arkadyuzs
Votre démonstration très technique est instructive.
L’exercice du droit de réponse de l’auteur de cet article serait le bienvenu pour les internautes béotiens de ce site qui, n’ayant aucune raison « d’être excités », ne demandent qu’à comprendre les arcanes de la finance !